Marx DORMOY

103 page 12-Marx_Dormoy-1932MARX DORMOY…

La femme est l’avenir de l’homme chante le poète…En juillet 1941 Marx DORMOY est en résidence surveillée à Montélimar ; sa situation sans être enviable s’est améliorée depuis le début de sa captivité ; il rencontre à l’hôtel une belle femme cultivée qui le séduit. Dans la nuit du 25 au 26 juillet une bombe explose sous son lit le tuant sur le coup…

En 1888 date de naissance de Marx DORMOY, Montluçon est une cité industrielle très active : le prolétariat ouvrier constitue la plus grande partie de la population ; le syndicalisme et le militantisme jouent un rôle déterminant. Jean DORMOY père de Marx, autodidacte, fréquente entre autres Jules GUESDE ou la famille LAFARGUE dont l’épouse est fille cadette de Karl MARX ; faut- il y voir l’origine du prénom attribué au jeune garçon ? J. Dormoy fut maire de Montluçon de 1892 à 1898, date de sa mort.

Même si la famille est pauvre surtout après le décès du père, le jeune Marx poursuit son apprentissage militant et politique, grâce surtout aux époux LAFARGUE chez lesquels avec sa sœur aînée il passe de nombreux séjours studieux. Devenu adulte il gagne sa vie par diverses activités parfois manuelles et surtout il milite activement à la section SFIO (1) de Montluçon dont il devient le secrétaire général en 1924 ; en 1920 il s’était illustré en combattant lors du congrès de Tours le léninisme et en en limitant l’impact dans le Bourbonnais.

Entre temps sa carrière politique a vraiment débuté : devenu conseiller d’arrondissement en décembre 1919, il parvient à s’élever petit à petit : maire en 1926, il occupe cette fonction jusqu’en 1940 : son action sociale pour sa ville est déterminante bien que parfois dirigiste ; élu député en 1931, réélu en 1932 et en 1936 puis sénateur en 1938. Le Front Populaire l’amène aux plus hautes fonctions : sous-secrétaire d’état à la présidence du conseil, il intervient lors des accords de Matignon ; après le suicide de Roger SALENGRO (17/11/36) il est nommé ministre de l’intérieur : débute alors la lutte contre les ligues factieuses. Or dès 1934 il avait dénoncé les “croix de feu” en en montrant les liens avec les forces des régimes fascistes, et il s’était détourné du “néo-socialisme” de DEAT. Le 16 mars 1937 éclate le drame de Clichy au cours duquel cinq militants (communistes, extrême gauche ?) sont tués par la police : ils manifestaient contre la présence du PSF (2). Mais Léon BLUM refuse sa démission après la découverte de provocateurs d’extrême droite dans le cortège de la CGT. Le 26 mai 1937 DORMOY provoque la révocation du maire de Saint-Denis Jacques DORIOT président du PPF (3) pour “flagrants délits de gestion” (BLUM), décret annulé peu après par le Conseil d’état … Entre temps Léon BLUM avait démissionné mais DORMOY avait conservé son ministère. De plus durant toute l’année 1937 plusieurs assassinats de personnalités importantes sont perpétrés : les services de la police reconnaîtront la main de “la cagoule” (4) instrumentalisée par les fascistes italiens ; mais surtout cette même “cagoule” prépare un coup d’état programmé pour la nuit du 15 au 16 novembre que déjoue l’efficacité de la police. Malgré des condamnations sévères, ” la cagoule” reste puissante, d’autant qu’elle a des ramifications dans l’armée dont on risque d’avoir besoin dans un contexte international inquiétant. Enfin alors que de nombreux réfugiés fuient les régimes fascistes, DORMOY essaie de mener une politique d’accueil humaine… tout en refusant les clandestins.

En janvier 1938 Dormoy quitte le gouvernement lors de la formation du quatrième gouvernement CHAUTEMPS. Les vingt-six jours au printemps du second gouvernement BLUM ne lui laissent pas le temps de réaliser quoi que ce soit ! Il est élu sénateur quelques mois plus tard ; ce retrait des plus hautes fonctions ne l’empêche pas de continuer à jouer un rôle important et de se faire entendre dans pas mal de domaines : on ne s’étonnera pas qu’il soit antimunichois comme la plupart des socialistes ; et qu’il dénonce en 1939 le pacte germano-soviétique sans pour autant en vouloir aux communistes Français ; enfin il s’inquiète de voir “la cagoule” redevenir toute puissante. En juin 1940, comme la plupart des hommes politiques français il ne tient pas en place pour essayer d’être le plus efficace possible : Montluçon, Paris, Bordeaux, le plus souvent en compagnie de BLUM. Et le 10 juillet il fait partie des quatre-vingts parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs à PETAIN à Vichy mais il prend conscience avec BLUM que la propagande de la droite les a rendus impopulaires et il sait ce qui l’attend. A partir de là tout va très vite : démis de ses fonctions de maire le 17 septembre il est arrêté le 25, transféré à Pellevoisin (36), au début de 1941, à Vals (07) puis à Montélimar (26) : c’est là que “la cagoule” sans doute l’attendait ! Les “collabos” jubilent et ne tolèrent même pas un enterrement “normal”. Les funérailles auront lieu en 1945 à Montluçon. Une fois de plus on avait privé l’état d’un homme valable ; la jeune IVème république allait le payer très cher.

Jean-Pierre SHIEP

(1) Section française de l’internationale ouvrière (PS) (1905-1969)

(2) Parti socialiste français (ex néo-socialiste, extrême droite)

(3) Parti populaire français (idem)

(4) Ligue factieuse