Confluences 81 n° 142 (janvier 2020) : rubrique “féminismes”

Caroline Lucretia Herschel (1750-1848)

1ère femme astronome professionnelle. Cinquième enfant (ou huitième selon les sources) d’une famille dont le père est musicien militaire. Suite à la bataille de Hastenbeck (1757) où la Prusse subit une défaite face à une coalition franco-austro-saxe-russe, Wilhelm le grand frère de Caroline s’exile en Angleterre où il prend le prénom William et exerce comme musicien et professeur de musique et de chant. À l’âge de 10 ans, Caroline contracte une maladie, sans doute un typhus, qui l’affaiblit considérablement et limite sa croissance à 1,40m. Sa mère s’inquiète de ne pas pouvoir la marier*. Son père l’encourage à étudier les mathématiques, le chant, mais aussi divers travaux manuels, tels la couture, le tissage afin de l’armer pour sa future autonomie car il a des doutes sur ses capacités à s’épanouir dans un travail trop physique. Sa mère lui apprend à tenir une maison.

En 1772, quelques années après la mort de leur père, Caroline rejoint son frère en Angleterre où il lui apprend le chant et elle devient rapidement une chanteuse réputée. William, passionné d’astronomie, délaisse progressivement ses activités musicales et emploie sa sœur Caroline d’abord comme aide-ménagère, puis comme assistante dans ses observations du ciel et aussi dans la fabrication de nouveaux télescopes. Progressivement il la pousse à quitter sa carrière de chanteuse afin de l’assister dans ses recherches astronomiques et dans la tenue de sa maison. En mars 1781, il découvre une nouvelle planète gravitant au-delà de Saturne qu’il nomme Georgium Sidus, en hommage au roi Georges III. Cette nouvelle planète du système solaire sera renommée « Uranus ». Dans la foulée, il élève sa sœur au rang d’apprentie astronome. Grâce à cette découverte, il est nommé l’année suivante astronome privé du roi Georges III, et laisse son domicile et son matériel d’observation à sa sœur. Elle poursuit, seule, à observer le ciel et découvre plusieurs objets célestes, dont « La rose de Caroline » (NGC 7789) et Messier M110, une galaxie satellite de la galaxie d’Andromède. De 1786 à 1797, elle découvre 7 comètes non identifiées** et observe de nouveau la comète d’Encke (en 1786 et 1795). En 1787, le roi Georges III lui accorde une bourse annuelle et la nomme assistante officielle de son frère William. Elle devient ainsi la 1ère femme astronome professionnelle***. En 1788, son frère William se marie et elle choisit de déménager tout en continuant les observations du ciel, seule ou avec son frère. En 1798, elle entreprend de compléter le catalogue d’étoiles (« Historia Caelestis Britannica ») débuté par l’astronome britannique John Flamsteed, en y rajoutant 560 nouvelles étoiles. Dans la foulée, elle reprend les travaux de Thomas Wright (datés de 1750) et tente à son tour de représenter la voie Lactée (de nos jours sa représentation est considérée comme erronée). Devenue tante du fils de son frère William, elle met sa carrière en repos et se lance dans l’éducation intellectuelle et scientifique de son neveu John****. Fièrement elle le voit poursuivre des études à Cambridge. En 1822, à la suite du décès de son frère William, elle décide de repartir à Hanovre. En 1828, elle reçoit la médaille d’or de la Royal Astronomical Academy et en 1835, elle est l’une des 2 premières femmes à en devenir Membre Honoraire (avec l’astronome écossaise Mary Somerville). En 1846, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse la décore de la médaille d’or de la Science. Après une carrière bien remplie, elle s’éteint le 9 janvier 1848 à l’approche de ses 98 ans.

Patrice K

* Et en effet elle ne maria pas. L’inquiétude d’Anna Herschel, la mère de Caroline Herschel, peut sembler compréhensible à son époque. Si les femmes ont si peu de chances de devenir économiquement autonomes, que leur reste-il d’autres comme solutions que de réussir cet acte de prostitution légalisé et accepté par les institutions sous le nom de « mariage » ? La situation a-t-elle évolué ? À croire que non, quand on entend, le 4 novembre 2019, sur une chaîne de télévision française (LCI), de la bouche de la chroniqueuse conservatrice Julie Graziani : « (…) et puis si on est au SMIC, il « faut peut-être pas divorcer dans ces cas-là (…) »

** Notamment la comète 35P (d’une période orbitale de 155 ans) nommée Hershel-Rigollet qu’elle découvre en décembre 1788.

*** Sophia Brahe, astronome danoise de la fin du XVI° siècle, n’a pas été considérée de son vivant comme « astronome professionnelle ». Voir Confluences 81 N° 123 de novembre 2016. Quant à l’astronome Maria Winkelmann-Kirch, ses découvertes ont été attribuées à son époux ! Voir le Confluences 81 de mai 2018.

**** John Hershel effectuera de brillantes études à Cambridge, deviendra un célèbre mathématicien et lui aussi, un célèbre astronome !