“Liens entre le projet de barrage de Sivens et la société productiviste, nucléarisée, énergétivore”.  Conférence donnée au Testet, le 25 octobre 2014 :

Bonjour,

Si j’ai intitulé mon sujet « Liens entre le projet de barrage de Sivens et la société productiviste, nucléarisée, énergétivore », c’est que justement je vois des liens entre ce projet absurde qui nous réunit ici, aujourd’hui et la société de prédation, la société productiviste dans laquelle, bon gré mal gré, nous évoluons…

C’est ce que je vais essayer de vous prouver.

Ce projet de barrage réservoir n’a pas une vocation hydro-électrique. Par conséquent on pourrait me rétorquer qu’il est maladroit ou malhonnête de ma part de l’inscrire dans un processus de société énergétivore !

Pourtant, ce projet de barrage a quelques liens avec la société capitaliste-productiviste-consumériste-énergétivore-polluante-destructrice-prédatrice que je dénonce.

Avant d’expliquer ce que j’entends par société productiviste, prédatrice, destructrice… je vais l’illustrer par un exemple : le 14 octobre de cette année 2014, la Fédération Nationale des Travaux Publics organisait un rassemblement devant l’Assemblée Nationale à Paris et devant toutes les préfectures de France pour encourager l’État et les collectivités à investir dans des Travaux Publics sous prétexte que ces entreprises voient leur chiffre d’affaire en baisse de 25 % depuis 7 ans et ont du se séparer de 30 000 salarié-e-s. Pour leur faire plaisir, l’État et les Collectivités vont entreprendre des travaux, pas forcément nécessaires, pas forcément utiles (mais pour la plupart destructeurs et nuisibles), pour permettre à ces entreprises de s’enrichir et de maintenir des emplois. Je trouve qu’il serait plus simple de leur donner directement l’argent qu’ils réclament, sans passer par des travaux nuisibles et destructeurs… Puisque l’argent semble présent pour entreprendre ces travaux autant le leur donner !   

————–

On pourrait remonter à l’origine de l’organisation des sociétés humaines sédentarisées pour définir ce type d’organisation sociale.

Je vais juste faire référence au système qui se met en place à partir de ce que des économistes et des historiens ont appelé « Révolution Industrielle » dès le XIX ° siècle »… Révolution ou processus évolutif, cela nous importe peu…

Il s’agit en tout cas d’un système qui a un impact considérable en faisant passer des sociétés à dominance agraire et artisanale à des sociétés commerçantes et industrielles.

La société productiviste est une société de consommation. La consommation (que celle-ci soit destinée à combler des besoins essentiels ou à satisfaire des envies) nécessite des formes de production.

Parmi les formes de productions existantes, celle qui permet de centraliser entre les mains d’un petit nombre d’individus le maximum de richesses sera considérée comme la plus pertinente. Aussi, celles permettant le maximum de bénéfices seront privilégiées : c’est à dire, celles correspondantes à des organisations scientifiques du travail, théorisées et mises en pratique par exemple dans les abattoirs de Chicago (dès 1865), puis par Taylor (1880), ou Henry Ford (1908)…

Taylorisme : analyse détaillée et rigoureuse des modes et techniques de production (gestes, rythmes, cadences…) + établissement de la « meilleure façon » de produire (définir, délimiter et séquencer les tâches…) + fixation de conditions de rémunération plus motivantes pour les employé-e-s.

La production ainsi augmentée, il faut trouver des débouchés ! La publicité permettra de créer des envies… considérées comme de nouveaux besoins (notamment pour écouler les surplus produits) !

Pour certaines personnes, le productivisme va avec l’idée de progrès. Tout comme la productivité qui permet de produire le même nombre de produits, la même quantité de matière désirée dans un laps de temps plus court. Ces gains de productivité, c’est-à-dire cette disponibilité de temps permis par la technique et la rationalisation des tâches exécutées auraient pu être consacrés à du temps libre. Ce fut un peu le cas. Mais pas de façon proportionnelle aux gains obtenus.

Exemple : en 1880, 1 tisserand français produisait 15 à 18 mètres de tissus par jour. En 1903, il peut en produire 35 à 40 mètres. Soit le double. Est-ce que son salaire est multiplié par deux ? NON ! Est-ce que son temps de travail a été divisé par 2 ? NON ! Il produit + de biens, ce qui fait + de bénéfices pour l’entreprise et le patron. Ce qui fait + de produits disponibles sur le marché… Donc il faut développer la consommation pour vendre le surplus produit = le consumérisme ! Ce système est de fait producteur de gaspillages, mais aussi évidement de prédation des matières premières qu’il doit transformer pour produire des objets finis. Et je ne parle même pas des conditions sociales de travail !

Ce système productiviste et consumériste n’a été permis que grâce à 3 éléments principaux :

1)- la disponibilité en énergie (vent pour la marine à voile, bois, charbon, pétrole…)

2)- une main d’œuvre corvéable et exploitable

3)- l’absence de scrupule quant à l’exploitation des ressources naturelles, de la faune et de la flore. L’absence de scrupule quant à l’exploitation de la main d’œuvre !

Une anecdote qui illustrera ce système absurde : le calcul du Produit Intérieur brut (PIB) : qui est l’indicateur dans lequel apparaît la valeur totale de la production de richesses effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un territoire, si je me réfère à sa définition… Dans cet indicateur, on trouve aussi bien les rentrés d’argent liées aux accidents de la route, aux effets des catastrophes, aux produits des déboisements, à l’occupation des chambres d’hôpital, à la vente de médicaments, à la vente d’armes, à la vente de hamburgers Mc Do et de bouteilles de Coca-cola, ou de cercueils, la construction de prison comme celle de maternité, la consommation de kilowatts d’origine nucléaire comme ceux d’origine photovoltaïque, du gazoil et du vin, d’heures de télévision permettant le lessivage des cerveau ou les ventes de CD de Johnny Hallyday ou de Georges Brassens, tout comme les ventes des livres d’Eric Zemmour, de Piotr Kropotkin, de Michel Tarrier ou de Bernard Charbonneau… Bref tout ce qui s’échange contre de l’argent !

Pour résumer, le productivisme laisse penser que l’accumulation des biens matériels contribue à accroître le bonheur. Il tente de faire des parallèles entre croissance et développement ; changement et progrès ; consommation et niveau de vie.

Pour simplifier, ce système est la recherche du maximum de productivité et de profits à tout prix !

Si pour Marx ou d’autres, la production a pour but la satisfaction des besoins des humains, on voit bien que le productivisme se moque des besoins des humains ! Ce système est à la recherche des profits maximum… qu’importent alors, pour lui, les conséquences ! Ce système pose la production, et la consommation, donc l’économisme, comme finalité de l’humanité.

L’économie n’est plus l’activité consistant à produire, échanger, distribuer… mais elle devient l’entité pour laquelle toute la nature (et donc les humains aussi) devient marchandable, échangeable, exploitable, destructible, saignable… pour les profits de quelques-uns…

En plus d’avoir des conséquences écologiques et sociales, le productivisme a une conséquence « anthropologique » ! Il déstructure l’humain. Il en fait tantôt un producteur stakhanoviste, tantôt un consommateur insatiable. Avec tous les conflits qui découleront de la domination de ce système sur d’autres, plus respectueux, tournés vers le respect de la nature, des écosystèmes, des ressources, des générations futures… et présentes !
Le système productiviste est obligé de se protéger par des forces armées.


Dans ce type de système sociétal, l’individu n’a de place que si il est producteur ou consommateur, ou les 2 à la fois ! Alors que pour les anti-productivistes l’autolimitation de la consommation est nécessaire et urgente et l’être humain ne doit pas se limiter à sa composante économique.

Selon la théorie de la Consommation (ou de la Rivalité) Ostentatoire développée par Thorstein Veblen (1857-1929 USA), consommer ne vise plus à satisfaire des besoins élémentaires, mais des envies, des désirs, des pulsions (savamment entretenues par la pub et la société du spectacle). Chaque classe sociale ou groupes d’individus veut avoir accès aux mêmes possibilités que le groupe social qui lui est économiquement et socialement supérieur… Course à la surenchère… au gaspillage, au pillage des ressources.

Ainsi, un chercheur en Anthropologie comme Timothy Jones estime que dans les pays riches 50 % de la production alimentaire se retrouvent dans les poubelles. Ces produits alimentaires ont nécessité environ 25 % de l’eau consommée ainsi que 300 millions de barils de pétrole pour les seuls États Unis !

Une étude britannique récente estime que si le Royaume Uni met un terme au gaspillage alimentaire (emballage compris), il évitera la production de 15 millions de tonnes de dioxyde de carbone (un des gaz à effet de serre) par an. 

Nous vivons une ère d’accélération du changement climatique, nous subissons une crise énergétique, les écosystèmes souffrent, les ressources naturelles s’épuisent, la sur-pêche menace les animaux aquatiques, la plupart des grands mammifères disparaissent, l’air est presque partout vicié, les eaux et les sols sont contaminés, la déforestation est bien réelle, la désertification aussi… À croire que les décideurs ont envie de voir de leurs yeux la catastrophe finale !

Il faudra bien un jour s’affranchir de l’impérialisme économique. Qu’on l’appelle capitaliste ou autre…

Au lieu de regarder de façon systémique, c’est-à-dire dans la globalité du système ce qui ne fonctionne pas, on va tenter de résorber les problèmes par touches ponctuelles : aux problèmes de faim dans le monde, des ingénieurs vont prétendre que les OGM apporteront la réponse. Aux problèmes d’énergie, le système va dire qu’il faut encore plus de centrales nucléaires, de barrages Hydro-électriques en Amazonie ou sur le Yian-Tseu-Kiang… aux problèmes de mortalité infantile on va encourager les natalités ou les vaccins… Sans oser regarder en face que la faim dans le monde est liée à un système de spéculation, de distribution, de propriétés privées, d’accès aux ressources et de pénuries organisées… Aux problèmes d’énergie on n’osera pas regarder le fait qu’on est encouragé à la gaspiller sans réfléchir aux besoins réels (produire des salades en Hollande pour les faire venir en Italie alors qu’en même temps des salades d’Italie sont consommées au Danemark)… Et à la mortalité infantile, la santé des mères ne sera pas prise en considération, ni l’état de délabrement des maternités ou la présence de maladies endémiques que nous avons les moyens d’éradiquer mais qui servent au système…

Pour lutter contre la pauvreté, certains s’en prennent aux pauvres, pour lutter contre le proxénétisme, on s’en prendra aux prostituées : c’est le même principe !

Leurs erreurs vont inévitablement entraîner d’autres maux, d’autres problèmes. Pas de soucis : une commission d’experts sera mandatée afin d’apporter une solution pour essayer d’apporter une fausse solution : à tel endroit on assèche les marais pour construire des habitations : ainsi on détruit les lieux de ponte des batraciens. Et on s’aperçoit que la zone devient grouillantes de moustiques : on pulvérise par avion des insecticides… on cause des allergies respiratoires… et on développe de nouveaux médicaments pour aider les bronches à s’adapter, tout en testant de nouveaux produits moins toxiques pour les bronches ! Et de fait la croissance et le PIB se gonflent ! Et des emplois sont assurés !

Certains pensent, ou donnent l’impression de penser, qu’on peut continuer à produire en s’affranchissant des contraintes physiques de la nature… ce qu’on nomme « la donne écologique ».

Si les élites, les décideurs, les entrepreneurs admettent l’erreur du système productiviste qui les nourrit, ils admettent de fait leurs propres erreurs, leurs responsabilités et ainsi leur inutilité (ou leur dangerosité). De fait, ils sont obligés de continuer de foncer droit dans le mur… À moins que nous ne décidions de nous passer d’eux et d’auto-organiser la société dans le respect des écosystèmes dans lesquels nous devons savoir reprendre une place la moins nuisible possible ! Transition ou Révolution… Faudrait s’y mettre au lieu de repousser…

Les liens que je vois entre ce système et ce projet de barrage :

– Le système productiviste mène une artificialisation du monde : notamment par la modification de l’aspect naturel, par l’aménagement anthropique, mais aussi et surtout par le bétonnage et le bitume… On considère qu’en France, chaque heure, 10 ha de terres agricole ou forestières sont artificialisées. Soit l’équivalent de la surface d’un département moyen tous les 8 ans !

Ce barrage s’inscrit dans cette artificialisation de la nature.

– Le système productiviste veut donner l’impression qu’il se préoccupe d’écologie en récupérant ses thématiques. Par exemple, il artificialise la nature et en échange propose de créer des zones de compensation écologiques hors-sol ! (Depuis la loi sur la Nature de 1976, les destructions sont admises et reconnues mais il faut en échange de ces destructions et de ces pillages réparer ailleurs les erreurs et abomination commises ici !) Les technocrates et autres hypocrites veulent nous faire croire qu’ils sont en capacité de recréer des biotopes pour « compenser » ceux qu’ils ont détruit !

Ce barrage s’inscrit dans ce déni des réalités écologiques.

– Le système productiviste et capitaliste est un système globalisant : tout doit pouvoir à un moment ou à un autre appartenir à quelqu’un et devenir marchand afin de créer de la « richesse » comptable, capitalisable.

Ce barrage s’inscrit dans une globalisation de l’espace privatisé. – Le système productiviste est croissanciste. Il court derrière une croissance économique qui ne correspond qu’à des indices économiques et non pas à des besoins. Une pensée magique entretient le dogme que la croissance a la vertu de créer des emplois et du bonheur collectif. Suivant les théories de John Keynes et de Roosvlet, en période de crise, il est important que les collectivités investissent dans de grands travaux d’infrastructures pour maintenir des emplois !… Et en ces temps où de nombreuses personnes se retrouvent stigmatisées parce que au chômage, je serai mal venu de les écarter de la course au pouvoir d’achat et de la participation à croissance de la consommation ! Ainsi on voit une prolifération de projets inutiles et nuisibles : aéroports de NDDL, lignes Grande Vitesse Limoges-Poitiers, LGV Bordeaux-Tours, LGV Bordeaux-Toulouse, LGV Turin-Lyon, un hyper-incinérateur en Charente Maritime, un Stade de foot à Lyon, des centrales Nucléaires EPR (réacteur à eau pressurisée) dans la Manche à Flamanville ou à Penly en Seine Maritime, des projets totalement mégalo tels que le surgénérateur ASTRID à Marcoule (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration prototype de réacteur rapide refroidi au sodium du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives sur le site nucléaire de Marcoule. Suite aux réacteurs expérimentaux Rapsodie, Phénix et Superphénix. Le CEA a pour ambition de permettre d’évaluer la capacité des réacteurs à neutrons rapides à incinérer les isotopes du plutonium), ITER à Cadarache dans les Bouches du Rhône (Réacteur thermonucléaire expérimental international. Machine expérimentale visant à démontrer la faisabilité d’un réacteur nucléaire utilisant le principe de la fusion.), un centre d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure, des projets d’autoroutes Marseille-Grenoble, Castres-Toulouse, des Lignes THT dans l’Ouest de la France, des projets de méga-hypermarchés (tel les Porte de Gascogne en région toulousaine…), de zones commerciales inutiles (Portes du Tarn…), ferme des 1000 vaches à Ramery… j’en oublie forcément…

Ce barrage s’inscrit dans cette vision croissanciste de l’économie.

– Le système productiviste est élitiste et anti-démocratique : des élu-e-s politiques sont sollicités par des « porteurs de projets », des technocrates et des chefs d’entreprises qui ont besoin de travaux pour faire des bénéfices ! Les Enquêtes publiques et autres consultations citoyennes sont là (et encore pas toujours) pour tenter de donner une coloration démocratique à des décisions qui sont prises au sein de sphères où le peuple n’a pas son mot à dire ! TOUS ces projets soulèvent de l’indignation populaire À LAQUELLE LES POUVOIRS EN PLACE RÉPONDENT PAR LE MÉPRIS OU LA VIOLENCE !

Ce barrage s’inscrit dans l’opacité et le déni démocratique.

– Le système productiviste est « scientiste » : il veut nous persuader que la science est forcément du côté du bien et que s’opposer aux projets apportant un prétendu progrès est de l’obscurantisme ! Ainsi s’impose la parole d’experts qui prétendent savoir !

Ce barrage s’inscrit dans une vision scientiste de la société.

– le système productiviste vise la privatisation de l’espace public. Les biens communs, les biens publics sont gérés ou le deviennent par des entreprises privées ! L’eau, bien commun par excellence, est gérée par des entreprises privées.

 Ce barrage s’inscrit bien dans la privatisation des biens communs. 

Oui, ce barrage correspond à cette société productiviste-énergétivore que je dénonce :

– toujours plus d’eau pour produire toujours plus de maïs (plante qui n’est pas adaptée ni à ce climat, ni à nos besoins)

– toujours plus d’argent public pour une agriculture inadaptée et vivant sous perfusions subventionnées

– toujours plus d’eau pour refroidir les réacteurs de Golfech

– toujours + d’eau pour diluer les pollutions au lieu d’éviter de produire ces pollutions

– et probablement toujours plus de détournements d’argent public pour des intérêts privés…

Dans son utilisation même, ce barrage s’inscrit dans ce système : sa raison d’être est la preuve de l’incapacité de la société à vivre au sein de son environnement sans chercher à tout prix à le modifier au profit de quelques-uns.

  • l’agriculture destinée à bénéficier de cette eau stockée est une agriculture qui a apporté les preuves de ses nuisances. Tant écologique (utilisation de pesticides, d’intrants de synthèse, utilisation de matériels lourds abîmant les sols…), qu’économique et sociale (élimination progressive des petits paysans).
  • le soutien au débit d’étiage. En hydrologie, l’étiage est la période de l’année où le niveau d’un cours d’eau atteint son point le plus bas (basses eaux). Souvent du à une forte sécheresse prolongée, qui peut être aggravée par les pompages agricoles pour l’irrigation. De plus, lors de la période d’étiage, les pollutions peuvent être + importantes à cause des polluants qui se retrouvent concentrés dans moins d’eau ! Le manque d’oxygène est aussi un des risques lors de la période d’étiage, certaines espèces y sont sensibles…

Au lieu de réfléchir à éviter les pollutions, les technocrates, les décideurs politiques et les ingénieurs choisissent des solutions techniques : comme les centrales d’épuration ou les barrage pour soutien d’étiage !  

Lien possible avec la centrale nucléaire de Golfech :

Les 2 réacteurs de la centrale nucléaire de Golfech prélèvent dans la Garonne environ 220 millions de m3 par an et leurs tours de refroidissement en évaporent 40 millions de m3.
Les centrales nucléaires et l’irrigation des grandes cultures (maïs principalement) entraînent ainsi la diminution de la ressource en eau des bassins versants.

Ce barrage du Testet est prévu pour stocker 1,5 million de m3 d’eau.

Selon certaines sources, ces 1,5 millions de m3 d’eau permettraient d’assurer entre 3 et 5 jours d’alimentation à la centrale nucléaire de Golfech.

Pour l’étiage total, Edf prétend que 5 m3/s permettent de mettre en sécurité le refroidissement des 2 réacteurs arrêtés (5 m3/s  x  3600 s  x 24 h = 432 000 m3/jour. Selon ce calcul, les 1,5 millions de m3 de réserve de Sivens permettraient 3 jours ½ de sécurité… (et je cite mes amis Marc Saint-Aroman et Henry Chevalier « (…) quand une catastrophe est imminente ce talon de flotte reste un atout majeur ! (…) »

Si on replace de façon + globale ce barrage dans l’organisation du bassin Adour-Garonne, on s’aperçoit qu’il rajoute ses 1,5 million de m3 au 78 millions de m3 de capacité stockable sur la Garonne en amont de Golfech… Ce qui n’est pas négligeable…

On peut et on doit continuer à espérer : assez proche de nous, 2 projets de grands barrages ont été annulés… En 1988, celui proche de Vabre qui aurait noyé 3 hameaux, (60 millions de m3) sur le Gijou et celui de Laurélie sur le Viaur (50 millions de m3)… 

Ce ne sont pas les ZAD qui manquent ! Puisque la Terre elle-même est une ZAD ! Pour finir, un petit clin d’œil à Ivan Illich (1926-2002 Autriche), avec un de ses propos lu dans son ouvrage « La Convivialité » (1973) : Ivan Illich est  l’inventeur du concept de monopole radical (lorsqu’un moyen technique est ou semble trop efficace, il crée un monopole et empêche l’accès aux moyens plus lents, comme les autoroutes vis-à-vis de la marche à pied par exemple).

« (…) Au stade avancé de la production de masse, la société produit sa propre destruction. La nature est dénaturée. L’humain déraciné (…) ».

Parfois, même les technocrates admettent :

Dominique Dront & Michel Cohen de Laran (de la Cellule de prospective et stratégie) dans un rapport remis au gouvernement en 1995, intitulé « Pour une politique soutenable des transports » estiment que dire que des entreprises vont venir s’installer ou se créer dans les zones traversées par de nouvelles « infrastructures routières relèvent plus du slogan que de la réalité » ! Cette folie des grandeurs semble pourtant participer des mêmes recettes qui nous ont mené dans les impasses dans lesquelles se trouve le système

“Castanhas é vi novel” a PechLaurens. . . dins lo Tarn !

Bonjour à tous,

Ce mercredi à partir de 17 h 45, toujours sous la halle de l’église, nous vous proposons un marché un peu spécial avec des châtaignes grillées et aussi du vin nouveau proposé par un producteur qui nous rejoint : “Les Vignes des Garbasses“. Ils reviendront régulièrement sur le marché pour vous proposer leurs vins locaux et de qualité.

Nos producteurs seront, bien sur, aussi de la partie et vous proposeront leurs produits comme d’habitude. Ils seront là pour passer avec vous un moment en toute convivialité.

Nous vous attendrons nombreuses et nombreux.

  • Un goût de Cocagne est une association de consommateurs et de producteurs locaux dans le Tarn.

Projet de Territoire pour le Bassin Versant du Tescou

(publié Confluences 81, n° de janvier 201Suite à l’abandon du projet de barrage à Sivens et à la signature du protocole transactionnel entre l’État et le Conseil départemental, le 24 décembre 2015, il s’en suit que tout nouveau projet devra se conformer avec l’instruction ministérielle du 4 juin 2015. Celle-ci conditionne la participation financière de l’agence de l’eau à la
mise en oeuvre d’un projet de territoire.
L’historique des événements ainsi que la mise en place de ce projet de territoire sont à consulter sur le site du Collectif Testet http://www.collectif-testet.org/
Devant le gâchis dramatique, humain, écologique et économique, dans le contexte d’un territoire traversé par une grave fracture démocratique, que pouvions-nous faire pour créer les conditions “du plus jamais ça”
Il fallait, et il faut toujours, rappeler ce qui s’est passé. Ne rien lâcher sur le refus des projets nuisibles fomentés par les lobbies financiers, ne rien lâcher sur la dénonciation des violences policières d’État.
Cette dénonciation doit s’accompagner des chemins de l’alternative, de la construction partagée. Parce que les habitants veulent retrouver un territoire où l’on se parle, parce que la seule façon d’échapper à la logique des marchés financiers et des volontés imposées par le pouvoir centraliste est de s’organiser pour décider ensemble, sur le territoire, de ce que qui est le meilleur pour nous.
Alors, oui, nous avons saisi l’occasion de travailler à cette sortie par le haut, de participer.
Nous n’ignorons pas le risque de cautionner un projet laissant la porte ouverte à la reproduction de ce que nous avons combattu et nous conditionnons notre engagement à l’obtention de garanties sur les domaines cruciaux.
Nous le faisons de façon organisée, dans un groupe rassemblant des adhérents du
Collectif Testet, de la Confédération Paysanne, de France Nature Environnement 82, de l’UPNET (Union de protection de la nature et de l’environnement du Tarn), de Nature et Progrès Tarn qui formulent des exigences communes.
Nous participons parce que c’est dans le débat que nous avons les meilleurs atouts pour faire évoluer les pratiques.
Sans présager de la fin du projet nous avons obtenu une réponse positive aux pré requis concernant la ré-attribution de terres à l’usage des agriculteurs, même s’il faut rester vigilants sur la mise en œuvre effective des engagements du Conseil départemental.
Nous avons obtenu aussi qu’un collège de citoyens tirés au sort sur le territoire soit
associé à ce projet. La concrétisation ne s’est pas vraiment faite comme nous l’aurions souhaité, mais il s’agit tout de même d’un pas engagé pour rompre avec les pratiques de décisions en cercles fermés, pour associer des habitants aux décisions qui les concernent. Le bilan du collège citoyen est disponible sur http://www.collectif-testet.org/
Au moment d’écrire cet article nous sommes dans une période charnière. Un document d’étape nommé “charte préalable au projet stratégique du territoire du bassin versant du Tescou” , qui reprend les points négociés depuis le début du processus, est soumis à la signature des participants. La co-construction doit se poursuivre avec ceux qui se seront engagés jusqu’à la rédaction du projet de territoire en juin 2018.
Le dilemme se pose toujours entre participer au risque de cautionner une manipulation ou rester à l’écart en laissant le champ libre pour la construction du barrage-bis déjà voté par le Conseil départemental.
A la différence près que nous disposons des enseignements de la phase passée.
Le texte d’étape de décembre 2017 se présente parfois comme un catalogue juxtaposant les demandes des un et des autres, ce qui laisse ouvertes les craintes sur la suite qui sera donnée par les décideurs, au vu de pratiques passées.
Cependant nous avons obtenu par notre action coordonnée qu’on y retrouve des perspectives intéressantes pour faire évoluer les pratiques agricoles et, surtout, des orientations claires sur des domaines clés:

  • que les données objectives sur la consommation d’eau soient partagées et jointes à la « charte préalable au projet stratégique du territoire du bassin versant du Tescou »
  • que la mise en oeuvre d’une retenue ne soit envisagée que : “En cas de réponse insuffisante aux besoins par les autres solutions ”eau” envisagées”,
  • que la gouvernance du projet de territoire ne soit pas imposée par les élus mais coconstruite au même titre que les autres points afférents au projet de territoire.
    En ce début de mois de décembre 2017 les organisations participantes délibèrent pour savoir si elles signeront le document d’étape à l’échéance du 21 décembre.

Jean BOURDONCLE

Café Débat avec la Conf’ Transmission / Installation :

L’ADEART et la Confédération paysanne du Tarn, vous invitent à venir participer à un café paysan Transmission-Installation :

– le Vendredi 8 novembre 2024 aux Jardins de Midgard à Peyregoux.

L’après-midi débutera à 16 heures par la visite de la ferme, un exemple d’installation de quatre entreprises sur une ferme (maraîchage, paysan boulanger, brasseur et conserverie de légumes).

Nous poursuivrons à partir de 17 h par les témoignages des nouveaux installés sur cette ferme, mais aussi de Bastien Burel, éleveur de brebis installé à Vindrac-Alayrac. Les cédants des deux fermes concernées témoigneront également.

Dans un contexte agricole de départs massifs à la retraite dans les années à venir et de reprise complexe, du fait de l’agrandissement démesuré de certaines fermes, le sujet central du débat sera :

– Quels leviers, outils et savoir-faire, à mettre en œuvre pour installer des fermes paysannes ?

L’association Terre de Liens sera présente pour alimenter ce débat, et l’ADEART témoignera de son accompagnement, à travers l’exemple de la restructuration.

Cédants, paysans, futurs installés, élus, citoyens, venez partager ce moment convivial d’échanges, poser vos questions, apporter vos expériences et découvrir celles des autres.

Nous finirons par un apéro paysan.

Comptant sur votre présence nombreuse,

Les co-porte-paroles de la Confédération Paysanne

Sandrine MIOT et Jérôme CARAYOL

Café Jean Jaurès à Castres : programmation de novembre :

Hello à tous, voici déjà la prog de Novembre et elle est bien chargée, et elle commence même dés jeudi, certes c’est encore octobre.

Notez bien que nous serons fermés exceptionnellement le 1er Novembre.

Le bar fêtera aussi ses 6 ans ce mois ci et y’en a pour tous les goûts.

Rock Métal Elektro et Jazz au programme.

A très bientôt avec Gérald Manu Mimi et Marie Lou au Café Jean Jaurès

DOSSIER “SIVENS”, publié dans “Rouge et Vert” n° 384, novembre 2014 :

Publié le samedi, 21 février 2015 sur le blog de Confluences 81

Depuis plusieurs années, Les Alternatifs 81-12 suivent attentivement le dossier du projet de barrage de SIVENS.Depuis quelques mois les évènements se sont accélérés ouvrant vers une médiatisation de cette lutte.
La mort tragique d’un jeune manifestant, le jour où une « marche nationale de réappropriation des lieux » était organisée, donne une autre dimension et à la lutte et au dossier.
Mensonges à tous les étages, petits arrangements entre amis, dossier d’enquête publique mal ficelé, projets alternatifs non pris en compte, faiblesses du montage financier, interrogations sur la destination réelle de l’ouvrage, sont quelques uns des points forts qui sont à présent dans le débat public et auxquels personne ne peut plus échapper, ni les pouvoirs publics, ni les commanditaires. A cela s’ajoutent, outre la question des violences policières, celles de la démocratie dans la prise de décision, celles de l’agriculture pour demain, de l’aménagement du territoire. Questions qui sont au cœur des problématiques que portent Les Alternatifs. Nous avons choisi de donner la parole en priorité à des acteurs de cette lutte multiforme. Nous ne traitons pas de tout : la place manquerait. Tous ne sont pas là, mais celles et ceux qui interviennent dans ce dossier ont des faits à rapporter, des premières analyses à donner, des convictions à défendre.

Les Alternatifs 81-12

Chronique d’une mort annoncée ! Edito

On vous l’avait pourtant bien dit ! Et même seriné depuis plus d’un mois !
Toute personne passant quelques heures sur le Testet pouvait le sentir de façon très sensible. Il suffisait d’ouvrir les yeux (et les oreilles !) pour comprendre que les brutalités et les insultes des forces dites de l’ordre annonçaient que l’irréparable arrivait au galop.
Mais la volonté de ne rien voir ni entendre – et encore moins celle d’écouter – des chefaillons politiques Tarnais, trop obnubilés par leurs intérêts, confondus sciemment avec ceux de leurs petits copains (coquins ?) indiquait clairement, par delà la destruction de la dernière zone humide du département, celle des hommes, des femmes et de tous ces jeunes zadistes qui se sont levés pour empêcher ce massacre.
Jusqu’à l’entêtement « relativement stupide et bête » ! Jusqu’à susciter les violences policières ! Jusqu’à la mort ? Oui, jusqu’à la mort, celle d’un gamin spécialiste des renoncules !
La mort, conséquence ultime de la politique du passage en force, du refus de débattre et de remettre en question ses certitudes et ses méthodes de voyous, dans le mépris le plus total de la démocratie. Laquelle, faut-il le rappeler, s’incarne dans une charte intitulée « Citoyenneté et Démocratie Participative » et adoptée par le Conseil Général du Tarn il n’y a guère plus de 3 ans : mais le chemin est long des paroles (voire des écrits) aux actes !
Souhaitons que ce mépris des citoyens et des jeunes, vite qualifiés de « casseurs » (à remarquer qu’ils sont toujours d’extrême gauche et jamais d’extrême droite !) ne se développe pas sur les autres ZAD !
Jusqu’à l’élimination physique !
On peut en douter. En effet ce « modèle » de société dans laquelle nous vivons est à bout de souffle et n’a d’autre issue que la violence institutionnelle pour imposer au plus grand nombre ses projets néfastes. Ne peut-on hélas s’attendre à d’autres victimes, à Notre Dame des Landes ou ailleurs ?

Candida Rouet

A SIVENS, Rémi est mort

C’est peu dire que je suis bouleversé par les dernières nouvelles, même si rien ne permet, pour l’heure, de savoir de quoi Rémi est mort. Il reste que sur un lieu de confrontation, de manifestation, d’opposition… on a retrouvé à 2 heures matin le corps d’un homme. Cela devrait ramener à de plus justes proportions l’envie des uns et des autres de se faire un nom dans l’histoire des grands projets locaux, ou des bénéfices engrangés. La mort, en définitive, est la seule vraie réalité, puisqu’elle nous attend tous, a pris nos aïeux, prendra nos enfants. En cela elle a quelque chose d’une profondeur sans borne, dans cette césure totale qu’elle nous infligera tôt ou tard, les infinies douleurs qu’elle nous inflige déjà. Car c’est à sa mesure qu’il faut évaluer ce après quoi nous courons. Nous passerons tous, le monde demeurera à jamais, infiniment plus fort que nous. Ceux qui veulent édifier des barrages ici, des empires là, ne sont rien et ne laisseront rien. Ceux qui se seront contentés de rappeler aux premiers que nous sommes solidaires, tous passagers d’un même vaisseau, soudés les uns les autres, quelque conscience que nous en ayons… laisseront au fond de nos cœurs le rappel et la gratitude d’être des frères et sœurs, enfants d’un même tourbillonnant et insondable mystère dont nous faisons partie, et qui nous emporte, au-delà de nos vies misérables, dans l’immense communion de tout.
A bientôt, le cœur lourd,

Jérôme VIALARET

Intervention de Rémy SERRE  au rassemblement contre le barrage,
le 25 octobre 2014 dans le Tarn

Rémy Serre,
Paysan, éleveur de brebis, fondateur de la « 4acg » (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre), milite pour une agriculture raisonnable et respectant l’écologie. A 77 ans il se soucie avant tout du devenir des futurs paysans

Depuis que la bataille du Testet a commencé, plein de questions m’interrogent.
D’abord, ces 40 hectares de terres qui vont disparaître sous l’eau.
40 hectares de très bonne terre, des terres d’alluvions qui pourraient faire de très beaux jardins…
A la vue de cette vallée, je dirais simplement que sur ce terrain nous pourrions installer une
vingtaine de maraîchers qui à eux seuls nourriraient la ville de Gaillac et même plus.
Noyer cette vallée est un crime. Nos enfants nous le reprocheront…
Je reviendrai tout à l’heure sur l’agriculture mais je voulais parler aussi de cette violence que les gendarmes emploient contre depuis début septembre.
Entre nous, ils ont l’air plus à l’aise sur le bitume que dans les champs ou les forêts. Mais, les coquins ils s’adaptent très vite : quand ils courent avec leurs bottes jusqu’aux genoux, on dirait des pingouins !!
Plus sérieusement, ces gens là me font peur. Moi même, j’ai été plaqué au sol pendant un certain temps.
Et pour que je ne parte pas, un de ces costumés a été désigné pour me garder.
Personnellement, je n’avais pas tellement envie d’engager la conversation mais au bout d’un moment, c’est lui qui se met à parler. « Je vais quitter ce métier » me dit-il. Me voyant étonné, il poursuit : « On nous demande de faire des actes de plus en plus durs, je veux partir ».
Mais rassurez-vous !!! Il va en rester !! J’ai rencontré aussi ce chef qui m’empêchait de passer et qui, lui, n’est pas prêt de partir !! Je lui ai dit que nous ne sommes pas des brigands, que nous défendons la nature. Et il me répond : « Nous sommes ici pour faire respecter l’ordre er nous sommes aux ORDRES ».
Quand ce chef m’a dit « nous sommes aux ordres », je suis revenu 50 ans en arrière : c’était la guerre d’Algérie. Nos chefs étaient aux ordres et quels ordres !! Tuer, torturer, brûler, violer : ils étaient aux ordres…. !
Le temps a passé mais les ordres sont toujours les ordres et si demain ces messieurs ont l’ordre de nous tirer dessus avec des balles réelles, cela fera plus mal que les balles de caoutchouc.
D’autant plus que ces gens là n’ont pas le droit de réfléchir. A la guerre, on nous disait : chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir.
Et tout cela m’aide à comprendre comment pendant la guerre de 45 la police a pu faire des rafles des indésirables : ils étaient aux ordres.
Revenons à l’agriculture. Si nous continuons à cette cadence à détruire de la terre agricole pour faire des golfs, des autoroutes, des barrages, des zones industrielles, dans 100 ans, cette terre agricole aura disparu. Car tous les 7 ans, l’équivalent d’un département français est volé à l’agriculture.
Et d’ailleurs, aujourd’hui, pourquoi veulent-ils ce barrage ?
La réponse n’est pas très claire.
La plus vraisemblable serait pour arroser le maïs et faire quelques quintaux de plus à l’hectare.
Faut-il faire plus de rendement : les derniers quintaux sont toujours les plus chers et les plus polluants.
Et puis, faut-il faire plus de maïs ? Nous faisons déjà trop de maïs, trop de céréales. Nous les exportons et ainsi nous ruinons les paysans de ces pays. Comment ces paysans pourraient-ils lutter contre nos prix ? Comment pourraient-ils lutter contre notre agriculture subventionnée et mécanisée ?
Les paysans sont donc obligés de quitter leurs fermes et vont souvent grossir les bidonvilles.
Revenons au barrage.
De tout temps ou du moins du temps que je me souvienne, les paysans n’ont pas attendu que les conseillers généraux leur disent qu’il fallait stocker l’eau : ils faisaient des citernes et des marres.
Alors messieurs les petits technocrates, laissez nous avec notre sagesse et notre savoir faire.
Nous sommes assez grands pour savoir ce que nous devons faire.
Et si nous nous réunissions, les paysans de la vallée du Tescou et décidions ensemble si nous avons besoin de retenues d’eau collectives ou individuelles.
Mais que l’on ne vienne pas d’Albi, de Paris ou de Bruxelles pour nous dire ce que nous devons faire.
A travers le refus de ce barrage, nous disons aussi non à cette agriculture productiviste. Cette agriculture qui nous interroge sur plusieurs points :
A partir des années 1960, la France agricole avait assez de denrées : légumes, céréales, lait, fruits, viandes pour nourrir ses habitants.
Pourquoi nous n’en serions pas restés à ce stade : les paysans étaient nombreux, les fermes étaient moyennes, pas trop polluantes. Nous ne vivions pas trop mal sans prime ni subvention.
Alors pourquoi cette marche en avant a continué : tout simplement parce que la machine profit était en marche !!
Cette machine s’appelait Crédit Agricole, INRA, industrie agro-alimentaire, marchands de
machines, d’insecticides, de pesticides, et tout ce monde voulait continuer à s’enrichir sur le dos des paysans.
Les paysans, poussés par la grande FNSEA ont été pris dans la tourmente.
Ils ont contribué à enrichir tout ce monde qui tournait autour de l’agriculture ; mais eux, on les a poussé à s’endetter au point d’en crever : tous les 2 jours, un paysan se suicide en France.
La FNSEA en accord avec les gouvernements a bien contribué à vider les campagnes. Aucun
syndicat n’a été aussi fort pour éliminer ses adhérents ou les envoyer en ville. Durant les années 70, elle a même inventé l’IDV (Indemnité Viagère de Départ). Une prime pour que les paysans arrêtent d’exploiter dès l’âge de 55 ans.
Par contre, aucun encouragement de ce même syndicat pour que des jeunes s’installent à la terre. Eh oui ! A l’époque on avait besoin de main d’oeuvre dans les usines et d’une main d’œuvre endurante, travailleuse et docile…
Et pendant ce temps, les fermes sont devenues des usines et le monde paysan a disparu.
Plutôt que de faire encore un barrage, faisons pression pour redistribuer cette terre nourricière.
Faisons pression, même si ce mot fait peur, pour une réforme agraire.
Celui qui a 100 hectares, il serait le même si on lui en prenait 10 pour installer 10 maraîchers.
Pour conclure, je voudrais dire à ceux qui veulent tout gérer que nous sommes là et que nous aussi nous avons notre mot à dire.
Nous allons décider ensemble s’il faut un barrage ou pas.
Nous voulons décider avec vous comment nous voulons vivre, et comment nous devons entretenir cette nature, cette planète.
Nous voulons, avec vous, voir si les richesses eau, air, terre, argent, peuvent être mieux partagées entre riches et pauvres.
N’attendons surtout pas que les élus nous proposent des solutions. Les solutions, c’est nous, le peuple, qui devons les trouver, les proposer et forcer la main à nos élus pour changer ce monde.

Sivens révélateur local d’une crise globale

Au-delà d’un projet de barrage contesté, Sivens est révélateur d’une cassure profonde des fondements de notre société. Symptomatique d’une rupture entre ses représentants politiques et les citoyens contraints de subir, dans une réalité souvent difficile, des décisions aux motivations floues, arbitraires ou à revers le l’intérêt commun. Des représentants politiques enfermés dans des logiques d’appareils, pratiquant une gestion à vue, sans aucune vision à long terme, sans aucune forme de responsabilité politique, sans aucune considération pour le réel intérêt général, sans aucune considération pour la démocratie invoquée de façon incantatoire, assis dans le confort de cycles d’élections/ré-élections, cumulant les mandats, s’ordonnant administrateurs le cas échéant le temps d’une pseudo alternance, ces représentants du pouvoir coupent les derniers liens avec les citoyens qu’il sont censé représenter.
C’est bien ce qui s’est passé dans le département du Tarn, historiquement acquis à une majorité dite de gauche, où le conseil général par l’intermédiaire de son président M. Carcenac, soutenu par la préfecture, s’est autorisé à imposer un projet de barrage. Un projet proposé en 2001 dont l’étude de réactualisation effectuée en 2009 a été falsifiée. Ont été oubliées les données invalidant la taille du projet en la divisant par 3 : forte réductions des pollutions industrielles sur le cours d’eau, moins de terres irriguées et mise en place de quotas de consommations d’eau, cette dernière donnée gonflée par de faux calculs en pourcentages à l’avantage du barrage ; de plus, il n’est proposé aucune alternative. Ces dérives ont été pointées par le collectif Testet et transmises aux élus concernés. Seul une petite minorité a réagi. Ces affirmations sont vérifiables sur le site du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet : www.collectif-testet.org.
A noter que la déclaration d’intérêt général a été décrétée au mépris des conclusions de l’enquête publique dont la conclusion était soumise à l’avis du CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature). Ce conseil, saisi par deux fois, a émis, par deux fois, des avis défavorables.
Dans ce cas précis, l’intérêt de quelques uns, promoteurs du barrage, une minorité de maïsiculteurs, se confond avec l’intérêt général. Il est à noter aussi que la démocratie détournée vient servir de caution morale.
Les causes des enchainements dramatiques qui ont abouti, dans la nuit du 25 au 26 octobre, au décès de Rémi Fraisse, 21 ans, militant écologiste, jeune naturaliste passionné de botanique et engagé au sein de réseaux associatifs pour la préservation de notre environnement, sont à chercher dans l’exercice d’un pouvoir hermétique voire autiste, arcbouté sur ces certitudes, ne répondant qu’à la défense de ses intérêts propres et rétif à toute participation citoyenne. Participation perçue par ailleurs comme une entrave, déclenchant un véritable réflexe de défiance.
Cet autisme à conduit à répondre à l’opposition citoyenne par une répression violente, engendrée par une provocation policière quasiment quotidienne depuis début septembre. Il est à rappeler que les collectifs citoyens demandaient un moratoire afin d’instaurer un dialogue argumenté. Pour les opposants au projet, le quotidien des mois de septembre et octobre fût le mépris des autorités et la terreur sur le terrain. Terreur est bien le mot qu’il convient d’employer ici. Menaces, agressions de nuit par des milices autoproclamées pro-barrage, passages à tabac en règle par les forces de l’ordre dés que les médias tournaient le dos, pluies quotidiennes de gaz lacrymogènes et de grenades de toutes sortes, blessures physiques multiples, inculpations arbitraires, expulsions illégales, voilà le quotidien des mois de septembre et octobre. Un exemple significatif : une grenade lancée dans une petite caravane alors que les occupants s’étaient signalés. Une jeune fille sera sérieusement blessée au bras.
Malgré les alertes répétées, malgré la démonstration par témoignages et vidéos des violences inouïes subies par nombre de civils, ni les représentants politiques, ni les autorités ne prêteront cas à ces appels à retenue.
Le mépris va jusqu’à ordonner une expertise le 29 septembre sans stopper les travaux sur le site. A cette date, le déboisement est terminé et commencent les travaux de décapage et terrassement. La majeure partie de la zone humide du Testet, joyau de biodiversité, écrin protecteur de nombre d’espèces en péril, ne s’en remettra pas.

Cet état de fait est aggravé par l’absence de conscience, que nous pouvons relever dans les propos de M. Carcenac au surlendemain du drame « Mourir pour des idées, c’est une chose mais c’est quand même relativement stupide et bête ». Dans cette inconséquence M. Carcenac ne mesure pas que ses paroles engagent la collectivité dont il est l’élu. M. Carcenac n’est même pas conscient que Rémi Fraisse n’avait pas choisi de venir à Sivens pour potentiellement y mourir.
Un autisme révélé également au niveau national et international, nous le constatons aujourd’hui à la façon dont sont réprimés les mouvements sociaux et entravées les alternatives citoyennes. Une inconscience elle aussi révélée au niveau national et international, nous pouvons le percevoir à la façon dont est prise en compte l’alerte majeure lancée par les scientifiques du Giec, expliquant tant que faire se peut que nous courons au désastre climatique, premier domino d’un effondrement général.

Rémi était l’opposé de cette inconséquence et de cet aveuglement. Il était la conscience et l’engagement. La conscience et l’engagement des jeunes générations face à l’inconséquence mortifère des nos soi-disant responsables politiques. Aujourd’hui, nous sommes tous en deuil d’un jeune homme de grande valeur porteur de belles promesses d’avenir. Un avenir non pas réduit à sa personne, mais un avenir à partager par tous. Vouloir offrir un avenir est la plus belle promesse qui puisse être faite. Rémi incarnait tout simplement cette promesse. Et cette promesse d’avenir, l’inconséquence, l’autisme et l’inconscience politique l’ont assassinée.

Patrice Canal, membre du C.A. Collectif Testet.

SIVENS : le tournant ?

Nous avons interrogé Jean Claude EGIDIO, militant connu et reconnu sur GAILLAC et opposant au barrage depuis des années. Entretien par téléphone vendredi7 novembre

R&V : On a l’impression d’assister, depuis le 25 octobre à un tournant dans la lutte, avec l’assassinat de Rémi FRAISSE d’une part, la remise du rapport des experts et le jeu de Ségolène ROYAL de l’autre ? Qu’en est-il d’après toi ?
JCE : A mon avis également, nous sommes à un tournant. Les discussions vont démarrer dans les jours qui viennent. Que donneront-elles ?
R&V : Ce pourra être, si tu en es d’accord, l’objet d’un prochain entretien. Consacrons-nous donc à ce que pose la mort de Rémi.
JCE : C’est bien un tournant. Pour nous, il s’agit d’une provocation. Voyons-en le scénario. Vendredi soir sur le chantier sont « oubliés » 2 « trucs » un peu incongrus : un générateur et un « algeco ». Dans la nuit du vendredi au samedi, ils vont brûler ce qui va motiver le retour des gardes mobiles. Ceci, alors que des milliers de personnes affluent. Des affrontements ont lieu, dans lesquels on retrouve des personnes qui n’ont rien à voir avec notre lutte. Des affrontements dans lesquels on a pu reconnaitre des gens d’extrême-droite. . .
Il fallait que ce rassemblement nombreux, pacifique, festif, dégénère. C’est ce qui s’est passé, au-delà de ce que l’on pouvait craindre : il y a eu mort d’homme. A mon avis, ils ont été très embêtés, devant la médiatisation soudaine. Il n’y a qu’à voir leurs premières réactions où ils ont cherché à dissimuler la vérité : communiqués flous,(« on a découvert le corps d’un homme. . ., les forces de gendarmerie ont été encerclées, ce sont des explosifs dans le sac . . . « ). On a fait savoir qu’on avait des preuves de l’assassinat, qu’il y avait des témoins. . . Il devenait impossible de masquer les causes réelles de la mort du jeune homme. Se concrétisait alors ce Pour qui a assisté aux affrontements depuis septembre, ce qui venait de se passer concrétisait nos craintes, était inévitable. Comme chaque fois en France (cf la mort de Malik OUSSEKINE en 1986), il y a un déferlement émotionnel qui entraine un coup de projecteur médiatique.. Tout à coup, on regarde les choses autrement.. Coïncidence, le rapport des experts tombe quasi en même temps.
Rapport qui reprend nos arguments (surdimensionnement du projet, faiblesses du montage financier, enquêtes publiques mal menées. . . ). Ce qui tend à fonder notre lutte, à la valider. C’était une porte ouverte pour l’abandon du projet. Mais, pour des raisons « politiques », ils ont aménagé une conclusion venant en contradiction avec ce qui précédait : « vu la façon dont les travaux sont engagés, il faut les continuer ! ».
Forte émotion en France et mobilisations un peu partout, même à l’étranger. J’en retiendrai deux : la mobilisation des lycéens parisiens (et les lycéens ne lâchent pas le morceau facilement !) et ce qui se passe à Rouen, un peu à l’image de ce qui a existé à Albi devant le Conseil Général. Des formes de soutien très claires : refus du barrage et dénonciation des violences policières. On ne sait pas jusqu’où cela va et peut aller.
R&V ; Pour abonder dans ton sens, un témoignage personnel. Nous avons fait ces deux derniers jours deux rassemblements à CASTRES, qui ont rassemblé 40 et 70 personnes de tout âge. Des discussions, des échanges, émerge une impression diffuse « Il faut changer. . .il faut aller jusqu’au bout ». Comme si quelque chose était en train de naitre. Feu de paille ? Mouvement plus durable ? Trop tôt pour le dire. Celà me semble être différent, « dépasser » ce qui s’est passé pour Notre-Dame-des-Landes.
JCE : NDDL est un dossier complexe lui aussi, mais plus directement accessible. Devant l’ampleur de cette prise de conscience, quand on regarde de près et qu’on analyse les différents tenants et aboutissants, on se rend compte que ce n’est pas une simple « protection d’une zone humide ». Dire cela, c’est réduire ce combat à une simple lutte écologique locale. Quand on prend conscience de la malhonnêteté dans la façon dont les choses ont été mises en place par un pouvoir local (et essentiellement par le Conseil Général), du fonctionnement qu’il y a derrière, on est indigné-e-s . On se dit que « on ne peut pas laisser passer çà. On se dit que face à un système qui , depuis des années, s’accommode de petits arrangements, il nous faut , face à cette « .démocratie formelle », opposer une « démocratie réelle ». On est allé au fond. Le Collectif pour la sauvegarde du TESTET a fait un boulot extraordinaire. Quand on voit la réaction des socialistes, (cf le chantage de VALAX à la démission), il y a de quoi halluciner !
Il est vrai que ça remet en question toute la politique de l’eau Adour-Garonne. La série de barrages annoncés sont tous du même type. Cela remet en cause également toute la politique agricole. C’est pourquoi la FDSEA s’arc-boute à la défense de ce projet.
R&V : Nous verrons cela plus à fond une prochaine fois ! Si nous questionnions la violence d’Etat ? La violence policière, inouïe, que tu as quelque peu décrite tout à l’heure mais aussi la violence telle qu’elle s’exprime dans les propos de nos dirigeants locaux ou nationaux (VALLS qui dit « .SIVENS se fera ! « . par exemple) Comment l’expliquer par rapport à l’enjeu : une petite pataugeoire, en somme ?
JCE : D’accord avec la façon dont tu poses le problème : cette violence est construite.. Elle est mise en œuvre par les politiques et les forces de l’ordre armées. Une ZAD à NDDL, ce peut être tolérable. Deux ZAD . . . Bonjour les dégâts ! Il fallait mettre fin à cela. On a vu un déchainement policier inédit, surtout à partir de début octobre (grenade lancée dans une caravane, affaires personnelles brulées plusieurs fois par semaine. . .). Écœurer, humilier, décourager les personnes afin qu’elles partent.
Autre moyen mis en œuvre: criminaliser le mouvement. La justice entérine sans avoir entendu d’autres témoins que les policiers.
La violence est utilisée par le pouvoir pour diviser le mouvement.
Il existe chez nous plusieurs positions, cela va des pacifistes inconditionnels jusqu’à ceux qui pensent qu’il faut faire face et riposter par rapport aux gardes mobiles. Sujet de débats et de tensions. Le tout attisé par le rôle des médias, friands « d’images de guerre civile » et par la présence de provocateurs (policiers et/ou extrême-droite, nous avons des preuves). Il s’agit de créer un climat de peur vis à vis des opposants en premier lieu, mais aussi des populations locales . Cela fait penser à la 2ème guerre mondiale. . . Ainsi la semaine qui a suivi la mort de Rémi, il y avait des centaines de flics à Gaillac. Pourquoi ? Un des débats que nous allons avoir entre nous va être celui d’apparaitre « masqué-e-s ou non, pour couper court à un certain nombre de choses comme les provocations, les interrogations de la population, etc. . .

Ce premier entretien s’arrête là .Suite prochain n° de Rouge et Vert

A SIVENS, Rémi est mort

C’est peu dire que je suis bouleversé par les dernières nouvelles, même si rien ne permet, pour l’heure, de savoir de quoi Rémi est mort. Il reste que sur un lieu de confrontation, de manifestation, d’opposition… on a retrouvé à 2 heures matin le corps d’un homme.

Cela devrait ramener à de plus justes proportions l’envie des uns et des autres de se faire un nom dans l’histoire des grands projets locaux, ou des bénéfices engrangés. La mort, en définitive, est la seule vraie réalité, puisqu’elle nous attend tous, a pris nos aïeux, prendra nos enfants. En cela elle a quelque chose d’une profondeur sans borne, dans cette césure totale qu’elle nous infligera tôt ou tard, les infinies douleurs qu’elle nous inflige déjà. Car c’est à sa mesure qu’il faut évaluer ce après quoi nous courons. Nous passerons tous, le monde demeurera à jamais, infiniment plus fort que nous.

Ceux qui veulent édifier des barrages ici, des empires là, ne sont rien et ne laisseront rien. Ceux qui se seront contentés de rappeler aux premiers que nous sommes solidaires, tous passagers d’un même vaisseau, soudés les uns les autres, quelque conscience que nous en ayons… laisseront au fond de nos cœurs le rappel et la gratitude d’être des frères et sœurs, enfants d’un même tourbillonnant et insondable mystère dont nous faisons partie, et qui nous emporte, au-delà de nos vies misérables, dans l’immense communion de tout.
A bientôt, le cœur lourd,

25 octobre 2024

Jérôme VIALARET

Ecrit au soir même de la mort de Rémi, cet article a été publié dans Confluences 81, Rouge et Vert et sur ce blog

10 ans plus tard, un journaliste témoigne :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/tarn/albi/je-n-imaginais-pas-que-ca-allait-deboucher-sur-la-mort-d-un-homme-thierry-truckiel-journaliste-dans-l-enfer-de-sivens-3048685.html?fbclid=IwY2xjawGKGFxleHRuA2FlbQIxMQABHQrPavXDN4SCQJ7fDvvB-TQML85MSx_QjaurD6guAoLIZhUszdj6TXpEPA_aem_Qkzd65g9spZxldEjdvAAgw