PIERRE BROSSOLETTE : FAUT-IL TRANSFERER …
… SES CENDRES AU PANTHEON ?
Certains historiens s’opposent au transfert des cendres de BROSSOLETTE au Panthéon en soulignant les mauvais rapports qu’il entretenait avec MOULIN ” panthéonisé” en 1964. D’autres personnalités de toutes tendances y sont favorables.
Pierre BROSSOLETTE voit le jour dans le XVI° arrondissement en 1903 ! Son père est inspecteur dans l’enseignement primaire ; ses deux sœurs un peu plus âgées seront comme lui agrégées ; après des études brillantes à Janson de Sailly il entre en classe préparatoire à Louis le Grand ; est reçu major au concours de la rue d’Ulm ! Mais malgré des études dans un milieu classique, il manifeste déjà une très grande indépendance d’esprit. Après son agrégation d’histoire obtenue brillamment à 22 ans (il est reçu “seulement” second à cause d’une “belle” dispute avec le jury), il se tourne vers le journalisme et la politique.
Sa formation politique le conduit de la ligue des droits de l’homme et de l’initiation à la grande loge de France à l’adhésion à la SFIO en 1929 : parcours habituel pour un homme de gauche à cette époque-là. On le retrouve parmi les pacifistes autour d’Aristide BRIAND ; mais la montée des fascismes pendant les années 30 l’amène à prendre ses distances avec ce mouvement. En tant que journaliste il joue un rôle capital notamment lorsqu’il a en charge la politique étrangère au Populaire. Il officiera aussi en 1938 et début 39 à Radio Ptt toujours dans le même domaine avant d’être limogé par le ministre BONNET pour avoir critiqué les accords de Munich.
Lorsque la guerre débute Brossolette n’a aucun mandat électif ; mais en peu de temps dans l’adversité il sait faire face de façon éclatante : mobilisé avec le grade de lieutenant puis de capitaine il est humain avec ses hommes, dur pour lui et très efficace, au point qu’au moment de la débâcle son armée n’est pas du tout désorganisée, ce qui lui vaudra d’être décoré de la première croix de guerre en 1940 ! Démobilisé lors de l’armistice, interdit d’enseignement dans le public à cause de ses “idées”, il achète avec son épouse une librairie rue de la Pompe face à Janson de Sailly ; ce sera un lieu de rendez-vous discret pour les premiers résistants. Lors de l’armistice BROSSOLETTE est assez désemparé ; il n’a pas entendu l’appel de DE GAULLE ; d’ailleurs en 1940, à part la manifestation des étudiants sur les Champs-Élysées le 11 novembre, il ne se passe pas grand-chose ! Dès la fin de cette même année BROSSOLETTE rejoint la résistance intérieure avec le groupe du Musée de l’homme qui disparaît au printemps 1941 à cause de ses imprudences et des nombreuses arrestations ; plus tard durant l’été il entre par hasard en relation avec le groupe Notre-Dame du colonel “Rémy”(Gibert RENAULT), un proche de DE GAULLE, qui le mettra en rapport avec le colonel “Passy”(DEWAVRIN) chef des services secrets, le BCRA(M). Le 1/12/1941 il est officiellement engagé dans les forces de la France libre ; au printemps 1942 il s’envole en Lysander de Rouen pour Londres après avoir parcouru la zone libre pour entrer en contact avec les divers mouvements ! A Londres il est en parfaite communion avec le Général : rejet de la mentalité de la III° république et des partis traditionnels, méfiance vis à vis du PCF mais reconnaissance de la valeur de ses militants, “fusion” de tous les partis démocratiques dans un premier temps après la Libération. Les deux hommes sont fascinés l’un par l’autre tout en restant lucides !
Entre juin 42 et le début de l’automne 43, BROSSOLETTE effectue quatre missions en France dont une en Algérie , chaque fois dans des conditions périlleuses ;en septembre 42 il envoie toute sa famille en Angleterre dans des conditions rocambolesques ; la seconde mission entre janvier et avril 43 réunit “Brumaire” (BROSSOLETTE) le colonel “Passy” et l’anglais YEO THOMAS ; il s’agit de mettre en contact les groupes de la France-nord et de créer un comité de coordination ( MOULIN devra s’occuper de la zone sud) ;les résultats sont remarquables tout comme les disputes entre “Rex” (M) et “Brumaire” (B) : le premier veut faire entrer les anciens partis politiques dans le comité de la Résistance pour mieux asseoir l’autorité de DE GAULLE auprès des alliés , le second refuse en affirmant que les anciens partis sont détestés de l’opinion . En réalité la cohabitation entre ces deux hommes semblables au caractère bien trempé était impossible ; et DE GAULLE refuse de prendre parti à tel point que BROSSOLETTE lors de la disparition de MOULIN ne sera pas nommé à sa place. Rentré à Londres le 16 avril il anime sur la BBC de nombreuses chroniques demeurées célèbres à la place de SCHUMANN. En aout il fait un voyage éclair à Alger pour appuyer DE GAULLE face à GIRAUD. Le 19 septembre 43 BROSSOLETTE est à nouveau en France malgré la mise en garde du Général (vous allez au casse-pipe) pour installer BOLLAERT nouveau commissaire du gouvernement : le séjour s’éternise et lorsqu’ils veulent regagner Londres aucun Lysander n’est disponible ; le voyage se fera en chalutier mais une tempête les renvoie en Bretagne ; assez rapidement après leur arrestation par la Gestapo, BOLLAERT et BROSSOLETTE sont reconnus ; transféré à Paris , torturé, ce dernier préfère se suicider plutôt que de courir le risque de parler (22 mars).
Certains refusent la “panthéonisation” de BROSSOLETTE à cause de MOULIN ; PLUTARQUE en 2013 en aurait sans doute tiré un nouveau chapitre des Vies parallèles !
Jean-Pierre SHIEP