ROL TANGUY

105 page 12 Rol TanguyParis brûle-t-il ?

A partir du 20 août 1944 HITLER ne cesse de presser VON CHOLTIZT , gouverneur militaire du Reich à Paris , d’anéantir la ville ; mais le 25 le gouverneur capitule en présence entre autres de LECLERC , de DELMAS (CHABAN) et de TANGUY (ROL).

Né en 1908 à Brest Henri TANGUY appartient à un milieu assez modeste : père officier marinier dans “la royale” , mère blanchisseuse ; peu avant la grande guerre son père est affecté à Toulon où le jeune Henri passera quelques années heureuses : comme personne ne s’occupe de lui, il lui arrive de faire l’école buissonnière et de suivre l’armée dans son entraînement : déjà le goût des armes même s’il ne faut pas faire de TANGUY un excité de la gâchette ; les mutations du père amènent la famille à Brest puis à Cherbourg ; enfin en 1923 Henri suit sa mère et son frère à Paris à la suite peut-être d’une séparation conjugale. Le certificat d’études en poche Henri devient “apprenti métallo” pour rapporter de l’argent à la famille ; il découvre aussi le vélo et il gagne plusieurs critériums ; enfin il prend goût au militantisme ce qui lui amènera de nombreux ennuis professionnels ; dès les années 1930 après son service militaire en Algérie les grands traits de sa personnalité sont tracés : vélo, militantisme, et habileté dans le maniement des armes. Enfin en 1936 il devient permanent au syndicat des métaux. Il participe aux brigades internationales en Espagne en 1937 et 1938, avant tout sur le front de l’èbre où il voit mourir son compagnon Théo ROL ; avec un courage et un panache reconnus de tous il y apprend les techniques de la guerre . Sur ces entrefaites il épouse Cécile LE BIHAN militante tout aussi efficace que lui !

Dès le début de la guerre il est affecté dans le service de l’armurerie à Brest puis en Lorraine avant de rejoindre Rivesaltes ; il luttera jusqu’au bout ce qui lui vaut au moment de la démobilisation en aout 40 une citation à l’ordre du régiment :à aucun moment comme la plupart des militants communistes au combat il ne s’est posé la question de la validité du pacte Germano-Soviétique ; mais dès qu’il est démobilisé il doit entrer dans la clandestinité avec toute sa famille ; même s’il affirme après-coup le contraire, il a dû être assez dérouté, tout comme TILLON, par l’attitude des cadres du parti qui cherchaient auprès des allemands l’autorisation de faire reparaître “l’Huma” ! En juin 41 lorsque HITLER lance son opération contre l’URSS les communistes se sentent beaucoup plus à l’aise même s’ils hésitent à entrer dans la logique des attentats (cf. le film de COSTA-GAVRAS Section-Spéciale 1971). TANGUY endurci par la guerre d’Espagne n’a pas de ces états d’âme même s’il évite de faire couler inutilement le sang : en juillet lorsque se constituent les premiers TP (qui deviendront les FTP en 1942) sous la houlette de TILLON, TANGUY en fait partie : il est responsable militaire du FTP en région parisienne : il s’agit de perpétrer attentats et sabotages avec le maximum d’efficacité et le minimum de pertes ! Mais les arrestations et les exécutions sont nombreuses. A l’automne 42 le parti estime que TANGUY est “brûlé” à Paris ; et comme il est indispensable il passe au FTP de la région d’Angers et de Poitiers avant un retour à Paris au printemps 43 ; pendant toute cette période son épouse sert de contact avec son efficacité légendaire ; le vélo joue aussi un rôle primordial dans leurs déplacements d’autant que la gestapo ne s’en méfie pas ! Enfin à l’automne l’horizon politique de TANGUY s’élargit puisqu’il rejoint au “comité d’action contre la déportation” en lutte contre le STO le gaulliste LEO HAMON ; début 44 il est désigné par le FTP comme membre de l’état-major FFI de la région Parisienne ; à partir de ce moment -là les événements se précipitent : la Corse a été libérée par les alliés et les forces françaises libres en septembre 43 ; le débarquement en Normandie débute le 6 juin 44 ; le débarquement de Provence le 15 aout . Pour la Résistance la répression est encore plus dure mais la perspective de la libération motive la population ; à Paris la grève s’étend à partir du 15 août et l’insurrection se prépare sous la direction entre autres de (ROL) TANGUY et de (CHABAN) DELMAS. Les FFI parviennent à faire venir dans la capitale les alliés et bien évidemment les forces françaises libres sous la conduite de LECLERC .(un communiste , un radical-socialiste gaulliste et un ancien d’action-française ensemble !) ; le 25 aout c’est la reddition de CHOLTIZT. Au début de 1945 il est en Allemagne au P.C. de la première armée du général DE LATTRE DE TASSIGGNY et le 18 juin il est décoré (en France !) de la croix de la Libération par DE GAULLE.

Au lendemain de la guerre ROL TANGUY ne joue pas un grand rôle politique contrairement à TILLON par exemple : en 1947 il entre au cabinet militaire du ministre de la défense (MAROSELLI ?) ; jusqu’en 1962 date de sa retraite il conserve son titre de général. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette “traversée du désert” : pendant la guerre froide on se méfie des communistes surtout s’ils appartiennent à l’armée ; et d’un autre côté TANGUY qui a toujours gardé sa liberté de parole ne pouvait compter sur l’appui du PCF : en 1991 par exemple il signe la pétition de résistants interdisant à Marchais de présider l’hommage aux fusillés de Chateaubriand . Enfin l’homme était plus fait pour l’action que pour les méandres des cabinets politiques. Malgré sa modestie il a droit aux Invalides lors de son enterrement en 2002 et à un discours du président CHIRAC.

Jean-Pierre SHIEP