Ohé les bisounours, va falloir atterrir !

Dessin de Kalié pour Confluences 81 (avril 2020)

Un dimanche pascal pas tout à fait comme les précédents, les médias bénis oui-oui ne se privent pas de vous le seriner…

Pâques au balcon …

Et sans doute ont-ils raison pour ce qui est de la météo ! Tous les soirs à 20 h sur les balcons des HLM on applaudit les soignantEs. « Ça fait chaud au cœur » et « ça met la larme à l’œil » rapportent ces derniers, tout attendris. Tiens, moi chocolatier (plutôt que de jeter la marchandise) je vais leur offrir des chocolats ! C’est de saison !

Profitant de la résurrection ambiante, le sieur Roux de Bézieux, ci-devant patron du MEDEF, appelle à bien intégrer la priorité des priorités : « relancer l’économie » dès la sortie du confinement, afin de rattraper le temps perdu… « Relancer » pas « reconstruire », encore moins « révolutionner » ! Propos à peine atténués le lundi de Pâques par l’un de ses lieutenants suite au coup de gueule du boss de la CFDT. (Si même lui s’y met ! …)

… et l’été au charbon ?

« Relancer l’économie ! » Pour ce faire, une seule solution (non, non, pas la révolution !) : redoubler d’efforts à peine le dé-confinement décidé. Mais qui doit « redoubler d’efforts » ? Qui est appelé à travailler les week-ends et les jours fériés ? Qui va voir ses temps de récupération supprimés ? Qui va faire une croix sur ses congés de l’été ? Et même pourquoi pas l’anticiper, ce dé-confinement, en relançant dès aujourd’hui la production ?

En contrepartie, quels efforts vont être demandés à nos élites ? La suspension du versement des dividendes aux actionnaires ? Attention, si cela se faisait, ce serait momentanément seulement !

Soyons clairs : qui est en première ligne dans ce combat contre le virus (pour reprendre la métaphore du Président Macron) ? Qui prend les plus gros risques pour nettoyer bureaux, hôpitaux et entreprises, pour décontaminer, soigner et retaper la santé de ceux qui ont le moins de chances d’être malades ? Quel bénéfice pour ces combattants de la première tranchée ? Leurs salaires vont-ils substantiellement augmenter ? Leurs conditions de travail miraculeusement s’améliorer ? Et pour qu’ils et elles puissent enfin souffler un peu, leur temps de travail va-t-il diminuer, les 30 heures hebdo, c’est pour quand ?

Soyons lucides, la guerre des classes n’est pas terminée !

Certes, tout le monde doit faire la guerre au virus, patron comme ouvrier, sénateur de gauche (qu’ès aco ?) comme député de droite. Mais ce « front républicain » où « droite », « gauche » et non « encartés », main dans la main pour monter à l’assaut du virus, ça ne sent pas un peu l’enfumage ? Attention, les bisounours crédules, va falloir redescendre dans la boue des tranchées de la réalité économique !

Et si l’on se refuse, par humanisme béat ou credo religieux (le « nous sommes tous frères ») à saisir l’occasion qui se présente d’en finir avec le capitalisme… celui-ci ne manquera pas de vous faire travailler toujours plus pour gagner encore moins, pour le plus grand bonheur des actionnaires et des boursicoteurs !

Marseille le 15 Mars 2020. PREMIER TOUR DES ELECTIONS MUNCIPALES Tag en lien entre la lutte sociale et le coronavirus

Qu’on se le répète, si dé-confiner, c’est continuer comme avant « en pire », alors laissons-les aller au charbon sans nous, on verra bien comment ils se débrouilleront !

« Tousse ensemble, crève générale !»

Candida Rouet

13/04/20

1 réflexion au sujet de « Ohé les bisounours, va falloir atterrir ! »

  1. – sur le fait que certains veulent en prio relancer l’économie telle quelle, comment aurait-pu-t-on s’attendre à autre chose ? Ils agissent selon leur paradigme et leur lecture du monde, comme chaque être vivant d’ailleurs…
    (et la population, sous quel paradigme vit-elle ?
    J’ai ma réponse : 1) nous sommes éduqués à la peur, nous sommes éduqués à trouver acceptable et “naturelle” l’existant, la hiérarchie et le rapport de domination/soumission (certains ont du pouvoir et décident, d’autre obéissent) ; nous sommes éduqués au sentiment d’impuissance, à la résignation, et au doute sur la valeur de nos opinions ; nous sommes éduqués, enfin, au schéma punition/récompense et à recevoir des avantages si nous devenons conformes, si nous acceptons, en fait, de nous renier, de nous soumettre (nous renier = nous intégrer comme un maillon concentant du système, lâcher ses aspirations et surtout ses actions personnelles pour un monde désirable ; récompense : un salaire et accéder à sécurité et à la jouissance matérielle promise par notre modèle de société matérialiste et marchande.) ; et 2) nous sommes flasques et endormis par un confort matériel qui nous rend inconscients car nous ne ressentons pas – ou pas assez – sensoriellement dans notre chair les injustices de ce monde contre la vie.)

    – sur la partie ” Tous les soirs à 20 h sur les balcons des HLM on applaudit les soignantEs. « Ça fait chaud au cœur » et « ça met la larme à l’œil » rapportent ces derniers, tout attendris. ”
    je suggère les propos de Juan Branco, extraits :

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    POLITIQUE, SOCIETE ET CREATION DE HEROS : le regard de Juan Branco, sur les gouvernants autoritaires qui n’ont pas un mot d’excuses sur leurs erreurs et nous demandent de rester obéissants et dociles, et par ailleurs divinisent et transforment en héros ceux qu’ils méprisaient jusque-là, et nous enjoignent à les suivre :

    « Qui héroïse ou divinise apprête au sacrifice. N’oubliez jamais cette constante que les grecs nous ont léguée.

    Une société saine est une société qui n’a besoin ni de sacrifices, ni de héros.

    Soyons sévères face à ceux qui nous poussent à admirer ceux que nous devrions simplement respecter et reconnaître – estimer. Ils ont le plus souvent quelque chose à cacher.

    Ces êtres ont besoin de moyens et de respect. De protection. D’un gouvernement compétent. Pas d’une bande de charlatans prétendant les diviniser en jouant sur des dispositifs que l’on devine déjà (parions sur la multiplication des décorations) pour masquer leur irresponsabilité.

    L’hôpital public, ses structures de direction (notamment le fonctionnement actuel donnant la primauté à des hauts fonctionnaires incompétents) doivent changer. Son financement doit évoluer. La sélection de notre personnel politique, centrée sur des réseaux affinitaires, évoluer.

    Craignez les bons sentiments en ce qu’ils ont systématiquement une fonction politique conservatrice. L’héroisation, le vocable guerrier, les dispositifs de spectacularisation comme les applaudissements à 20h ou les longs discours de remerciement cherchent à vous réifier.

    Toute société se cherchant des héros est une société dysfonctionnelle en quête d’aveuglement.

    L’instrumentalisation des “riens” et des soignants par le pouvoir actuel doit nous alerter.

    Qui héroïse ou divinise apprête au sacrifice. N’oubliez pas. »

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    POLITIQUE & MODES DE GOUVERNANCE : cette crise n’est déjà plus sanitaire. Elle est politique.

    Ce sont les modes de gouvernance qui tout à la fois représentent maintenant un danger, et sont “en danger” car leurs fonctionnements non intègres, leurs choix faits sur des critères inadaptés, sont mis en lumière plus que jamais.

    Sur les modes de gouvernance et les institutions qui créent la violence, tout est dit en 15 lignes par une page d’un ouvrage de Juan Branco : https://pbs.twimg.com/media/EVbVDW4XYAEgQzr?format=jpg&name=900×900

    « C’est bien le rôle du médiatique et du politique, en une société démocratique et libérale représentative, que de porter les intentions de la population. (…) Quand aucun outil institutionnel ne permet de porter une parole pourtant largement partagée, alors le principe de notre régime s’en voit affecté, et la violence naît. »

    Et justement je lisais dans un autre article les propos d’un représentant de l’ONU qui s’inquiétait de la tendance à la surveillance de masse présente dans beaucoup de pays via des lois, des décrets à la va-vite.

    Ce monsieur visiblement très inquiet disait : « Et les citoyens doivent utiliser tous les moyens dont ils disposent pour influencer à la fois les politiques et les lois qui les concernent ».

    Voeu pieu.

    En lisant cela en effet j’ai ri (jaune) : et l’on est censés faire quoi pour influencer ces lois qui nous concernent ? A part le vote d’un président par-ci et d’un maire par-là, quelles institutions sont prévues, quels systèmes de réflexion et de délibération sont prévus pour que nous nous exprimions sur les lois…?

    [ + Qu’est-ce qui a permis que cet état de fait s’installe ? (cf. premier paragraphe) + Qu’est-ce qui permettrait que nous modifions cela ? ]
    Armelle

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