Zapatistas et voyage pour la vie

27 ans après le soulèvement …

Dessin de Posada

Le 1er janvier 1994, quelques milliers d’hommes et de femmes des peuples mayas pauvrement armé.e.s, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), occupaient plusieurs villes du Chiapas, état du sud du Mexique et déclaraient la guerre au gouvernement et à l’armée mexicaine :

Les zapatistes exigeaient la démocratie, la reconnaissance des peuples indigènes et de leur droit à l’autodétermination, la dignité, la justice, la liberté, des droits élémentaires pour les indigènes du Chiapas, pour tous les Mexicains et mexicaines, tels que le droit à la terre, à l’éducation, à la santé, à l’alimentation …

« Nous sommes le produit de 500 ans de lutte … mais aujourd’hui, nous disons : Ya Basta !Ça suffit ! »

Les indigènes se sont fait soldats pour qu’il n’y ait plus besoin de soldats. Ils ont enfilé un passe-montagne pour cacher leur visage et ainsi représenter tous les visages, les sans voix de toujours.

Des négociations de paix se sont conclues en 1996 par les accords de San Andrés, qui ont ensuite été bafoués par les gouvernements successifs.

Loin de se décourager, et avec une créativité toujours renouvelée, ils ont crée leur autonomie, sur la base de leurs us et coutumes, traditions constamment interrogées pour les rendre plus justes, notamment sur le droit des femmes.

En 2003, en créant les « caracoles » (escargots), sièges des Juntas de Buen Gobierno », conseils de bon gouvernement, les zapatistes renforcent leur organisation civile autonome qui reposent sur 3 niveaux : les juntas de buen gobierno, gèrent une région, les municipios un ensemble de communautés, puis les communautés.

Dans les 3 niveaux de l’autonomie, les décisions se prennent en assemblée, notamment celles de nommer des personnes qui auront des « cargos », des charges, ou responsabilités quant à  la gestion civile. Il existe un principe de rotation des charges. C’est à dire que tous et toutes peuvent être responsables, mais qu’ils ou elles ne font pas carrière dans l’exercice de leur mandat. D’ailleurs, le mot « charge » est très explicite. Dans les communautés, à peu près tout le monde est paysan.ne, et donner son temps pour le commun n’est en pratique pas une évidence. D’ailleurs, la communauté compense par son travail le temps que la personne en charge ne passe pas à ses cultures. Les personnes assument leur charge avec fierté, mais sont souvent soulagées de laisser leur place à leur voisin.

L’autonomie s’exerce dans tous les domaines : stratégie politique, gestion des communautés, municipalité et régions, mais aussi justice, éducation, santé, production.

Les zapatistes n’imposent pas un dogme ; chacun.e s’organise selon sa culture, sa géographie … mais ils proposent des principes qui se résument dans le « commander en obéissant ». Les porteurs de charges obéissent à celles et ceux qui la leur ont confié, à l’assemblée.

Les zapatistes ne se contentent pas de gérer leur autonomie sur leur territoire. Depuis 94, ils n’ont eu de cesse de lancer des appels à l’organisation de la nation mexicaine, indigène ou pas. C’est d’ailleurs à partir de leur convocation à un forum indigène, en 1996, qu’est né le Conseil National Indigène aujourd’hui présent dans tout le pays.

Et que ce soit au niveau national ou à l’international, les zapatistes s’adressent à tous et toutes, sans distinction de genre, de race, de classe, de culte … qui souffrent de l’« hydre capitaliste » et veulent s’organiser en bas à gauche pour la vie, pour un monde où tous les mondes aient leur place.

Ils et elles ont pris de nombreuses initiatives pour rencontrer les peuples bien au-delà de leurs frontières : la première étant « la rencontre intergalactique pour l’humanité et contre le néolibéralisme », en 96 et la dernière « le voyage pour la vie », lancée en octobre 2020.

Dans le communiqué intitulé La Traversée pour la Vie : Qu’allons-nous faire ?, de juin 2021, le Sup Galeano répond :

«   […] Face à la catastrophe capitaliste, le zapatisme propose-t-il un vieux-nouveau système social idyllique, qui nous fasse reproduire les impositions d’hégémonies et homogénéités devenues «bonnes»?

  Non. […]

  Alors, qu’allons-nous faire dans cette Traversée pour la Vie si nous n’aspirons pas à dicter des chemins, des routes, des destins? […]

  Eh bien, pour être honnête avec vous en tant que zapatistes que nous sommes : nous n’allons pas seulement confronter nos analyses et nos conclusions avec l’autre qui lutte et pense de manière critique.

  Nous venons pour remercier l’autre d’exister. Le remercier pour les enseignements que sa rébellion et sa résistance nous ont offerts. Pour livrer la fleur promise. Embrasser l’autre et lui dire à l’oreille qu’il n’est pas seule, seulx, seul. Lui murmurer que cela vaut la peine de résister, de lutter, de souffrir pour celles et ceux qui ne sont plus là, d’avoir la rage que le criminel soit impuni, de rêver d’un monde non pas parfait, mais meilleur : un monde sans peur.

  Et aussi, et surtout, nous allons chercher des complicités… pour la vie. »

Nous sommes toujours dans l’attente de la délégation zapatiste, en proie aux blocages administratifs et frontaliers. Mais de nombreuses rencontres se tiennent dans toute l’Europe pour que nos luttes contre un système destructeur se rencontrent et se nourrissent les unes des autres. Le voyage pour la vie a bel et bien commencé.

E.S

Pour plus d’information sur les zapatistes et le voyage pour la vie:

https://enlacezapatista.ezln.org.mx

https://espoirchiapas.blogspot.com

https://zapatista2021.lebib.org/

contact-coordsudouest@riseup.net (pour des infos sur ce que le sud-ouest organise / voyage)

https://www.helloasso.com/associations/une-montagne-en-haute-mer/collectes/la-route-pour-la-vie-2021 (campagne de financement participatif du voyage pour la vie)