DOSSIER “SIVENS”, publié dans “Rouge et Vert” n° 384, novembre 2014 :

Depuis plusieurs années, Les Alternatifs 81-12 suivent attentivement le dossier du projet de barrage de SIVENS. Depuis quelques mois les évènements se sont accélérés ouvrant vers une médiatisation de cette lutte.
La mort tragique d’un jeune manifestant, le jour où une « marche nationale de réappropriation des lieux » était organisée, donne une autre dimension et à la lutte et au dossier.
Mensonges à tous les étages, petits arrangements entre amis, dossier d’enquête publique mal ficelé, projets alternatifs non pris en compte, faiblesses du montage financier, interrogations sur la destination réelle de l’ouvrage, sont quelques uns des points forts qui sont à présent dans le débat public et auxquels personne ne peut plus échapper, ni les pouvoirs publics, ni les commanditaires. A cela s’ajoutent, outre la question des violences policières, celles de la démocratie dans la prise de décision, celles de l’agriculture pour demain, de l’aménagement du territoire. Questions qui sont au cœur des problématiques que portent Les Alternatifs. Nous avons choisi de donner la parole en priorité à des acteurs de cette lutte multiforme. Nous ne traitons pas de tout : la place manquerait. Tous ne sont pas là, mais celles et ceux qui interviennent dans ce dossier ont des faits à rapporter, des premières analyses à donner, des convictions à défendre.

Les Alternatifs 81-12

Chronique d’une mort annoncée ! Edito

On vous l’avait pourtant bien dit ! Et même seriné depuis plus d’un mois !
Toute personne passant quelques heures sur le Testet pouvait le sentir de façon très sensible. Il suffisait d’ouvrir les yeux (et les oreilles !) pour comprendre que les brutalités et les insultes des forces dites de l’ordre annonçaient que l’irréparable arrivait au galop.
Mais la volonté de ne rien voir ni entendre – et encore moins celle d’écouter – des chefaillons politiques Tarnais, trop obnubilés par leurs intérêts, confondus sciemment avec ceux de leurs petits copains (coquins ?) indiquait clairement, par delà la destruction de la dernière zone humide du département, celle des hommes, des femmes et de tous ces jeunes zadistes qui se sont levés pour empêcher ce massacre.
Jusqu’à l’entêtement « relativement stupide et bête » ! Jusqu’à susciter les violences policières ! Jusqu’à la mort ? Oui, jusqu’à la mort, celle d’un gamin spécialiste des renoncules !
La mort, conséquence ultime de la politique du passage en force, du refus de débattre et de remettre en question ses certitudes et ses méthodes de voyous, dans le mépris le plus total de la démocratie. Laquelle, faut-il le rappeler, s’incarne dans une charte intitulée « Citoyenneté et Démocratie Participative » et adoptée par le Conseil Général du Tarn il n’y a guère plus de 3 ans : mais le chemin est long des paroles (voire des écrits) aux actes !
Souhaitons que ce mépris des citoyens et des jeunes, vite qualifiés de « casseurs » (à remarquer qu’ils sont toujours d’extrême gauche et jamais d’extrême droite !) ne se développe pas sur les autres ZAD !
Jusqu’à l’élimination physique !
On peut en douter. En effet ce « modèle » de société dans laquelle nous vivons est à bout de souffle et n’a d’autre issue que la violence institutionnelle pour imposer au plus grand nombre ses projets néfastes. Ne peut-on hélas s’attendre à d’autres victimes, à Notre Dame des Landes ou ailleurs ?

Candida Rouet

A SIVENS, Rémi est mort

C’est peu dire que je suis bouleversé par les dernières nouvelles, même si rien ne permet, pour l’heure, de savoir de quoi Rémi est mort. Il reste que sur un lieu de confrontation, de manifestation, d’opposition… on a retrouvé à 2 heures matin le corps d’un homme. Cela devrait ramener à de plus justes proportions l’envie des uns et des autres de se faire un nom dans l’histoire des grands projets locaux, ou des bénéfices engrangés. La mort, en définitive, est la seule vraie réalité, puisqu’elle nous attend tous, a pris nos aïeux, prendra nos enfants. En cela elle a quelque chose d’une profondeur sans borne, dans cette césure totale qu’elle nous infligera tôt ou tard, les infinies douleurs qu’elle nous inflige déjà. Car c’est à sa mesure qu’il faut évaluer ce après quoi nous courons. Nous passerons tous, le monde demeurera à jamais, infiniment plus fort que nous. Ceux qui veulent édifier des barrages ici, des empires là, ne sont rien et ne laisseront rien. Ceux qui se seront contentés de rappeler aux premiers que nous sommes solidaires, tous passagers d’un même vaisseau, soudés les uns les autres, quelque conscience que nous en ayons… laisseront au fond de nos cœurs le rappel et la gratitude d’être des frères et sœurs, enfants d’un même tourbillonnant et insondable mystère dont nous faisons partie, et qui nous emporte, au-delà de nos vies misérables, dans l’immense communion de tout.
A bientôt, le cœur lourd,

Jérôme VIALARET

Intervention de Rémy SERRE  au rassemblement contre le barrage,
le 25 octobre 2014 dans le Tarn

Rémy Serre,
Paysan, éleveur de brebis, fondateur de la « 4acg » (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre), milite pour une agriculture raisonnable et respectant l’écologie. A 77 ans il se soucie avant tout du devenir des futurs paysans

Depuis que la bataille du Testet a commencé, plein de questions m’interrogent.
D’abord, ces 40 hectares de terres qui vont disparaître sous l’eau.
40 hectares de très bonne terre, des terres d’alluvions qui pourraient faire de très beaux jardins…
A la vue de cette vallée, je dirais simplement que sur ce terrain nous pourrions installer une
vingtaine de maraîchers qui à eux seuls nourriraient la ville de Gaillac et même plus.
Noyer cette vallée est un crime. Nos enfants nous le reprocheront…
Je reviendrai tout à l’heure sur l’agriculture mais je voulais parler aussi de cette violence que les gendarmes emploient contre depuis début septembre.
Entre nous, ils ont l’air plus à l’aise sur le bitume que dans les champs ou les forêts. Mais, les coquins ils s’adaptent très vite : quand ils courent avec leurs bottes jusqu’aux genoux, on dirait des pingouins !!
Plus sérieusement, ces gens là me font peur. Moi même, j’ai été plaqué au sol pendant un certain temps.
Et pour que je ne parte pas, un de ces costumés a été désigné pour me garder.
Personnellement, je n’avais pas tellement envie d’engager la conversation mais au bout d’un moment, c’est lui qui se met à parler. « Je vais quitter ce métier » me dit-il. Me voyant étonné, il poursuit : « On nous demande de faire des actes de plus en plus durs, je veux partir ».
Mais rassurez-vous !!! Il va en rester !! J’ai rencontré aussi ce chef qui m’empêchait de passer et qui, lui, n’est pas prêt de partir !! Je lui ai dit que nous ne sommes pas des brigands, que nous défendons la nature. Et il me répond : « Nous sommes ici pour faire respecter l’ordre er nous sommes aux ORDRES ».
Quand ce chef m’a dit « nous sommes aux ordres », je suis revenu 50 ans en arrière : c’était la guerre d’Algérie. Nos chefs étaient aux ordres et quels ordres !! Tuer, torturer, brûler, violer : ils étaient aux ordres…. !
Le temps a passé mais les ordres sont toujours les ordres et si demain ces messieurs ont l’ordre de nous tirer dessus avec des balles réelles, cela fera plus mal que les balles de caoutchouc.
D’autant plus que ces gens là n’ont pas le droit de réfléchir. A la guerre, on nous disait : chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir.
Et tout cela m’aide à comprendre comment pendant la guerre de 45 la police a pu faire des rafles des indésirables : ils étaient aux ordres.
Revenons à l’agriculture. Si nous continuons à cette cadence à détruire de la terre agricole pour faire des golfs, des autoroutes, des barrages, des zones industrielles, dans 100 ans, cette terre agricole aura disparu. Car tous les 7 ans, l’équivalent d’un département français est volé à l’agriculture.
Et d’ailleurs, aujourd’hui, pourquoi veulent-ils ce barrage ?
La réponse n’est pas très claire.
La plus vraisemblable serait pour arroser le maïs et faire quelques quintaux de plus à l’hectare.
Faut-il faire plus de rendement : les derniers quintaux sont toujours les plus chers et les plus polluants.
Et puis, faut-il faire plus de maïs ? Nous faisons déjà trop de maïs, trop de céréales. Nous les exportons et ainsi nous ruinons les paysans de ces pays. Comment ces paysans pourraient-ils lutter contre nos prix ? Comment pourraient-ils lutter contre notre agriculture subventionnée et mécanisée ?
Les paysans sont donc obligés de quitter leurs fermes et vont souvent grossir les bidonvilles.
Revenons au barrage.
De tout temps ou du moins du temps que je me souvienne, les paysans n’ont pas attendu que les conseillers généraux leur disent qu’il fallait stocker l’eau : ils faisaient des citernes et des marres.
Alors messieurs les petits technocrates, laissez nous avec notre sagesse et notre savoir faire.
Nous sommes assez grands pour savoir ce que nous devons faire.
Et si nous nous réunissions, les paysans de la vallée du Tescou et décidions ensemble si nous avons besoin de retenues d’eau collectives ou individuelles.
Mais que l’on ne vienne pas d’Albi, de Paris ou de Bruxelles pour nous dire ce que nous devons faire.
A travers le refus de ce barrage, nous disons aussi non à cette agriculture productiviste. Cette agriculture qui nous interroge sur plusieurs points :
A partir des années 1960, la France agricole avait assez de denrées : légumes, céréales, lait, fruits, viandes pour nourrir ses habitants.
Pourquoi nous n’en serions pas restés à ce stade : les paysans étaient nombreux, les fermes étaient moyennes, pas trop polluantes. Nous ne vivions pas trop mal sans prime ni subvention.
Alors pourquoi cette marche en avant a continué : tout simplement parce que la machine profit était en marche !!
Cette machine s’appelait Crédit Agricole, INRA, industrie agro-alimentaire, marchands de
machines, d’insecticides, de pesticides, et tout ce monde voulait continuer à s’enrichir sur le dos des paysans.
Les paysans, poussés par la grande FNSEA ont été pris dans la tourmente.
Ils ont contribué à enrichir tout ce monde qui tournait autour de l’agriculture ; mais eux, on les a poussé à s’endetter au point d’en crever : tous les 2 jours, un paysan se suicide en France.
La FNSEA en accord avec les gouvernements a bien contribué à vider les campagnes. Aucun
syndicat n’a été aussi fort pour éliminer ses adhérents ou les envoyer en ville. Durant les années 70, elle a même inventé l’IDV (Indemnité Viagère de Départ). Une prime pour que les paysans arrêtent d’exploiter dès l’âge de 55 ans.
Par contre, aucun encouragement de ce même syndicat pour que des jeunes s’installent à la terre. Eh oui ! A l’époque on avait besoin de main d’oeuvre dans les usines et d’une main d’œuvre endurante, travailleuse et docile…
Et pendant ce temps, les fermes sont devenues des usines et le monde paysan a disparu.
Plutôt que de faire encore un barrage, faisons pression pour redistribuer cette terre nourricière.
Faisons pression, même si ce mot fait peur, pour une réforme agraire.
Celui qui a 100 hectares, il serait le même si on lui en prenait 10 pour installer 10 maraîchers.
Pour conclure, je voudrais dire à ceux qui veulent tout gérer que nous sommes là et que nous aussi nous avons notre mot à dire.
Nous allons décider ensemble s’il faut un barrage ou pas.
Nous voulons décider avec vous comment nous voulons vivre, et comment nous devons entretenir cette nature, cette planète.
Nous voulons, avec vous, voir si les richesses eau, air, terre, argent, peuvent être mieux partagées entre riches et pauvres.
N’attendons surtout pas que les élus nous proposent des solutions. Les solutions, c’est nous, le peuple, qui devons les trouver, les proposer et forcer la main à nos élus pour changer ce monde.

Sivens révélateur local d’une crise globale

Au-delà d’un projet de barrage contesté, Sivens est révélateur d’une cassure profonde des fondements de notre société. Symptomatique d’une rupture entre ses représentants politiques et les citoyens contraints de subir, dans une réalité souvent difficile, des décisions aux motivations floues, arbitraires ou à revers le l’intérêt commun. Des représentants politiques enfermés dans des logiques d’appareils, pratiquant une gestion à vue, sans aucune vision à long terme, sans aucune forme de responsabilité politique, sans aucune considération pour le réel intérêt général, sans aucune considération pour la démocratie invoquée de façon incantatoire, assis dans le confort de cycles d’élections/ré-élections, cumulant les mandats, s’ordonnant administrateurs le cas échéant le temps d’une pseudo alternance, ces représentants du pouvoir coupent les derniers liens avec les citoyens qu’il sont censé représenter.
C’est bien ce qui s’est passé dans le département du Tarn, historiquement acquis à une majorité dite de gauche, où le conseil général par l’intermédiaire de son président M. Carcenac, soutenu par la préfecture, s’est autorisé à imposer un projet de barrage. Un projet proposé en 2001 dont l’étude de réactualisation effectuée en 2009 a été falsifiée. Ont été oubliées les données invalidant la taille du projet en la divisant par 3 : forte réductions des pollutions industrielles sur le cours d’eau, moins de terres irriguées et mise en place de quotas de consommations d’eau, cette dernière donnée gonflée par de faux calculs en pourcentages à l’avantage du barrage ; de plus, il n’est proposé aucune alternative. Ces dérives ont été pointées par le collectif Testet et transmises aux élus concernés. Seul une petite minorité a réagi. Ces affirmations sont vérifiables sur le site du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet : www.collectif-testet.org.
A noter que la déclaration d’intérêt général a été décrétée au mépris des conclusions de l’enquête publique dont la conclusion était soumise à l’avis du CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature). Ce conseil, saisi par deux fois, a émis, par deux fois, des avis défavorables.
Dans ce cas précis, l’intérêt de quelques uns, promoteurs du barrage, une minorité de maïsiculteurs, se confond avec l’intérêt général. Il est à noter aussi que la démocratie détournée vient servir de caution morale.
Les causes des enchainements dramatiques qui ont abouti, dans la nuit du 25 au 26 octobre, au décès de Rémi Fraisse, 21 ans, militant écologiste, jeune naturaliste passionné de botanique et engagé au sein de réseaux associatifs pour la préservation de notre environnement, sont à chercher dans l’exercice d’un pouvoir hermétique voire autiste, arcbouté sur ces certitudes, ne répondant qu’à la défense de ses intérêts propres et rétif à toute participation citoyenne. Participation perçue par ailleurs comme une entrave, déclenchant un véritable réflexe de défiance.
Cet autisme à conduit à répondre à l’opposition citoyenne par une répression violente, engendrée par une provocation policière quasiment quotidienne depuis début septembre. Il est à rappeler que les collectifs citoyens demandaient un moratoire afin d’instaurer un dialogue argumenté. Pour les opposants au projet, le quotidien des mois de septembre et octobre fût le mépris des autorités et la terreur sur le terrain. Terreur est bien le mot qu’il convient d’employer ici. Menaces, agressions de nuit par des milices autoproclamées pro-barrage, passages à tabac en règle par les forces de l’ordre dés que les médias tournaient le dos, pluies quotidiennes de gaz lacrymogènes et de grenades de toutes sortes, blessures physiques multiples, inculpations arbitraires, expulsions illégales, voilà le quotidien des mois de septembre et octobre. Un exemple significatif : une grenade lancée dans une petite caravane alors que les occupants s’étaient signalés. Une jeune fille sera sérieusement blessée au bras.
Malgré les alertes répétées, malgré la démonstration par témoignages et vidéos des violences inouïes subies par nombre de civils, ni les représentants politiques, ni les autorités ne prêteront cas à ces appels à retenue.
Le mépris va jusqu’à ordonner une expertise le 29 septembre sans stopper les travaux sur le site. A cette date, le déboisement est terminé et commencent les travaux de décapage et terrassement. La majeure partie de la zone humide du Testet, joyau de biodiversité, écrin protecteur de nombre d’espèces en péril, ne s’en remettra pas.

Cet état de fait est aggravé par l’absence de conscience, que nous pouvons relever dans les propos de M. Carcenac au surlendemain du drame « Mourir pour des idées, c’est une chose mais c’est quand même relativement stupide et bête ». Dans cette inconséquence M. Carcenac ne mesure pas que ses paroles engagent la collectivité dont il est l’élu. M. Carcenac n’est même pas conscient que Rémi Fraisse n’avait pas choisi de venir à Sivens pour potentiellement y mourir.
Un autisme révélé également au niveau national et international, nous le constatons aujourd’hui à la façon dont sont réprimés les mouvements sociaux et entravées les alternatives citoyennes. Une inconscience elle aussi révélée au niveau national et international, nous pouvons le percevoir à la façon dont est prise en compte l’alerte majeure lancée par les scientifiques du Giec, expliquant tant que faire se peut que nous courons au désastre climatique, premier domino d’un effondrement général.

Rémi était l’opposé de cette inconséquence et de cet aveuglement. Il était la conscience et l’engagement. La conscience et l’engagement des jeunes générations face à l’inconséquence mortifère des nos soi-disant responsables politiques. Aujourd’hui, nous sommes tous en deuil d’un jeune homme de grande valeur porteur de belles promesses d’avenir. Un avenir non pas réduit à sa personne, mais un avenir à partager par tous. Vouloir offrir un avenir est la plus belle promesse qui puisse être faite. Rémi incarnait tout simplement cette promesse. Et cette promesse d’avenir, l’inconséquence, l’autisme et l’inconscience politique l’ont assassinée.

Patrice Canal, membre du C.A. Collectif Testet.

SIVENS : le tournant ?

Nous avons interrogé Jean Claude EGIDIO, militant connu et reconnu sur GAILLAC et opposant au barrage depuis des années. Entretien par téléphone vendredi7 novembre

R&V : On a l’impression d’assister, depuis le 25 octobre à un tournant dans la lutte, avec l’assassinat de Rémi FRAISSE d’une part, la remise du rapport des experts et le jeu de Ségolène ROYAL de l’autre ? Qu’en est-il d’après toi ?
JCE : A mon avis également, nous sommes à un tournant. Les discussions vont démarrer dans les jours qui viennent. Que donneront-elles ?
R&V : Ce pourra être, si tu en es d’accord, l’objet d’un prochain entretien. Consacrons-nous donc à ce que pose la mort de Rémi.
JCE : C’est bien un tournant. Pour nous, il s’agit d’une provocation. Voyons-en le scénario. Vendredi soir sur le chantier sont « oubliés » 2 « trucs » un peu incongrus : un générateur et un « algeco ». Dans la nuit du vendredi au samedi, ils vont brûler ce qui va motiver le retour des gardes mobiles. Ceci, alors que des milliers de personnes affluent. Des affrontements ont lieu, dans lesquels on retrouve des personnes qui n’ont rien à voir avec notre lutte. Des affrontements dans lesquels on a pu reconnaitre des gens d’extrême-droite. . .
Il fallait que ce rassemblement nombreux, pacifique, festif, dégénère. C’est ce qui s’est passé, au-delà de ce que l’on pouvait craindre : il y a eu mort d’homme. A mon avis, ils ont été très embêtés, devant la médiatisation soudaine. Il n’y a qu’à voir leurs premières réactions où ils ont cherché à dissimuler la vérité : communiqués flous,(« on a découvert le corps d’un homme. . ., les forces de gendarmerie ont été encerclées, ce sont des explosifs dans le sac . . . « ). On a fait savoir qu’on avait des preuves de l’assassinat, qu’il y avait des témoins. . . Il devenait impossible de masquer les causes réelles de la mort du jeune homme. Se concrétisait alors ce Pour qui a assisté aux affrontements depuis septembre, ce qui venait de se passer concrétisait nos craintes, était inévitable. Comme chaque fois en France (cf la mort de Malik OUSSEKINE en 1986), il y a un déferlement émotionnel qui entraine un coup de projecteur médiatique.. Tout à coup, on regarde les choses autrement.. Coïncidence, le rapport des experts tombe quasi en même temps.
Rapport qui reprend nos arguments (surdimensionnement du projet, faiblesses du montage financier, enquêtes publiques mal menées. . . ). Ce qui tend à fonder notre lutte, à la valider. C’était une porte ouverte pour l’abandon du projet. Mais, pour des raisons « politiques », ils ont aménagé une conclusion venant en contradiction avec ce qui précédait : « vu la façon dont les travaux sont engagés, il faut les continuer ! ».
Forte émotion en France et mobilisations un peu partout, même à l’étranger. J’en retiendrai deux : la mobilisation des lycéens parisiens (et les lycéens ne lâchent pas le morceau facilement !) et ce qui se passe à Rouen, un peu à l’image de ce qui a existé à Albi devant le Conseil Général. Des formes de soutien très claires : refus du barrage et dénonciation des violences policières. On ne sait pas jusqu’où cela va et peut aller.
R&V ; Pour abonder dans ton sens, un témoignage personnel. Nous avons fait ces deux derniers jours deux rassemblements à CASTRES, qui ont rassemblé 40 et 70 personnes de tout âge. Des discussions, des échanges, émerge une impression diffuse « Il faut changer. . .il faut aller jusqu’au bout ». Comme si quelque chose était en train de naitre. Feu de paille ? Mouvement plus durable ? Trop tôt pour le dire. Celà me semble être différent, « dépasser » ce qui s’est passé pour Notre-Dame-des-Landes.
JCE : NDDL est un dossier complexe lui aussi, mais plus directement accessible. Devant l’ampleur de cette prise de conscience, quand on regarde de près et qu’on analyse les différents tenants et aboutissants, on se rend compte que ce n’est pas une simple « protection d’une zone humide ». Dire cela, c’est réduire ce combat à une simple lutte écologique locale. Quand on prend conscience de la malhonnêteté dans la façon dont les choses ont été mises en place par un pouvoir local (et essentiellement par le Conseil Général), du fonctionnement qu’il y a derrière, on est indigné-e-s . On se dit que « on ne peut pas laisser passer çà. On se dit que face à un système qui , depuis des années, s’accommode de petits arrangements, il nous faut , face à cette « .démocratie formelle », opposer une « démocratie réelle ». On est allé au fond. Le Collectif pour la sauvegarde du TESTET a fait un boulot extraordinaire. Quand on voit la réaction des socialistes, (cf le chantage de VALAX à la démission), il y a de quoi halluciner !
Il est vrai que ça remet en question toute la politique de l’eau Adour-Garonne. La série de barrages annoncés sont tous du même type. Cela remet en cause également toute la politique agricole. C’est pourquoi la FDSEA s’arc-boute à la défense de ce projet.
R&V : Nous verrons cela plus à fond une prochaine fois ! Si nous questionnions la violence d’Etat ? La violence policière, inouïe, que tu as quelque peu décrite tout à l’heure mais aussi la violence telle qu’elle s’exprime dans les propos de nos dirigeants locaux ou nationaux (VALLS qui dit « .SIVENS se fera ! « . par exemple) Comment l’expliquer par rapport à l’enjeu : une petite pataugeoire, en somme ?
JCE : D’accord avec la façon dont tu poses le problème : cette violence est construite.. Elle est mise en œuvre par les politiques et les forces de l’ordre armées. Une ZAD à NDDL, ce peut être tolérable. Deux ZAD . . . Bonjour les dégâts ! Il fallait mettre fin à cela. On a vu un déchainement policier inédit, surtout à partir de début octobre (grenade lancée dans une caravane, affaires personnelles brulées plusieurs fois par semaine. . .). Écœurer, humilier, décourager les personnes afin qu’elles partent.
Autre moyen mis en œuvre: criminaliser le mouvement. La justice entérine sans avoir entendu d’autres témoins que les policiers.
La violence est utilisée par le pouvoir pour diviser le mouvement.
Il existe chez nous plusieurs positions, cela va des pacifistes inconditionnels jusqu’à ceux qui pensent qu’il faut faire face et riposter par rapport aux gardes mobiles. Sujet de débats et de tensions. Le tout attisé par le rôle des médias, friands « d’images de guerre civile » et par la présence de provocateurs (policiers et/ou extrême-droite, nous avons des preuves). Il s’agit de créer un climat de peur vis à vis des opposants en premier lieu, mais aussi des populations locales . Cela fait penser à la 2ème guerre mondiale. . . Ainsi la semaine qui a suivi la mort de Rémi, il y avait des centaines de flics à Gaillac. Pourquoi ? Un des débats que nous allons avoir entre nous va être celui d’apparaitre « masqué-e-s ou non, pour couper court à un certain nombre de choses comme les provocations, les interrogations de la population, etc. . .

Ce premier entretien s’arrête là .Suite prochain n° de Rouge et Vert

OPINIONS 2 : SIVENS (Michel COSTADAU, février 2015)

Cette fois on va parler de Sivens, projet ni en cours ni arrêté mais (spécialité française) « dans l’impossibilité de se poursuivre », d’abord parce que c’est local, mais surtout parce que c’est emblématique d’une nouvelle donne politique.
Un filet d’eau qui serpente dans une petite vallée entre des collines basses aux crêtes boisées, c’est le Tescou, aux enjeux infiniment supérieurs à sa taille.
C’est vrai que Sivens concerne seulement 17 ha, certes de zone humide, mais enfin c’est pas trop grand par rapport aux autres projets d’aménagement dont on parle aussi. NDDL c’est 2000 ha, le LGV c’est 1000 ha, Castres-Toulouse c’est 400 ha, la zone de Saint-Sulpice c’est 200 ha.

Pour une fois je ne vais pas vous donner le résultat avant la démonstration, mais quand même on peut dire que Sivens c’est le Waterloo de la puissance publique française.

Cela dit, qu’est-ce que je vais bien pouvoir vous apprendre sur Sivens ; tout a déjà été dit et redit (pour ceux qui s’informent, pas pour ceux qui regardent la télé bien sûr), car cette fois il ne s’agit pas de trouver une solution, mais d’analyser des démarches et leur causalité. On va donc essayer de s’intéresser aux conséquences et enseignements que l’on peut tirer de ce qui se passe dans ce petit coin du Tarn. Tout ce qui suit n’est qu’une opinion pas un jugement.
Par exemple, le projet de Roybon (Isère) a déjà bénéficié d’un retour de Sivens. En effet, la même plainte en référé sur l’urgence d’arrêter les travaux de déboisement, qui a été rejetée à Sivens, a été acceptée à Roybon et le projet est là aussi suspendu, mais cette fois à cause d’une décision de justice, et non comme à Sivens à cause de la mort d’un militant. Il faut dire que les motifs du rejet à Sivens tenaient plus d’une réplique de Molière que de la justice, puisque les juges ont considéré que de raser la zone humide n’était pas irréversible tant qu’on n’avait pas dessouché tous les arbres et que donc les travaux pouvaient continuer. A Roybon, un mois et un mort plus tard, ils ont décidé au contraire qu’il y avait urgence à suspendre les travaux. Merci Remi.

En terme de conséquences il y a vraiment un point sur lequel on n’a pas assez insisté, c’est le désaveu cinglant qu’ont subi les instigateurs du projet (CG, CACG, FDSEA, préfecture…..). C’est ça la nouvelle donne.
Concrètement, le fait que deux experts aient pu en un mois mettre en pièces (je ne m’y attendais pas à ce point-là) ce projet, est la preuve d’une telle incurie (un mélange d’incompétence, de mépris des lois et des citoyens et de confusion d’intérêts) que cela jette la suspicion sur toutes les décisions prises par ce qu’il faut continuer à appeler les autorités. Parce que cette histoire d’experts nommés directement par le ministère, mérite que l’on s’interroge. Le ministère n’envoie pas d’experts sur tous les projets d’aménagement, loin de là. Pour moi, le ministère a analysé que le projet était plombé par des aspects potentiellement illégaux, qu’il y avait une contestation (collectif et occupants) et une crispation (CG et FDSEA). Il a alors eu l’idée (ou on la lui a soufflée) de permettre aux instigateurs (CG) de ne pas perdre la face, en proposant d’aboutir à un compromis (c’est-à-dire un truc ou en théorie chacun fait un pas et donc perd quelque chose). Au début, les opposants ont joué le jeu (pour avoir l’air constructifs, je suppose), mais c’était un piège grossier pour faire quand même le barrage, éventuellement plus petit (mais les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites). Seulement (je ne dis pas heureusement, car c’est un grand malheur) il y a eu un mort et ça a tiré (momentanément) les opposants de leur fâcheuse posture.

On continue sur les ressentiments que provoque cette gifle sur les tenants du projet. Voilà des gens habitués à leurs petites magouilles et d’un seul coup, baf, parce qu’un collectif de défenseurs de la nature s’est interposé, les voilà obligés de reconnaître … plein de choses, mais essentiellement qu’ils défendaient un projet complètement inutile. Je vous rappelle pour mémoire que quand on dit projet, on dit argent et quand l’argent va quelque part, il ne va pas ailleurs, par exemple sur les routes départementales ou les écoles et les collèges !!!
D’ailleurs ils n’ont pas reconnu du tout leur erreur pour le moment et leur digestion s’avère difficile. Les récents débordements avec milices agricolo-facho-chasseurs, encouragées par une municipalité irresponsable et des élus complices, en sont la preuve. C’est pour ça, aussi, que je dis que Sivens est emblématique d’un profond changement de la donne politique en France.
Qu’est ce qui change ? Ce qui change c’est que d’un seul coup:
– On découvre que les choix du CG n’ont aucun rapport avec la moindre préoccupation politique puisqu’ils votent tous le même projet inutile, preuve qu’il n’y a pas plus de majorité que d’opposition mais bien qu’ils sont tous d’accord pour contourner les lois (avec un max de subventions quand même, parce que tout le monde croit que les subventions ce n’est pas notre argent, c’est celui….des autres, ben non).
– On découvre que le CG s’habille de légitimité pour décréter que le projet est un choix démocratique. Et de demander en chœur, le « retour » à l’Etat de droit. Hop, là on s’arrête 30 secondes car il y a un gros poisson. Ce n’est pas parce qu’ils sont élus que tout ce qu’ils font a le label démocratique du choix populaire. Quand le Conseil constitutionnel est saisi d’une loi, pourtant votée par le parlement qui est directement l’émanation du peuple, personne ne trouve à redire. On ne dit pas que le Conseil constitutionnel bafoue les choix démocratiques des électeurs. Ce devrait être pareil quand la justice est saisie parce qu’un projet ne respecte pas les lois en vigueur. Seulement nous ne sommes plus en démocratie, parce que les élus ont complètement perverti le sens du vote des citoyens. Aujourd’hui on se fait élire pour décider à la place de citoyens et non pas pour les représenter et défendre leur avis. Décider à la place des électeurs, c’est certes commode, car la population a l’impression qu’il se passe des choses sans qu’elle n’ait rien à faire, mais ça crée deux sphères de fonctionnement qui ne communiquent plus. D’un coté les élus, l’administration et les entreprises qui concoctent entre eux ce qui les arrange, et d’un autre les citoyens qui voient passer au-dessus d’eux, des débats, des promesses et autres discours et qui finissent par ne plus comprendre qu’on se moque d’eux à ce point-là. C’est grave parce que, comme vous le savez, le monde est gouverné par des non-élus (finance….) et que les vrais élus leur font allégeance plutôt que de nous défendre Pour fermer la boucle, n’allez pas croire que je dote les sondages d’une fonction de contre-pouvoir et encore moins les médias.

– On découvre que dépenser l’argent du contribuable n’a aucun garde-fou (il n’y a pas de commissaires aux comptes dans les CG) et que donc ils font ce qui les arrange. C’est vrai qu’il y a la Cour des comptes et, d’ailleurs elle vient de donner un avertissement aux agences de l’eau, je cite : « En outre, comme ce sont les Chambres d’agriculture qui désignent ceux qui siégeront aux comités de bassin, c’est la FDSEA qui dispose de fait « d’un quasi-monopole de représentation », souligne le rapport ». Mais vous savez ce que fait le CG des avis de la Cour des comptes… oui bon alors c’est bien, on est d’accord,

– On découvre que la CACG constructeur de barrage (canal de la Neste, Fourogue (jugé illégal juste après réalisation !!) a dans ses organes de décision les même personnes que le commanditaire (CG) qui lui même avait déjà demandé à la même CACG de faire le rapport de faisabilité. Donc, depuis l’étude d’opportunité, en passant par la réalisation et l’utilisation, on a en fait la (les) même personne qui décide tranquillement que c’est faisable, combien ça coûte et le commercialise (pas cher) aux irrigants. Cette collusion que l’on découvre va-t-elle avoir pour première conséquence que tout le monde va regarder de plus près les études de faisabilité et les procédures ? (je l’espère).

– On découvre que la FDSEA a un quasi-monopole dans les décisions concernant l’usage de l’eau (démocratie où es-tu ?). Ce syndicat a aussi un modèle productiviste (ça veut dire produire de plus en plus, sans s’occuper d’à qui ou à quoi ça peut bien servir et sans s’occuper des dégâts collatéraux, pollution, environnement, disparition des exploitations..) qui trouve singulièrement ses limites. Vous savez le fameux plan ecophyto (avec financement européen bien sûr) censé réduire l’utilisation des produits phytosanitaires (ça veut dire désherbants, fongicides, pesticides) sur 5 ans, a eu comme résultat une augmentation substantielle de leur utilisation (cherchez l’erreur). Ce même syndicat porte aussi la responsabilité de la disparition des agriculteurs, puisque la course à la taille élimine tous les petits qui sont souvent les plus rentables.

– On découvre enfin que cette notion de votes démocratiques est, en fait, complètement biaisée (j’adore ce mot-là) dans le sens où il ne s’agit en aucun cas d’intérêt général (ou tout au moins pas en priorité) mais seulement de l’intérêt des élus et de leurs « bonnes » relations.
Allons plus loin et demandons-nous si le CG aurait pu, l’année dernière, demander lui même cette contre-expertise (il aurait pu y avoir au moins un des conseillers qui la demande). Pour fixer les idées en termes de coût, l’expertise c’est de l’ordre de 50 000€/missions et le déploiement des GI, demandé par le CG, de l’ordre de 500 000€/missions.

Mais la réponse est claire : non le CG n’aurait pas pu demander cette contre-expertise car tous les éléments étaient déjà présents dans de nombreux rapports (c’est d’ailleurs aussi pour ça que les deux experts du ministère ont été très rapides) mais le CG avait délibérément choisi de s’asseoir sur les rapports (je crois que maintenant on commence à comprendre comment ça marche).
Seulement d’habitude, quand le CG mène ses petits trafics (c’est à dire ignore les rapports dûment commandés selon les lois (parlement français) en vigueur) pour arriver à réaliser malgré tout ses projets, personne ne dit rien ou plutôt ne disait rien.
Mais il y a un mais, car depuis NDDL la situation a changée.

En effet à NDDL, à cause de la vigueur de la résistance, les pouvoirs publics n’ont pas pu éviter de dire que, pour une fois, les décisions administratives attendraient la fin du jugement de tous les recours.
Malgré cette expérience, à Sivens, le CG dans la lignée de la chape de plomb qui pèse sur le Tarn, a cru pouvoir essayer de passer quand même. D’une certaine manière ça peut s’expliquer par le fait qu’ils ont largement sous-estimé la capacité de résistance du Tarn, parce que, comme on l’a dit au début, Sivens c’est tout petit, avec du coup peu de gens concernés, car un barrage ça fait quand même beaucoup moins de bruit qu’un aéroport. Bref ils n’ont pas compris que quelque chose avait changé. La résistance à NDDL a vraiment été un tournant.

Cependant, dans le Tarn, ça ne se présentait pas du tout bien pour les défenseurs de la zone humide, mais pour dire les choses jusqu’au bout, il se trouve que, pour Sivens, le collectif qui résiste est emmené par un vrai professionnel des luttes environnementales. Ancien salarié d’une ONG qui s’est fait une spécialité de la protection des mammifères marins, c’est un fin connaisseur des textes du Grenelle de l’environnement et autres directives européennes. Avec lui s’est constitué un collectif, assez réduit, mais motivé et pertinent. Au début ils n’étaient qu’une dizaine (plus quelques agriculteurs de la conf) à empêcher les naturalistes de compter les têtards, dans le but de « sauver » la faune habitant la zone humide à détruire (la transhumance des têtards c’est pas un truc qu’on voit souvent, mais c’est ce que proposent les pouvoirs publics parce que les zones humides, si on détruit 1 ha quelque part on peut la refaire en petits bouts ailleurs afin de permettre aux bétonneurs d’avoir la conscience tranquille)
Donc à Sivens il paraissait tout à fait jouable d’appliquer la stratégie habituelle de contournement des lois. La CACG demande au CG de faire un barrage (s’ils ne font pas de barrage ils n’ont rien à faire), le président du CG qui voit des élections sénatoriales à l’horizon se dit que le moment est bien choisi, s’assure de l’appui du syndicat agricole majoritaire (c’est comme en Afrique, ça veut dire unique) qui le lui donne volontiers puisque l’agriculture productiviste est sa seule ligne de pensée, ne remet évidemment pas en cause l’étude faite par la CACG (puisqu’on a les a choisis pour ça), et comme il veut vraiment être élu aux sénatoriales prévoit un budget « forces de l’ordre » puisqu’il sait bien que les recours juridiques n’étant pas purgés, il y aura de l’opposition, mais qu’il doit pouvoir passer en force ou tout au moins faire preuve de la virilité politique nécessaire à son élection. Petit projet (17 ha (35 ha de plan d’eau au max), 9 M €), aucun soutien local aux opposants au projet, la commune sur laquelle se trouve le site, la Chambre d’agriculture, la CACG, le syndicat agricole majoritaire et quelques autres, tous sont (c’est ça la chape de plomb du Tarn) pour le projet de barrage.

Alors le CG du Tarn lance le projet (lancer ça veut dire vote CG, enquête d’utilité publique (dont il n’a été tenu aucun compte bien sûr) et demande au préfet de publier les arrêtés nécessaires). Les arrêtés sont aussitôt l’objet de plaintes pour non-respect des lois sur l’eau et des directives européennes. Mais ces plaintes ne seront jugées que dans deux ou trois ans, la justice étant, comme on le sait, lente dans notre pays. Alors justement cette lenteur est utilisée par les pouvoirs publics pour réaliser les projets avant qu’ils ne deviennent illégaux, de façon à mettre la justice devant le fait accompli. C’est un comportement machiavélique consistant d’un côté à voter des lois (à Paris), et ensuite à les contourner (à Albi) en prenant des décisions (parées de la légitimité du vote d’élus locaux) en contradiction avec la loi, mais avant que la justice ait pu se prononcer sur la légalité de ces décisions.

Vous voyez pourquoi je dis qu’ils sont machiavéliques. Continuons.
Puisque nous sommes là pour réfléchir, posons-nous donc la question : mais pourquoi les pouvoirs publics (en l’occurrence CG et préfecture) agissent-ils ainsi ? La réponse est assez simple, mais demande quelques explications. La réponse c’est que le CG ne fonctionne pas du tout en relation avec les électeurs (c’est à dire la population du département) mais seulement avec les lobbies locaux. Pour illustrer l’exemple qui nous intéresse, le CG du Tarn fonctionne uniquement avec la Chambre d’agriculture (tenue par « le » syndicat agricole), la CACG, les grandes entreprises locales (parce que c’est eux qui financent les campagnes électorales) et le préfet bien entendu.
Donc, quand la CACG dit qu’elle veut faire un barrage, les contacts se nouent directement entre les responsables de ces entités, sans passer par la case consultation des citoyens (c’est la grande déviance démocratique (voir TAFTA) que nous constatons aujourd’hui, à savoir que si des gens sont élus c’est seulement pour qu’ils puissent décider de ce qu’ils veulent sans demander l’avis des électeurs ( puisqu’ils ont déjà été élus) cherchez l’erreur).

Alors maintenant quelle est la situation catastrophique découlant de ces tristes comportements:
– un projet totalement remis en cause en un mois par deux experts,
– un jeune militant écolo tué par les forces de l’ordre,
– une vallée dévastée avec des montagnes de terre empilées dans le plus grand désordre,
– une cinquantaine de jeunes occupants défenseurs chevelus de la zone humide, vivant dans la boue et sous des tentes de fortune, voire dans les arbres,
– de nombreux excités fascisants quadrillant la zone en quad et en 4/4 pour faire la chasse aux occupants, et molester ceux qui veulent passer (sous l’œil complaisant de la gendarmerie),
– des élus locaux en campagne électorale (c’est la seule chose qu’ils savent faire), jetant de l’huile sur le feu, manipulateurs des excités et lançant des anathèmes archaïques mais dangereux contre les occupants et ceux qui s’opposent au projet initial,
– des militants associatifs et syndicaux fournissant leur aide aux occupants mais désorientés par l’attitude désinvolte (c’est le moins que l’on puisse dire) des pouvoirs publics, préfet en tête, se demandant, à quoi peut bien servir la justice aujourd’hui,
– et je ne vous parle pas des animaux errants qui ne savent plus ou ils en sont.
Alors, bon sang de bon sang, comment en est-on arrivé là ?? J’insiste.
Comment, mais à cause de la sombre farce des projets du Conseil général, qui contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne concernent pas le moindre besoin, ni le moindre service public mais seulement les influences de certains de ses membres. En effet, voila un prétendu projet de barrage qui un coup sert au soutien d’étiage, un ans plus tard à la dilution des pollutions d’une usine laitière, un an plus tard à réguler le débit (c’est le contraire de l’étiage), un an plus tard aux déficits en eau du département (oui parce que dans le Tarn, on est censé consommer plus d’eau (essentiellement pour l’agriculture) que ce que l’on produit, alors il faut faire des barrages, logique imparable qui conduirait les Pyrénées qui produisent plus d’eau qu’elles n’en consomment, à détruire les barrages) et qui il y a un an devenait (enfin) destiné à l’arrosage du maïs.

Pour finir, peut-on dire un mot de ce qui va se passer dans les années à venir ? A court terme, le CG va voter le (nouveau ?) projet de barrage réduit sur le même site, lancer les études (à la CACG, chiche) pour un ou deux ans (car il faut trouver de nouveau des financements). Pendant le même temps, les recours seront jugés et certainement dans le sens de rejeter à nouveau le projet (réduit si vous avez suivi). On repartira alors pour de nouvelles propositions (avec les mêmes experts, chiche) et de nouveaux recours. Concrètement, dans les années qui viennent, aucun barrage ne sera construit à Sivens. Mais alors que vont devenir les tas de terre et les occupants du site. Je ne suis pas devin mais je vois bien qu’il y aura des expulsions (ou des tentatives) mais alors il y aura retour des occupants et même en plus grand nombre (espérons que le prochain hiver ne sera pas trop rude). Quand à la réhabilitation de la zone humide, si l’on avait affaire à des gens intelligents, elle commencerait tout de suite. Non seulement ça coûterait beaucoup moins cher (à nous) mais en plus ça ferait une zone agricole plus conviviale. Mais ce qui est sûr c’est que nous n’avons pas affaire à des gens intelligents.
Sans contestation possible, le projet du barrage de Sivens est un projet complètement raté.

Michel COSTADAU

DESTITUTION !

Destitution 

Vous vous moquez mes chers élites 

C’est pourquoi nos vies se délitent 

Vraiment du tiers comme du quart :

Vous voyez-vous de fait à part 

Du tiers état et du quart monde ?…

Aucun de nous n’est bête immonde 

Sauf dans votre cœur asséché 

Que vos avoirs ont empêché 

De transmettre à votre cerveau 

Que le partage est bien plus beau 

Que la sempiternelle course 

Vers le haut… du cours de la bourse !

Nous ne sommes que des rouages 

D’une machine qui prend l’eau 

À force d’irrespect, d’outrages 

Et de mensonges à gogo :

Elle rouille, s’abîme et tire 

Vers l’abysse nos vies de chien :

Méfiez vous, si près du pire… 

À perdre nous n’avons plus rien !

Si pour vous ne sommes que nombre, 

Nous pourrions sortir de l’ombre 

Et vous démontrer sur le champ 

Qu’a même couleur notre sang !

Le vol du résultat des urnes 

Est, le crions, l’affront de trop :

Notre âme revêt les cothurnes, 

Coule en nos veines la nitro…

La rue dès l’aube sera pleine 

De miséreux, les poings levés,

Qui s’en iront laver leur peine 

Sur la plage sous les pavés.

De la Bastille à République 

Nous marcherons, enfin unis,

Pour du pouvoir chasser la clique 

Qu’aucun suffrage n’y a mis !

Assez d’irrespect, d’arrogance,

Et de coupables louvoiements, 

Vos discours pleins de suffisance 

Encouragent nos déploiements :

Si le droit ne nous fait justice 

C’est qu’aujourd’hui le compromet 

De préjudice en préjudice 

Celui qu’avons mis au sommet !

Nous avons droit d’investiture 

Jusqu’au sommet de la nation 

Donc pour tout déni de droiture… 

Le pouvoir de destitution !

© Edmond ALLAIN sept 2024