Confluences 81 n° 142 (janv. 2020) : Réseau Education Sans Frontière

Où en est le Groupe RESF 81 Castres ?

Nous l‘avons démarré officiellement en janvier 2018, mais notre action a commencé depuis des mois , voire des années, et elle se poursuit. Si l’accompagnement juridique et administratif constitue une part importante de notre activité, on ne peut limiter celle-ci à ce seul aspect. Il nous faut souvent aider des personnes accueillies à se loger – temporairement ou de façon plus pérenne -, parfois à se nourrir, à se déplacer pour leurs démarches, ou encore à parler et écrire le français et à mille autres choses.

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Confluences 81 n° 142 : édito

Ça roule… dans la farine !

Ça roule ma poule? Ça va ? Peut-être même la forme interrogative est-elle inutile ? En tous cas, on vous le souhaite ! Confluences 81 n’est pas fan des interminables séquences de souhaits – parfois bien hypocrites ! – qui occupent chaque année le mois de janvier. Une fois n’est pas coutume, nous allons vous transmettre, par le biais de cet édito, nos meilleurs vœux pour 2020 ! Après la dinde aux marrons, il est normal (le terrible remords qui ronge certainEs d’entre nous ?) que le sort des poulettes nous tienne à cœur.

Nous avons une pensée pour les cocottes de l’élevage “ça roule ma poule” à Egreville : qui paraissent « rouler », tout au moins si l’on en croit la publicité. Hélas ! Dans notre département à Lescout, les gallinacés se font plutôt rouler dans la farine. Il va falloir s’intéresser de plus près aux « fermes-usines » qui fleurissent de plus en plus « dans notre belle campagne », expression consensuelle, même pour celles et ceux à qui le chant matinal du coq donne des boutons … Pas un seul cocorico à se mettre sous la dent, car même nos sportifs émérites aspirent au repos du guerrier en cette fin 2019 ! « Rouler dans la farine » ? : voilà bien une expression adaptée à la situation un peu générale ici ou là.

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Confluences 81 n° 142 (janvier 2020) : rubrique “féminismes”

Caroline Lucretia Herschel (1750-1848)

1ère femme astronome professionnelle. Cinquième enfant (ou huitième selon les sources) d’une famille dont le père est musicien militaire. Suite à la bataille de Hastenbeck (1757) où la Prusse subit une défaite face à une coalition franco-austro-saxe-russe, Wilhelm le grand frère de Caroline s’exile en Angleterre où il prend le prénom William et exerce comme musicien et professeur de musique et de chant. À l’âge de 10 ans, Caroline contracte une maladie, sans doute un typhus, qui l’affaiblit considérablement et limite sa croissance à 1,40m. Sa mère s’inquiète de ne pas pouvoir la marier*. Son père l’encourage à étudier les mathématiques, le chant, mais aussi divers travaux manuels, tels la couture, le tissage afin de l’armer pour sa future autonomie car il a des doutes sur ses capacités à s’épanouir dans un travail trop physique. Sa mère lui apprend à tenir une maison.

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Confluences 81 n° 141 : Portes du Tarn, histoire de petites bêtes qui…

… sont en passe de manger la grosse. Bienvenue aux « Portes du Tarn », nouvelle Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) comme il en pousse partout en France. Cette Zone, portée par les collectivités territoriales, département 81 en tête, obtient sa déclaration d’utilité publique et son arrêté préfectoral de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées en 2014. Autorisation est donnée de détruire 62 espèces et 2 groupes protégés sur les quelques 198 hectares de terres agricoles entre Saint-Sulpice La Pointe et Buzet sur Tarn. A l’époque, on allait voir ce qu’on allait voir ! « Performance économique et respect de l’environnement » étaient au programme : 2200 emplois au bas mot, des entreprises de haute technologie (aéronautique, informatique, cosmétique) mais aussi des entreprises de savoir-faire locaux  (flaconnage et plasturgie, agro-industrie, filière graphique) allaient côtoyer corridors écologiques, systèmes de production et de distribution d’énergie optimisés, gestion des déchets, implantation réfléchie. Le mariage entre industrie et écologie allait voir le jour dans le Tarn. Ce discours si rassurant était une promesse à la prospérité et à l’écologie… 5 ans après, le bilan est peu glorieux. Une délocalisation d’une usine d’embouteillage, une station-service et deux restaurants autoroutiers plus tard, la zone, en concurrence avec les nombreuses zones tarnaises et de la métropole toulousaine, peine à se remplir. Nos élus, ne manquant pas d’idées, cherchent alors à « remplir » cette zone, les échéances créancières commençant à leur donner de sacrées sueurs froides. En août 2018 débute une enquête publique, permis de construire et procédure environnementale, concernant l’implantation de Terra 2. Avec un nom pareil, difficile d’y voir là le nom d’une bête immonde. Pourtant Terra 2 c’est un entrepôt de logistique immense, 7 hectares de bâtiment sur 16 hectares de terrain. De cette bête devraient rentrer et sortir chaque année quelques 150 000 camions se déversant sur les routes et autoroutes à destination de toute l’Europe ! Hélas, peu de monde s’intéresse à cette enquête. Quelques associations et partis politiques locaux s’emparent du sujet et tentent d’alerter la population locale au travers de tracts et de kilomètres parcourus à la rencontre des voisins de la ZAC. Pendant les mois précédents l’enquête, un naturaliste de la LPO passant par hasard, découvre sur les terrains de la ZAC une curieuse petite bête à plumes. Un rapace peu commun dans cette contrée : l’élanion blanc.

Les Photos sont
de Jacques Périno

Cette découverte attire son attention et lui et ses compères commencent à s’intéresser à ce milieu présenté comme commun. Grâce à leurs observations, ils dressent un inventaire de petites bêtes très embêtant pour nos élus promoteurs de cette zone dite « respectueuse de l’environnement ». L’enquête publique est favorable avec réserves mais il est nécessaire de revoir l’arrêté de dérogation complémentaire à la destruction d’espèces protégées. En effet, les porteurs de projet et leurs « experts  se sont livrés à un recensement très incomplet des nouvelles espèces protégées présentes sur le site.

Ont été ainsi omis : une espèce d’amphibien, 5 espèces de chauves-souris un groupe de mammifères 31 espèces d’oiseaux. A contrario, l’inventaire de nos naturalistes amateurs s’étoffe donc au fur et à mesure des nouvelles découvertes. Alors, associations et partis politiques créent un collectif et décident d’organiser la résistance. Une cagnotte participative est lancée afin de de pouvoir financer un recours potentiel contre l’implantation de Terra 2 avec l’aide de FNE Midi Pyrénées. Par-ailleurs, demande est faite par la Direction Régionale Environnement Aménagement et Logement à l’aménageur de conserver une haie se trouvant sur l’emprise du futur entrepôt ! Des réunions de présentation de ces nouvelles espèces sont organisées, de l’information vers les habitants du territoire est diffusée et puis, une idée émerge : « Cette haie mérite bien une marche !! »

Marche pour la haie

Et par une belle matinée d’été, veille de la date « prévue » de début des travaux, 200 défenseurs de la faune et la flore protégées décident de marcher et de protéger cette haie, symbole de la biodiversité faunistique du site. Pour autant, les porteurs de projet n’ont toujours pas compris le sens de l’histoire et continuent d’imposer ce grand projet inutile aux petites bêtes et aux voisins humains qui eux, souhaitent pouvoir vivre et respirer un air non pollué. Les Grands Projets Inutiles ne doivent pas s’installer contre la nature et les hommes qui y habitent. Nous sommes là, avec nos jumelles, nos tracts et nos espoirs et nous ne lâcherons rien !

Sylvain PLUNIAN

Saint Sulpice Active et Citoyenne http://stsulpice-active-citoyenne.fr/marche-pour-la-haie-revue-de-presse-et-photos/

Collectif composé de naturalistes de la LPO, Saint Sulpice active et citoyenne, Et Pourquoi Pas !, EELV groupe local, LFI groupe local.

Anna Göldin et l’accusation de sorcellerie

Article publié dans le n° 138 (mai 2019) de Confluences 81

Anna Göldin (1734-1782) et l’accusation de sorcellerie pour éliminer les femmes récalcitrantes. Anna Göldin est née dans une famille pauvre de confession protestante à Sennwald, petite commune de Suisse. Mère d’un enfant né hors mariage, sa réputation est déplorable dans une région et à une période où la procréation hors conjugalité est considérée comme immorale. De plus, elle est soupçonnée, comble de l’ignominie, d’avoir empêché la naissance de son second enfant (auto-avortement).

Malgré son faible pedigree, elle est employée vers la fin de l’année 1780 comme servante par le médecin Johann Jacob Tschudi, membre du tribunal local. Une des missions d’Anna est de s’occuper des 5 filles du couple. Un peu plus d’un an après son embauche, elle dépose plainte contre son employeur qu’elle accuse de viols répétés. Apprenant que sa victime a porté plainte contre lui, le docteur Tschudi l’accuse à son tour de sorcellerie et d’avoir empoisonné sa fille cadette, Anne-Miggeli, en glissant des épingles à nourrice et des aiguilles dans les plats et le pain de la gamine. La servante est alors exclue du domicile du médecin et trouve refuge chez un voisin peu à l’écoute des rumeurs publiques.

Quelques semaines plus tard, elle est arrêtée et accusée de pratiquer la magie noire. En février 1782, elle est envoyée dans le Canton voisin, à Glaris, où elle va être soumise à la torture (suspendue plusieurs heures par les pouces, les mains attachées dans le dos, des poids attachés aux chevilles). Forcément elle finit par « avouer » avoir pactisé avec le Diable.

Détenue en cellule en attendant son jugement, elle donne naissance à un enfant, probablement issu d’un viol du Docteur Tschudi, qui ne vivra pas bien longtemps, ce qui lui sera aussi reproché lors du procès. La cour statuant sur son sort était composée d’amis du docteur Tschudi. Elle fut rapidement condamnée à la décapitation sur la place publique, et en juin 1782, elle fut exécutée. Ses restes furent enfouis au pied de l’échafaud.

La presse fut assez imprécise sur le verdict de ce procès. Sans doute le tribunal voulut éviter de mentionner le terme « sorcellerie », accusation devenue désuète ! On la qualifia plutôt d’empoisonneuse.

Parmi le nombre impressionnant de femmes brûlées, décapitées ou écartelées (ou autre supplice, l’esprit de certains humains ne manquant pas d’imagination quand il s’agit de causer la souffrance et la mort) sous prétexte de « sorcellerie », un grand nombre d’entre elles l’ont été car jugées non conformes à ce que dictait la morale religieuse et patriarcale de leur temps ; d’autres avaient des connaissances très poussées des plantes médicinales et parfois même de plantes ayant des vertus contraceptives ou abortives, connaissances enviées par les hommes d’Églises et les savants se réservant la gloire des Savoirs ; d’autres l’ont été pour avoir éconduit un prétendant vexé et d’autres encore parce qu’elles possédaient (souvent par héritage) des biens convoités (dans de nombreux procès, une fois la victime éliminée, le juge et l’accusateur se partageaient les biens de leur victime). Un nombre non négligeable de femmes exécutées sous prétexte de sorcellerie l’étaient aussi car elles n’apportaient plus à la communauté (selon de vagues notions économico-sociales dénuées d’empathie et de dignité) : infertiles ou devenues trop vieilles pour donner des naissances ou lesbiennes se passant aisément des hommes.

Une procédure de réhabilitation a été entamée en novembre 2007 par le Grand Conseil du canton de Glaris. En août 2008, Anna Göldin est définitivement innocentée par le Parlement Cantonal de Glaris. Elle est considérée comme la dernière victime de la « chasse aux sorcières » en Suisse*. À l’endroit même où Anna fut décapitée se dresse aujourd’hui… un abattoir**.

Patrice K

* En Pologne, deux femmes auraient été encore été exécutées pour sorcellerie en 1793. Et en France, bien que les condamnations à mort pour sorcellerie n’étaient plus en vigueur depuis 1682, une femme accusée de sorcellerie fût brûlée vive par des paysans à Bournel (Lot & Garonne) en juillet 1826 et une autre en 1856 à Camalès (Hautes Pyrénées). ** Aurai-je cherché par cet élément anecdotique, à manipuler mon lectorat en essayant de lui inspirer de la méfiance vis-à-vis de ce type d’installation où est donnée la mort ?

2 conseils de lecture :

– « Anna Göldin, dernière sorcière » de Eveline Hasler (éditions L’Aire Bleue, 2015)

– « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » de Mona Chollet (aux éditions Zones, 2018)

Agriculture et alimentation

Article publié dans le n° 137 (mars 2019)

Quelques réflexions autour d’agriculture, d’alimentation, de consommation, d’économie locale et de bien d’autres sujets.

Véronique et Denis sont installés comme maraîchers et éleveurs de buffles à Maurens-Scopont (81). Au fil des échanges sur les marchés de REVEL et de PUYLAURENS, au gré de diverses rencontres liées à des activités ou des engagements communs, l’idée a germé “d’un article pour Confluences”, reprenant les idées et les projets dont ils m’entretenaient. Les semaines et les mois passant, ponctués d’incidents informatiques divers, d’enregistrements et de prises de notes, le “projet d’article” s’est progressivement transformé en “projet d’articles”. Voici donc, pour donner une première idée de ce que pourra être la suite, un “article de présentation”

Jean FAUCHE

Ancrés dans la volonté de faire vivre une agriculture paysanne, nous avons, au fil du temps, acquis la conviction que le système économique qu’il était intéressant pour nous de développer, était un système d’économie locale, s’appuyant sur les réalités du pays, de la microrégion dans laquelle nous vivons et travaillons. Nous avons appris à voir l’échelle locale comme un lieu d’élaboration des processus de développement territorial. Développement prenant en compte les nouvelles attentes des consommateurs : fraîcheur des produits, qualité sanitaire, traçabilité, respect de l’environnement, des travailleurs, des animaux et réduire l’empreinte écologique de transport de marchandises, etc…

Ancrés dans la volonté de faire vivre une agriculture paysanne, nous avons, au fil du temps, acquis la conviction que le système économique qu’il était intéressant pour nous de développer, était un système d’économie locale, s’appuyant sur les réalités du pays, de la microrégion dans laquelle nous vivons et travaillons. Nous avons appris à voir l’échelle locale comme un lieu d’élaboration des processus de développement territorial. Développement prenant en compte les nouvelles attentes des consommateurs : fraîcheur des produits, qualité sanitaire, traçabilité, respect de l’environnement, des travailleurs, des animaux et réduire l’empreinte écologique de transport de marchandises, etc…

Cela nous a amenés à réfléchir sur la notion de développement territorial et la mise en place d’actions permettant d’aller vers sa réalisation et s’appuyant sur les ressources du territoire, la préservation et la valorisation des savoir-faire (en particulier les plus anciens à retrouver), la recherche de l’autonomie alimentaire pour le territoire… Ce qui nous a conduits à nous interroger au sujet des circuits de vente et/ou de distribution des produits. Ce qui pose la question de l’accès à tous, des relations avec les élus et les différentes structures administratives maillant le territoire. L’idée d’un développement pouvant réduire les inégalités sociales et réduire la pression sur l’environnement s’est imposée quasi naturellement. Elle sert de cadre à nos idées, interventions et propositions. Nous nous sommes interrogés sur les questions de gouvernance des territoires ; en particulier sur la question de l’association des citoyens à celle-ci et de l’intégration de l’agriculture, attente sociale et injonction réglementaire. Nous avons été – et sommes constamment confrontés aux questions de qualité des produits, de choix de ces mêmes produits en prenant en compte des critères (et des notions) comme le terroir. Ce sont là, parmi d’autres, quelques uns des sujets que nous développerons dans quelques articles qui s’échelonneront au fil des prochains n° de notre journal. Nous y aborderons également, en fonction de leur avancement, un ou plusieurs projets locaux dans lesquels nous sommes impliqués à des titres divers.

Véronique et Denis NOURIGAT

Il semblerait que l’on s’habitue à tout …

Article publié dans le n° 137 de Confluences 81 (mars 2019)

 Au début de la locomotive à vapeur, après 1804, nombreuses étaient les voix qui s’élevaient pour en dénoncer les horreurs : une infrastructure qui modifie les paysages et l’occupation des terres, odeurs et fumées pestilentielles, bruit infernal, dangerosité…

Et puis quand la voiture individuelle à moteur à explosion est arrivée alors certaines voix se sont faites entendre pour dénoncer ces dangers mécaniques et ces bourgeois hautains qui écrasaient, polluaient, empoussiéraient sans vergogne, regrettant ainsi les trains dont les déplacements étaient canalisés par les rails.

On retrouve la même idée dans l’opposition « autoroutes contre Ligne Grande Vitesse » pour les TGV. De même avec les sources d’énergie. Quand ont été construits les grands barrages hydrauliques pour produire de l’électricité, on a pu entendre l’expression de résistances légitimes à la noyade de prairies, de forêts et de villages entiers.

Mais quand les centrales nucléaires sont arrivées, alors on s’est mis à regretter les bons vieux barrages hydrauliques considérés alors « pas si nocifs que ça » (sauf pour les concerné-e-s).

Puis sont arrivées les éoliennes géantes (+ de 100 m de haut) modifiant à leur tour les paysages, tuant des oiseaux et perturbant les chauves-souris, tout en bétonnant des zones jusque-là épargnées.

Alors certains se mettent à tolérer la présence du danger nucléaire en luttant contre les moulins à vent modernes (alors qu’on peut lutter contre les 2 à la fois, comme symptômes d’une société de croissance en quête de toutes les sources possibles de production d’énergie pour le profit de quelques-uns). Dénonçant les extractions de métaux précieux et des terres rares pour les innombrables batteries de stockage d’électricité on va en venir à être nostalgiques du plomb.

Je m’inquiète vraiment de ce qui va nous faire regretter les éoliennes et les voitures individuelles !

Patrice K

On aurait découvert des humains intelligents !

Tribune libre publiée dans le n° 137 de Confluences 81

L’information est à prendre au conditionnel, tant elle semble étonnante : on aurait découvert des humains communicants et, chose plus incroyable encore, intelligents… D’après nos premières investigations, ces individus seraient capables de lire l’index de leurs compteurs électriques sans être connectés à un écran d’ordinateur ou de smartphone. Il semblerait même qu’ils aient la faculté de réduire leur consommation d’énergie sans compteur intelligent. Les plus ingénieux éteindraient leurs appareils en veille et isoleraient leur maison. Les radicaux, quant à eux, revêtiraient un pull en hiver. Quelques-uns, parmi les plus intégristes, se passeraient même de congélateur, voire de frigo pour les fondamentalistes. Nous les avons suivis dans leurs activités quotidiennes afin de mieux saisir toute l’étendue de leur génie. Ce qui nous a frappés, d’emblée, c’est leur capacité à communiquer sans passer par un écran ou un smartphone. Ainsi, cette espèce serait pourvue d’une aptitude à la parole de visu, sans aucune assistance électronique. A ce don, s’ajouterait celui des gestes, des mimiques et des émotions, ce que nous appellerons la « communication non verbale ». Certains s’écriraient des lettres à la main qu’ils insèrent dans des enveloppes. Ils seraient même en mesure de lire des livres en papier et se passeraient ainsi des liseuses numériques. Ce qui semblerait guider ces humains, c’est le plaisir de partager des moments de vie réelle avec leurs semblables. Ils seraient, à proprement parler, connectés entre eux par tous les sens, ainsi qu’au monde qui les entoure. Ne disposant pas de téléphone intelligent, ils pourraient soutenir des conversations sans être interrompus par une sonnerie ou par une vibration, sans être contraints de devoir répondre à des dizaines de messages. Ils seraient pleinement présents à l’instant et au lieu où ils sont, prendraient le temps de contempler les arbres, de réfléchir et même de ne rien faire. Leurs faits et gestes ne seraient pas surveillés en permanence. Ayant refusé d’être assujettis à un portable, ne disposant pas de carte de crédit ou de fidélité, n’étant inscrit sur aucun réseau social, ils auraient à cœur de préserver leur vie privée et leur intimité. Apparemment, leur santé serait tout à fait correcte, alors qu’ils ne sont dotés d’aucun capteur corporel connecté. Leur denture ne présenterait aucun problème majeur, bien que non entretenue par une brosse à dents intelligente. Quant à leur sommeil et à leurs facultés cognitives, ils seraient nettement au-dessus de la moyenne. D’après nos premières estimations, l’espérance de vie de cette catégorie d’humains sans prothèse serait supérieure de sept ans et quatre mois par rapport au reste de la population. Quant à l’espérance de vie en bonne santé, la différence serait de plus de douze années en faveur des humains non connectés aux réseaux sans fil. Si ces informations s’avéraient confirmées, elles marqueraient un tournant dans l’évolution de l’espèce. Ces humains intelligents et communicants pourraient bien être les précurseurs d’une humanité perfectionnée, en bonne santé, équipée d’un cerveau opérationnel et susceptible de pourvoir à ses besoins sans être dépendante d’un système technologique de plus en plus fragile, toxique et intrusif. Nous allons poursuivre nos recherches afin de mieux appréhender l’ampleur du phénomène et ses évolutions.

Dépêche de l’aéronef 6222, depuis la Terre, pour la planète Médianus de la galaxie Z43, le 24 septembre 2022, conformément au calendrier terrestre.

Frédéric Wolff