Le Rassemblement national est aujourd’hui au centre du jeu politique. Certes, le succès du Front républicain a permis d’éviter son arrivée au pouvoir. Nous avons obtenu un sursis. Mais en l’absence de mesures fortes, tout indique, si rien ne change, que la RN peut encore progresser. Que faire face à un parti maintenant implanté dans toutes les catégories de population et dans la majeure partie des territoires ? Et comment reconstruire une société solidaire ? Nous n’avons pas la clé, mais nous pouvons tracer des pistes.
Pour reconstruire, il faut d’abord savoir pourquoi les classes populaires, mais aussi les classes moyennes, et de nombreux territoires, sont aujourd’hui largement acquis au RN. Il n’y a pas un électorat du RN, mais des électorats très différents, avec des causes multiples découlant de la soumission de tous les partis de gouvernement, de droite comme de gauche depuis 40 ans aux impératifs de la mondialisation et d’un néolibéralisme rigide et dogmatique : inégalités sociales, économiques et géographiques, politique délibérée de disparition des services publics… Ajoutons la montée en puissance des réseaux sociaux réactionnaires, la question identitaire et le désir de rester entre soi face à une injonction d’être innovants et entreprenants.À cela se superpose l’instrumentalisation cynique de la peur du ”brun” par la classe dirigeante. Les présidents successifs, de Mitterrand à Macron en passant par Sarkozy, ont été élus en faisant campagne contre la “formation paria ”, après l’avoir renforcée pour en faire leur meilleur ennemi.
À court terme, la poursuite du combat politique est nécessaire pour limiter l’ampleur des dégâts, si ce n’est gagner. L’unité d’action s’est maintenue malgré les tensions et les manœuvres. Il est vital qu’elle tienne encore, dans le respect des composantes. Cela ne sera pas suffisant pour traiter la question au fond. La montée du RN est pour partie une réponse dévoyée à des questions justes, que nous devons examiner lucidement. Par exemple, il est nécessaire de reconnaître un besoin d’identité et de stabilité, légitime, mais dans l’ouverture et l’échange, dans la fraternité et non en cultivant la haine de l’autre.
Il faudra du temps, beaucoup de temps pour retrouver nos raisons d’agir, restaurer la confiance de chacun dans la participation politique et plus profondément dans l’action collective. De façon dévoyée, le RN a pris la place laissée vide par des idéaux de référence (christianisme, marxisme, laïcisme) et par le recul des syndicats et de l’éducation populaire, alors que les besoins de solidarité et de fraternité restent forts.Ce ne sont pas les discours politiques qui convaincront, mais la présence au quotidien, la réponse aux problèmes des gens, la multiplication des solidarités de proximité. |