11 janvier : je n’ai pas manifesté !
Je suis triste. Des dessinateurs que j’ai aimés, des êtres humains ont été assassinés par des « terroristes » (soi-disant religieux ?).
Je tiens à le dire : je ne lis plus Charlie Hebdo depuis longtemps et je ne ferai pas partie de tous ceux qui ont fait doubler les abonnements à Charlie en moins de trois jours.
Je l’ai appris trop tard, sinon je me serais trouvée parmi les 300 personnes rassemblées Place de l’Albinque à Castres, venues le mercredi 7 janvier spontanément (à l’appel d’Europe Ecologie Les Verts !) exprimer leur émotion…
Mais le lendemain, Place Jean Jaurès, au milieu de 1200 personnes venues avec leur panonceau « Je suis Charlie », j’ai senti le malaise nouer ma gorge. Sous la statue du grand pacifiste assassiné il y a cent ans, les « officiels (P. Bugis, Maire UMP de Castres, L. Gourjade et Ph. Folliot, députés PS et UDI du Tarn ont cru bon de nous asséner leur discours politique indécent. Le silence ou, mieux, la parole donnée au peuple rassemblé n’auraient-ils pas été plus appropriés ? Certains d’entre eux n’avaient jusqu’à présent affiché que leur indifférence à l’hebdomadaire visé ; plus rarement encore ont-ils affirmé leur opposition résolue au fascisme… Alors les entendre sans vergogne dire « Je suis Charlie » ou « No pasaràn », cela n’est pas passé !
Venons-en au 11 janvier et à la grande manif parisienne organisée par Hollande et Valls, en présence du 1er ministre Israélien et d’autres chefs d’Etat pas vraiment politiquement recommandables.
Comment douter qu’il s’agit d’une énorme mascarade politique bâtie par l’oligarchie mondiale qui nous gouverne ? Et même si Marine Le Pen a été « renvoyée » en province, ce rassemblement n’en reste pas moins une entreprise de récupération de l’émotion, de l’indignation, de la colère et des peurs de la majorité des gens, au profit d’une pseudo unité nationale de façade au service des intérêts économiques, financiers et politiques des « grands » de ce monde ! Cessons d’être dupes ! Les intérêts de la caillera des quartiers périphériques, des chômeurs, des sans domicile fixe, de la classe ouvrière ou de ce qu’il en reste peuvent-ils être identiques à ceux des cadors du CAC 40 et des ténors – tous partis confondus, y compris le FN – de la politique nationale ?
Comment croire à la sincérité des élus qui paradent en tête des manifs, ceints de leur écharpe tricolore, et qui n’ont que des paroles à chier après l’assassinat de Rémi Fraisse par les forces du désordre, voire qui sont responsables de ce meurtre ? Croient-ils ainsi assurer leur réélection au prochain scrutin ?
Comment tolérer qu’on nous parle de la défense de la liberté d’expression et qu’en même temps on réduit drastiquement les subventions à certaines publications (le Diplo par exemple) ?
Comment croire à cette « unité nationale » alors que l’on cherche en vain les mesures qui donneraient concrètement les moyens d’exprimer une solidarité avec les jeunes en détresse, les isolé-e-s, les rejeté-e-s par le système économique et politique en place ?
Comment imaginer que les caméras de vidéo surveillance et les rondes policières sont des outils de lutte contre l’exclusion ?
Comment ne pas dénoncer l’hypocrisie qui consiste à armer et à entraîner des groupes terroristes pour ensuite les « combattre » au Moyen Orient, en Afrique et maintenant sur notre sol ?
Comment accepter la confusion volontairement entretenue entre islam et islamisme, entre islam et terrorisme sans cautionner aussi le racisme inévitable qui en découle ?
Comme Yannis Youlountas, je ne manifeste pas « avec les assassins de Rémi Fraisse, pas avec les rafleurs de Roms, pas avec les bourreaux des Grecs et des Espagnols en lutte ».
Le 11 janvier à Castres, je n’ai pas manifesté !
Candida Rouet