La vie des femmes en Occident du temps des premières Reines de France
Le Moyen Âge occidental est une période de l’Histoire où les droits des femmes et ceux des hommes sont clairement différents et codifiés comme tels. La définition des rôles que l’on voulait imposer aux filles et aux femmes y a fait l’objet de nombreux ouvrages, de nombreuses homélies. Essentiellement d’origines masculines ! Des religieux, des moralistes, des philosophes ont couché sur des kilomètres de parchemins, sur des milliers de tomes les obligations et interdits, les devoirs et tabous que devaient respecter les femmes au cours de leur vie. La plus importante somme d’écrits qui nous vient de cette période est issue des clercs et d’hommes d’Église. C’est donc leur vision des femmes qui se diffuse : une vision faite de peurs et de fantasmes, d’incertitudes et de doutes… et de certitudes bancales.
Les femmes d’alors sont décrites avec les mots des hommes, par les regards masculins. Cet angle de vue défini autant le modèle féminin auquel se conformer que le repoussoir féminin à fuir. Ainsi les valeurs qui s’imposent aux femmes, les comportements qu’on exige d’elles, ne sont pas de leur propre initiative, mais de celles des hommes (d’Église) au pouvoir. De plus, il leur est défendu de contester ces modèles ! S’écarter des rôles imposés conduira à toutes sortes d’infortunes : le célibat *, la misère, la marginalisation… le bûcher… Afin d’imposer ce regard comme étant d’origine « naturelle » et « divine », des hommes vont s’atteler à chercher des éléments d’ordre religieux, biologique, physiologique et historique pour imposer leur volonté de domination et légitimer la raison d’être de leur pouvoir.
Pour mieux conserver ce pouvoir entre les mains des hommes, les Francs ont mis en place, dès le IV° siècle, une règle, la loi Salique, qui écarte les femmes de la succession au trône du royaume. Le royaume se divise ou se transmet de père en fils. Ainsi les femmes sont dans l’impossibilité d’accéder au pouvoir royal. De Clovis (mort en 511) à Louis VIII (mort en 1226), très rares sont les femmes amenées à assumer le pouvoir royal ; et quand elles y parviennent, c’est dans le cadre d’une régence !
Avant de mourir, le roi des Francs Henri 1er de France choisi de sacrer son fils aîné, Philippe 1er, âgé seulement de 7 ans ! Trop jeune pour gouverner, ce sera sa mère, la reine Anne de Kiev ** qui assurera la régence (de 1060 à 1063) jusqu’à ce qu’elle décide de se remarier (avec Raoul de Crépy, comte de Valois).
Si on se réfère aux travaux de Pierre Toubert *** et de Patrick Corbet **** c’est la femme mariée qui fait figure de Sainte au début de Moyen Âge en Europe Occidentale. Pourtant Anne de Kiev semble perdre son statut de reine et de régente à cause de son re-mariage !
La réforme qui suivra les préceptes du Pape Grégoire VII, diffusée par des prélats tels que Hildebert de Lavardin, Geoffroy de Vendôme ou Marbode de Rennes déboulonne la femme mariée et met sur le piédestal de la sainteté la vierge idéalisée. Cette même réforme grégorienne imposera à terme le célibat des prêtres pour les rapprocher de la vie monastique.
Pour l’occident médiéval, le salut des femmes réside dans la vertu cardinale qu’est la chasteté : les vierges sont la projection dans le réel du plus haut degré de la pureté recherchée. Encore une fois, valeur définie par des hommes d’Église.
Pour permettre aux femmes de rester vierges, ou au moins chastes, il faut donc les préserver de la corruption et du péril représentés par… les hommes ! On en vient donc à les cloîtrer, à les emmurer, à codifier leurs tenues vestimentaires, leur maquillage, leur éducation, le savoir qu’il est bon qu’elles aient ou qu’elles n’aient pas…
C’est quand même étrange de devoir réglementer de façon aussi stricte la vie des femmes pour les protéger des vices des hommes… non ? La victime culpabilisée…
Anne de Kiev, reine de France et régente… Est-ce pour autant que le sort des femmes de ce royaume s’est vu amélioré ?
Patrice K
* Je ne juge pas des avantages ou inconvénients du célibat ! En le recontextualisant dans une société où les femmes n’ont quasiment pas le droit de travailler à l’extérieur du foyer, on se rend compte que le célibat devient alors, dans un tel système, une charge pour le foyer. Se marier semblait alors une « opportunité économique » pour de nombreuses femmes…
** Anne de Kiev, dite Anne de Russie (1024-1075) : fille de Iaroslav le Sage, Grand Prince de Kiev et de Ingigerd de Suède. En 1051, elle épouse le roi des Francs Henri 1er. Le couple royal aura 4 enfants. Elle apporte en France le prénom « Philippe » !
*** « La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens » (aux éditions Spolète – 1977)
**** « Les Saints ottoniens… autour de l’an mil » (aux éditions Sigmaringen – 1986)