Henri III, le dernier des Valois
Lorsqu’un professeur évoquait il y a quelques années le dernier des Valois devant ses élèves il avait droit en retour à des rires gras surtout si la classe était masculine : Henri III le roi aux “mignons”…Il faut dire que les écrivains de l’époque comme Agrippa D’AUBIGNE, protestant notoire, ou RONSARD lui avaient “taillé un costume sur mesure”. Et ce regard se prolongea jusqu’à la fin du XX ème siècle.
Pourtant ce personnage complexe mérite mieux que des ragots de bas étage ; né en 1551 c’est le troisième garçon de Catherine de Médicis et d’Henri II ; théoriquement il n’a aucune chance de régner. Il reçoit l’enseignement de l’humaniste Louis AMYOT et très tôt il montre un goût profond pour toutes les activités intellectuelles : homme de cabinet il n’aime ni les tournois ni la chasse : son père Henri II avait été blessé à mort lors d’un tournoi en 1559. Cependant il remporte à la tête des armées royales contre les protestants les batailles de Jarnac (1568) et Moncontour (1569). Comme sa mère influencée par Michel de L’HOSPITAL, qui assure la régence jusqu’à la majorité de Charles IX en 1563 – François II est décédé en 1560 – il essaie de tenir le juste milieu entre les aspirations religieuses et surtout politiques des protestants et des catholiques fanatiques tout en se rapprochant des GUISE. Cette ligne politique échoue et débouche sur la Saint -Barthélemy (1572) ; Henri de Valois (III) y a sans doute participé indirectement. Le 11/05/1573 il est désigné comme roi de Pologne par la diète. Il n’y restera qu’un court laps de temps entre janvier et juillet 1574 : le poste ne l’intéresse pas et surtout le décès de son frère Charles IX sans “héritier mâle» le propulse au sommet de l’état ; parti clandestinement il rentre en France après un détour par Venise (et ses courtisanes) pour être sacré roi à Reims (13/02/1575) ; deux jours après il épouse par amour la douce Louise de Lorraine qui ne pourra pas avoir d’enfant.
La situation de la France à cette époque est à la fois complexe et instable : les guerres de religion au lendemain de la Saint-Barthélemy exacerbent les rivalités politiques : les grandes familles nobiliaires ont les dents de plus en plus longues : tout le tiers sud du pays appartient aux protestants ; et tout le reste du territoire peut basculer d’un côté ou de l’autre au gré des batailles. Après deux règnes inexistants l’autorité du roi est bafouée ; de plus le parti des “malcontents» qui regroupe des protestants et des catholiques autour du jeune frère du roi François d’Alençon lutte contre le pouvoir royal et désire jouer un rôle important par le biais des grandes familles. Et les puissances étrangères utilisent cette situation pour avancer leurs pions : l’Espagne de Philippe II derrière les catholiques, l’Angleterre et surtout les Pays -Bas derrière les protestants. A partir des années 80 se constitue la sainte ligue que manœuvre en sous main l’Espagne ; elle sera à l’origine de l’assassinat du roi en 1589 et indirectement d’Henri IV en 1610 ; de leur côté les protestants et les malcontents s’appuient sur les reîtres allemands. Le roi essaie de naviguer entre tous ces écueils : les édits de tolérance ne ramènent qu’une paix éphémère : une “paix” trop favorable aux protestants irrite les catholiques ; et vice versa ! Pourtant tous ces édits enfanteront l’édit de Nantes (1598) véritable traité de paix ; la situation économique du pays se détériore à cause du climat : on est au début du petit âge glaciaire, les récoltes s’amenuisent ce qui accentue les tensions. Et “cerise sur le gâteau” le jeune frère du roi décède en 84 : les Valois n’ont plus de successeur potentiel, Henri de Navarre cousin lointain est l’héritier ; or il est redevenu protestant c’est-à-dire relaps !
Dans de telles circonstances il est difficile au roi de s’appuyer sur la grande noblesse pour gouverner ; il s’entoure de courtisans de la moyenne noblesse que l’on nomme “mignons” dans lesquels il a une confiance absolue et qu’il rétribue grassement ; les plus célèbres parmi eux sont Anne de Joyeuse (malgré un tel prénom il est» mec” au plus haut degré)qui sera exécuté lors de la bataille de Coutras en 1587 et J. Louis de Nogaret de la Valette duc d’Epernon , cadet de Gascogne . Ce sont de fines lames (comme le roi) et d’excellents politiques : le second a été comparé à RICHELIEU .Ce groupe se caractérise par sa très grande élégance, sa propreté et aussi un côté “bling-bling” ce qui a fait dire que le roi était efféminé (la crasse ça fait “mec”).Et ces deux “archi-mignons” savent se tenir à égale distance entre les deux camps.
A partir de 1587 la situation devient de plus en plus difficile : l’Espagne qui ne veut à aucun prix d’un roi de France protestant paye grassement Henri de Guise pour qu’il fasse obstacle à cette ascension ; la ligue joue un rôle déterminant à Paris ; et Henri de Guise interdit de séjour dans la capitale s’y fait acclamer ; il s’y croit déjà. Après la journée des barricades le roi quitte Paris pour Chartres puis pour le château de Blois où il convoque les états généraux. Il feint de se rapprocher de la ligue pour faire assassiner plus facilement Henri de Guise (23/12/88) et le lendemain son frère : il n’avait pas le choix ! Mais le desserrement de l’étreinte ne dure pas : Henri III est excommunié par le pape et la Sorbonne le “nomme” tyran : le peuple peut donc l’assassiner avec l’accord de l’église. Malgré ces problèmes le roi qui s’est rapproché d’Henri de Navarre regagne du terrain vers Paris ; mais le 1/080/89 il est assassiné à Saint-Cloud par le moine Jacques CLEMENT. Avant d’expirer il lègue officiellement la couronne à Henri de Navarre (IV).
Un historien moderne a écrit que le dernier des Valois était un personnage shakespearien : c’est peut-être la meilleure façon de le caractériser.
Jean-Pierre SHIEP