REMERCIEMENT AU MINISTRE CASTANER Il est fait au ministre CASTANER, ces deniers temps, de bien curieux procès… Le dernier en date concerne la distinction, au titre de la médaille de la sécurité intérieure, de cinq policiers impliqués, à des titres divers, dans des enquêtes judiciaires liées aux gilets jaunes. Il en est ainsi de deux commissaires mis en cause sur les violences subies par Geneviève LEGAY, une manifestante de 73 ans blessée en mars pendant une charge de police, comme d’un officier dont, nous apprend-on, le nom figure dans le dossier lié au décès d’une octogénaire à Marseille (décidément les personnes âgées semblent inspirer nos valeureux pandores !). Mauvais procès, évidemment. Pourquoi cela ? Parce qu’il existe la présomption d’innocence, qui n’est pas faite pour les chiens (si si, en fait, elle est faite aussi pour les chiens…), et que donc nos cinq glorieux défenseurs de l’ordre – passons sur les deux autres – y ont droit comme tout un chacun.
Vous, moi, « Jojo le gilet jaune » et tutti quanti… De là à se dépêcher, toutes affaires cessantes, comme s’il en allait de la survie du pays, de les promouvoir à cette haute distinction peut-être y avait-il une marge. Pas une marge juridique, sans doute (voir au-dessus). Mais… comment dire ? Une marge de décence ? De pudeur ? De retenue ? Ah oui c’est bien, ça ! J’aime bien ! De « retenue »… Voilà ! Cette marge est donc allègrement franchie. Et toc ! pour les gilets jaunes, qui n’avaient qu’à ne pas arpenter le pavé, ah mais ! Quand on le cherche, aussi… Notre Président (gloire à lui) n’avait-il pas d’ailleurs, concernant Mme LEGAY, déploré qu’elle n’ait pas fait montre d’une « forme de sagesse » qui l’aurait conduite, à l’en croire, à préférer jouer au bridge ou faire du macramé qu’aller bêtement manifester son désaccord avec sa politique. Si même les vieux ne sont plus sages, alors, où allons-nous ? Alors voilà, tant qu’à promouvoir, autant le faire – noyés dans la masse, certes – de cinq « braves » dont les hauts faits d’armes consistent à bousculer une septuagénaire et/ou (rayez la mention inutile) gazer virilement une octogénaire. D’autres furent médaillés pour avoir enlevé le plateau de Pratzen à Austerlitz ou, plus récemment, résisté au Chemin des Dames ou au plateau des Glières. On a l’héroïsme que l’on mérite… On se croirait revenus aux journées de Juin 1848. Mais qui se soucie des journées de Juin 1848 ? Qui s’en rappelle ? Cinq mille morts du côté des insurgés, une paille !… L’Assemblée reconnaissante avait alors chaudement remercié le graaaaaand général CAVAIGNAC de ce formidable carnage en lui octroyant le bâton de maréchal (qu’il refusa néanmoins… le Général CAVAIGNAC avait-il plus de pudeur que le ministre CASTANER ?), et en le faisant Président du Conseil dans la foulée (charge qu’il accepta… il y a quand même des limites à tout !). A ses graaaaaands officiers, la Patrie reconnaissante ! Un dernier exemple pour la route, et histoire d’édifier les foules. Le général Gaston de GALLIFFET, à qui sa répression féroce et l’arbitraire de ses mises à mort ont valu le doux surnom de « Massacreur de la Commune », s’est vu confier le ministère de la Guerre, quelques années plus tard, dans un gouvernement dit « de gauche ». Ce n’est pas beau, ça ? Rendons donc doublement grâce au ministre CASTANER. Il connaît l’Histoire et s’inscrit dans cette belle continuité dont nous n’avons donné que deux exemples. Qui oserait lui en tenir rigueur ? Il tient la présomption d’innocence en haute estime. Qui oserait le lui reprocher ? Pas moi… Ni vous, j’en suis (presque) sûr… La voix blessée et muette des milliers de morts, blessés, mutilés, exilés, déportés, Croquants de toutes sortes et toutes appellations… venue du fond des âges et traversant l’Histoire, l’osera à notre place. « Les morts, les pauvres morts » comme disait Baudelaire, ont plus de courage que nous.
Jérôme V.