Communiqué de presse des Sans Bitume du 8/09/2024
Sur le tracé de l’A69, une commune particulièrement sacrifiée
La commune de Saint-Germain-des-Prés est l’une de celles qui se situent sur le tracé des 53 kilomètres du projet d’autoroute de l’A69, entre les départements du Tarn et de la Haute-Garonne.
Déclaré d’utilité publique en juillet 2018 par l’État, soutenu par une partie des élus locaux et la Chambre de Commerce et d’Industrie du Tarn, ce projet structurant n’a fait l’objet d’aucune consultation publique et populaire d’envergure, d’aucun référendum local. Il a été pris en charge par « les forces vives » du territoire, nous disent les promoteurs du projet — entendez : les entrepreneurs économiques plutôt déjà bien implantés et soucieux de poursuivre leur croissance. En premier lieu, le Groupe Pierre Fabre.
Un objectif, désenclaver le sud du Tarn, vraiment ?
Désenclaver le sud du Tarn pour le bien de populations parmi les plus pauvres d’Occitanie et de l’emploi, dixit Carole Delga, Présidente de la Région. En réalité, les différentes prises de parole des uns et des autres montrent tout l’intérêt de l’A69 pour desserrer la métropole toulousaine : trouver de la place, des terrains, contourner l’agglomération qui s’étend toujours plus d’années en années. Il ne s’agit en aucun cas de freiner cette croissance, de développer en investissant le sud du Tarn, mais bien d’accompagner une dynamique métropolitaine d’extension, d’artificialisation des terres, de croissance du trafic. Bref, tout le contraire d’une transition bien pensée pour le bonheur des habitants tarnais. Ces derniers ont pu cependant s’exprimer à l’occasion de l’enquête publique environnementale en 2023 : 8000 avis ont été récoltés, une grande majorité rejetant ce projet développé par un concessionnaire privé, ATOSCA, filiale de NGE, inconnu jusqu’ici. ATOSCA exploitera une autoroute dont le trafic sera peu important, pour un tarif de péage prohibitif pour les véhicules légers (on ne sait pas pour les poids lourds) dans une fourchette entre 15 et 20 euros aller/retour. Le poids des médias locaux traditionnels comme La Dépêche, largement aux mains du Groupe Pierre Fabre, est déterminant et empêche toute opposition médiatique d’envergure.
Une population bien seule
Saint Germain compte environ 1000 habitants installés à 15 kilomètres de Castres. Commune rurale au pied du Lauragais, elle s’appuie sur l’agriculture, le maraîchage et bénéficiait d’un paysage agro-sylvestre plutôt préservé. Face au projet d’autoroute, une partie des habitants s’est mobilisée en tentant d’impliquer le conseil municipal. Celui-ci semble totalement incapable d’aucune action : demande de renseignements sur les travaux, sur les dates, sur l’usage de l’eau sur le chantier, sur les nuisances liées à la future centrale à bitume. Peu de réponse, plus aucun contact avec la préfecture, occupée ailleurs. Les habitants sont seuls face au chantier, au projet, aux pelleteuses qui ravagent tout.
La commune est aujourd’hui un des principaux martyrs du projet autoroutier :
•Elle est littéralement coupée en deux par un fossé béant de plusieurs dizaines de mètres de large qui traverse la commune et double la nationale (bientôt départementale). Ce fossé de près de 4 mètres de profondeur, à proximité du centre du village, se termine par la création, en direction de Puylaurens, d’un talus de plusieurs mètres. Ce seront trois ronds-points en plus installés sur la route principale publique.
•Les champs n’existent plus sur le tracé, les arbres ont été coupés : c’est un gigantesque terrassement qui balafre le village. Difficile pour les villageois d’une partie de la commune de se rendre au centre du village : une des routes principales a été détruite par ce fossé.
•Les routes secondaires absorbent actuellement un report de trafic du fait de la fermeture de certaines d’entre elles (D2 par exemple, route de Lempaut). Afin de permettre aux véhicules de se croiser, certains fossés ont été comblés et, par la suite de la coupe des arbres et l’arasement des terres, les ruissellements des eaux de pluie provoquent de graves inondations de routes lors de fortes pluies, mais également d’habitations sur une partie de la commune. Rien n’est prévu par le concessionnaire ATOSCA et le maître d’œuvre NGE. Le conseil municipal semble bien démuni pour agir sur ce front comme sur les autres.
•Depuis plusieurs semaines, la commune est traversée par des dizaines de semi-remorques qui transportent la terre d’un site à un autre. C’est un ballet constant qui commence à 7 heures du matin. Quasiment aucun camion n’est bâché, et certains empruntent des itinéraires interdits aux forts tonnages. Une partie des eaux privées et publiques de la commune est utilisée chaque jour pour nettoyer sommairement les routes souillées.
•Les arrêts de bus pour le transport public et scolaire ont été déménagés et transposés sur un seul côté de la nationale. Ce réel danger, notamment pour les élèves saint-germinois, avait été pointé du doigt déjà… sans aucune prise en compte.
Certains pourraient dire qu’un tel projet génère forcément des nuisances temporaires ? Bien évidemment…
Et ce n’est pas fini… bientôt la centrale à bitume
Les habitants attendent avec grande crainte un nouveau fléau : l’installation d’une usine d’enrobage à chaud à un kilomètre à vol d’oiseau de l’école communale, très active sur le thème du développement durable. Cette usine, normalement temporaire, dont on ne sait exactement combien de temps, elle sera installée (dates contradictoires entre la préfecture et le concessionnaire, aucune réponse claire donnée à la crainte des riverains sur ce point), sera une des plus importantes d’Europe avec près de 250 mille tonnes produites, comme à Villeneuve-lès-Lavaur. Rejets de gaz toxiques, risques industriels, d’incendie, de dysfonctionnement… cocktail mortifère pour tous les habitants sur un rayon d’au moins 10 kilomètres.
L’équation se complique pourtant encore ! Si un jour ce projet arrive à son terme :
•La commune sera durablement coupée en deux pour des intérêts d’une minorité tournée vers Toulouse. Elle ne retrouvera sans doute pas son unité territoriale, grevée de trois ronds-points, de plusieurs ponts autour d’un « grand fossé » autoroutier.
•Les habitants devront à gauche et à droite de l’autoroute absorber le report de trafic des usagers du bassin de Puylaurens travaillant à Castres tous les jours. Ils perdront eux-mêmes des dizaines de minutes dans la traversée de Soual. Qui prendra en charge l’entretien de ces routes aujourd’hui secondaires qui vont être très sollicitées ? Les risques d’accidents seront décuplés… et on nous dit que l’autoroute est un gage de sécurité.
•Qu’en sera-t-il de la gestion de l’eau à la fin des travaux ? Ruissellements, état des fossés des routes secondaires ?
•Qu’en sera-t-il des plantations d’arbres ou de haies ? (Projet pourtant communal affirmé de réhabilitation des haies). On sait que le maire M. Raymond Frede « partenaire historique du Groupe PF » bénéficie d’une aide de celui-ci pour des plantations sur les parcelles de son exploitation… Quid de la commune et des habitants ?
Nous invitons solennellement chaque journaliste à venir sur place. Nous pourrons vous guider dans Saint Germain-des-Prés, qui deviendra Saint-Germain-du-bitume, village martyr, découpé, balafré.
Victime de « l’utilité publique » d’une minorité de personnes et d’entreprises, d’un vieux monde destructeur, loin de la transition écologique attendue.
Les Sans Bitume