Marie-Madeleine FOURCADE

106 page 12  photoMARIE- MADELEINE FOURCADE (MERIC) surnommée Hérisson

 

Le 26 juillet 1989 les honneurs sont rendus à Marie Madeleine FOURCADE en l’église Saint-Louis des Invalides par le Président de la république en présence de l’ensemble du gouvernement, des grandes personnalités politiques et morales de la Résistance ; décédée quelques jours plus tôt elle est la première femme à avoir droit à cet hommage ; il est vrai qu’elle avait eu une carrière pour le moins atypique.

Marie Madeleine BRIDOU (FOURCADE naît le 8/11/1909 à Marseille dans un milieu de grande bourgeoisie ; elle fait ses études au couvent des oiseaux (Saïgon, où la famille a suivi le père militaire) et envisage pendant un court moment une carrière de pianiste ! Mariée avant sa majorité au colonel MERIC, elle prend assez rapidement son indépendance ; elle se tourne vers le journalisme et collabore avec COLETTE pour une émission de radio (pour une jeune femme de bonne famille c’est pas mal !). Par l’intermédiaire de son beau-frère elle entre en contact avec DE GAULLE et LOUSTAUNAU ; elle est rédactrice en chef avec ce dernier de “la spirale” et de “l’ordre national” feuilles d’extrême-droite assez antisémites ; on est loin de ce qui sera l’état d’esprit de la Résistance ; mais après tout CORDIER le futur secrétaire de MOULIN vient de l’Action française tout comme DE GAULLE.

Dès que le gouvernement de PETAIN s’est constitué pendant l’été 1940 LOUSTAUNAU s’impose à Vichy comme secrétaire général de la légion française d’obédience pétainiste ; Marie Madeleine est sa collaboratrice ; mais assez rapidement déçus par l’armistice et le comportement du gouvernement ils vont discrètement utiliser les renseignements qu’ils obtiennent pour travailler avec “l’intelligence service» tout en refusant d’entrer en contact avec DE GAULLE. Dès novembre 1940 se crée le réseau “croisade» marqué à droite mais résolument dans la résistance. Vichy ne se laisse pas duper très longtemps et arrête LOUSTAUNAU qui sera livré à la gestapo en1943. Marie Madeleine se retrouve seule à la tête du réseau “alliance”, nouveau nom de “croisade”. Ce réseau qui sera le plus important peut-être de la Résistance et le seul à avoir une femme pour chef a son siège à Pau et Marseille avant de rayonner sur tout le pays ; il regroupera jusqu’à 3000 personnes et jusqu’à 25% de femmes ! Le recrutement s’opère dans toutes les couches de la société avec une préférence pour les jeunes ingénieurs et les cadres de l’armée (l’espionnage joue un rôle très important) ; très rapidement le réseau dispose d’un grand nombre de postes émetteurs, utilise plusieurs avions “lysanders” pour des liaisons discrètes surtout avec l’Angleterre, et même des sous-marins (ce qui permettra à GIRAUD de passer en Afrique du nord en novembre 1942). L’activité est intense à travers tout le territoire (cf. carte) et au-delà : les anglais entre autres choses sont informés sur tous les mouvements des sous-marins allemands, sur les rampes de lancements de V1 et sur les mouvements de la flotte italienne qui doit aider ROMMEL en Afrique; une carte détaillée des côtes de la Manche est mise au point en vue du futur débarquement et les résistants utilisent les renseignements codés. Les allemands qui redoutaient ce réseau parvinrent à arrêter entre 1943 et 1944 selon certaines sources plus de 1000 partisans ; il y eut des massacres horribles au camp du Struthof après un simulacre de procès ; mais le réseau parvint toujours à se reconstituer; Marie Madeleine MERIC elle même fut capturée à deux reprises mais elle parvint à s’évader de façon rocambolesque ! Elle se rend plusieurs fois en Angleterre mais le réseau “alliance” ne se rattache au mouvement gaulliste (“BCRA”) qu’au printemps 1944, les anglais l’ayant retenue sur leur sol depuis l’été 1943 par crainte d’une arrestation ; enfin elle est présente en Provence lors de la libération en août de cette même année avant de suivre les alliés en Alsace.

Au lendemain de la guerre elle se remarie avec Hubert FOURCADE, ancien résistant, milite pour la reconnaissance des haut-faits de ses compagnons et travaille au retour de DE GAULLE d’abord au RPF puis à l’UNR. Mais elle n’a à proprement parler aucune ambition politique. Vers la fin des années soixante elle rédige ses mémoires sur le réseau “alliance” :”l’Arche de Noé” (nom donné par les allemands à “alliance», la plupart de ses membres ayant pris des noms d’animaux). C’est seulement à ce moment-là que le grand public apprit l’existence de ce réseau, tant Marie Madeleine FOURCADE était discrète ! Et elle n’a jamais été faite compagnon de la libération : les politiques craindraient-ils les belles espionnes ?

Jean-Pierre SHIEP