Coup sur coup, fin février 2014, le Conseil Général du Tarn a pris deux décisions contraires « au minimum syndical » écologique, à une majorité voisine de celles qu’obtenait en son temps le Soviet Suprême d’URSS.
D’abord, l’assemblée départementale (46 conseillers généraux) s’est prononcée en faveur du barrage du Testet : 43 POUR, 1 CONTRE et 2 en faveur d’un moratoire. Avec un curieux processus de décision, « le sondage délibératif »[1]. Procédure pour le moins mal assimilée, puisque la décision intervient après un refus de la part de nos conseillers départementaux de participer à un débat contradictoire proposé par les deux collectifs qui, sur le terrain, s’opposent à ce projet. On notera aussi que la même assemblée avait adopté en 2011 la « Charte de Participation », afin, disait-on alors, de mettre en place une démocratie participative !
Puis dans un vote à bulletin secret (42 POUR, 4 CONTRE) le Conseil Général du Tarn a choisi l’option de l’autoroute concédée sur le trajet Castres-Toulouse. En dépit de tous les dossiers techniques et financiers extrêmement argumentés, présentés depuis des années par le Collectif RN 126 ! Arguments qui permettent de classer ce projet dans la catégorie des GPII[2], aux côtés de Notre Dame des Landes et du Lyon-Turin.
Les méchantes langues – dont nous ne sommes pas – n’ont pas manqué de s’interroger sur les liens de certains conseillers avec la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne, payée au pourcentage des travaux… Il sera sans doute difficile d’empêcher les citoyens de fantasmer sur les relations que d’autres élus départementaux pourraient entretenir avec les bétonneurs patentés comme VINCI, EIFFAGE ou autres BOUYGUES.
Ce n’est pas nous non plus qui parlons de conflit d’intérêts, d’incompétence (voire de paresse) de la plupart de nos élu-e-s, à quelque niveau qu’ils/elles se placent, qui votent les yeux fermés les délibérations proposées par le rapporteur[3] !
Au-delà du factuel, ces deux décisions posent la question fondamentale du fonctionnement de la démocratie représentative au niveau départemental. Populations Tarnaises, ouvrez grand vos oreilles : cette vieille institution va être rénovée. Une loi récente s’y engage !
Et elle n’a pas que du mauvais : pour la 1ère fois les candidats devront se présenter à 2 par canton (parité femme/homme obligatoire). Je savoure déjà l’entrée massive des femmes au Conseil Général du Tarn (actuellement 4 élues soit moins de 9 %)…
Pour le reste de la loi, la réduction à 23 cantons (au lieu de 46) a secoué les nerfs de quelques potentats locaux, entièrement persuadés d’être propriétaires (inamovibles ?) d’un fief de type médiéval. Notons toutefois que la réduction de moitié du nombre des cantons Tarnais ne se traduit pas par une réduction du nombre de Conseillers Généraux qui continueront à se retrouver 46 dans l’Hôtel du Département ! Et du coup, plus personne n’évoque les raisons d’économie pour les finances publiques !
Pour aller vers une démocratie directe impliquant réellement la population dans les décisions qui concernent leur vie, cette réforme, à l’instar de la « Charte participative » s’avère complètement inefficace. Vraisemblablement parce que, dans l’esprit du législateur, il ne s’agissait pas de redonner le pouvoir aux citoyens !
Comme pour la plupart des mandats électifs, être « conseiller général » c’est devenu un métier et non plus une fonction. Sous prétexte de « complexité des dossiers » à traiter et de « compétences nouvelles » à acquérir[4] ! La « démocratie » participative », tout le monde est pour, même la droite ! A condition que, par un étrange tour de passe-passe, elle se borne à une « information » des citoyens sur les projets dans les cartons de nos élu-e-s ! Au mieux !
Y a-t-il le moindre espoir de sortir de cet enfermement dans un système qui élimine le citoyen du circuit des décisions ? Suffirait-il d’organiser une élection à la proportionnelle intégrale sur des listes de 23 où la parité resterait obligatoire ? Mais aussi d’interdire le cumul des mandats ? De contrôler régulièrement les élu-e-s dans leur fonction et de pouvoir les révoquer si nécessaire ? De créer des structures permanentes où les délégué-e-s des citoye-ne-s disposeraient des mêmes moyens que le délégué du personnel dans une entreprise ? Avec les mêmes règles : parité, non cumul, révocation… ?
« Allons, Candida, tu n’es qu’une foutue utopiste ! évacue de ta petite tête toute idée d’autogestion… Tu verras, ça va changer ta vision du monde !
– Tu as raison, camarade, le changement, c’est pas seulement « maintenant », c’est « tout le temps » ! Et compte sur moi pour m’y employer ! »
Candida ROUET
Confluences n° 108
[1] Procédure articulée autour de 2 débats avec les citoyens avec « l’apport » d’experts et d’associations
[2] Grands Projets Inutiles Imposés
[3] C’est beau la confiance !
[4] On s’en est bien rendu compte sur les deux dossiers évoqués plus haut !