Publié le dimanche, 8 février 2015 dans le blog des Alternatifs du Tarn
Après 15 mois de « gué-guerre » quasi quotidienne entre nous, et avant qu’elle ne débouche sur un nouveau drame que, nous espérons, nous voulons tous éviter, il nous semble important de marquer une pause. Et pourquoi pas, de nous rencontrer autour d’une table afin d’essayer de résoudre ce conflit en adultes responsables autrement qu’à coups d’insultes, de calomnies et de manches de pioches.
Pour lancer le débat, nous aimerions rappeler quelques réalités de base concernant les acteurs en lice et également resituer ce conflit local dans son contexte global.
Vous êtes en majorité des ruraux vivant dans cette région du Tarn et beaucoup, pensons-nous, sont des « petits paysans » confrontés depuis soixante ans à la modernisation accélérée de l’agriculture. Cette dernière vide inexorablement les campagnes en éliminant les faibles au profit des plus forts, comme le veut la logique libérale de compétition incessante, de façon à concentrer le nombre d’exploitations agricoles. Ce terrible processus, à l’œuvre depuis trois générations, est d’ailleurs en train de s’accélérer avec l’apparition des fermes-usines comme la fameuse « ferme des milles vaches »
en Picardie. Comme d’habitude, l’Europe technocratique et l’Etat français de gauche comme de droite favorise cette évolution qui nous prépare un monde sans paysans où toute la production sera assurée par d’immenses exploitations gérées par des sociétés multi-nationales de capitaux. Le barrage de Sivens fait partie de cette dangereuse politique, dont nous serons tous victimes avec le monde rural dans son ensemble. La centralisation du contrôle de l’eau liée à ce barrage mène à une concentration des exploitations où nombres d’agriculteurs sont voués à disparaître. Un barrage crée un robinet qu’une seule main contrôle et vous devrez vous soumettre au bon-vouloir de cette main.
En fin de compte, malgré nos différences culturelles plus ou moins marquées, nous luttons contre le même système. Nous recevons vos problèmes et vos colères légitimes, mais nous vous proposons de discuter ensemble des réelles causes et des vrais responsables des difficultés traversées afin d’en dégager des solutions.
Alors c’est vrai, nous ne sommes pas né-e-s ici, mais nous sommes tombé-e-s amoureux-ses de cette petite vallée sauvage et paisible jusqu’à vouloir y vivre et ainsi empêcher qu’elle soit noyée par un énième barrage que nous estimons nuisible autant d’un point de vue économique qu’environnemental.
Depuis un an, nous construisons peu à peu un village alternatif, basé sur une agricultures vivrière comme des tout-petit-e-s paysans-annes. L’ambiance y est fraternelle et joyeuse et nous vous invitons à venir nous rendre visite sur site.
Dans un souci d’apaisement, nous avons libéré les champs le long de la rive droite du Tescou et nous avons démonté toutes les structures qui s’y trouvaient afin de laisser les parcelles libres d’accès aux riverains pour une utilisation agricole. Nous nous sommes engagé-e-s auprès de la Préfecture à laisser libre accès aux équipes de ERDF pour qu’elles ré-installent la ligne électrique qui avait été détruite par l’entreprise responsable des travaux d’aménagement du site du chantier. Ceci afin de permettre le retour souhaité de Madame Morel et le bon fonctionnement de la Maison de la Forêt.
Nous serions heureux de vous accueillir sur le site (tant que vous n’êtes pas armés d’intentions belliqueuses).
Dans l’attente d’une réponse favorable de votre part, nous réitérons donc notre proposition de rencontre afin d’établir ensemble des relations de bon voisinage et de paix.
Des habitants et sympathisants de la ZAD.
Publié le 7 Février 2015 sur le site du « Collectif Tant qu’il y aura des Bouilles »