Il y a quelques semaines de cela, entre janvier et février 2013, un scandale médiatique a tenu en haleine les consommateurs et consommatrices de France (tandis que des réformes* sur le droit du Travail se tramaient dans un quasi silence).
On aurait retrouvé de la viande de cheval dans des lasagnes au bœuf !
Des chevaux abattus et découpés en Roumanie. Leur chair vendue par un trader hollandais à un intermédiaire chypriote qui à son tour l’aurait revendue à la société Spanghero, appartenant au groupe Lur Berri, qui, par sa holding Poujol, fournit Comigel, une entreprise Lorraine qui fabrique au Luxembourg des lasagnes surgelées pour Findus une société suédoise dont le principal actionnaire est le fond anglais Lion Capital.
Vous avez suivi ?
De la souffrance des chevaux massacrés pour être transformés en bectance industrielle, les médias n’en ont pas parlé. Mais de l’indignation des consommateurs et consommatrices floué-e-s sur la marchandise, ça oui !
Un peu trop même…
Nous avons eu aussi droit à la séquence émotionnelle liée aux potentielles pertes d’emplois que provoquerait probablement le retrait de l’agrément sanitaire aux ateliers Spanghero de Castelnaudary. Les employé-e-s, de peur de perdre leur emploi, exprimèrent leur solidarité avec leur exploiteur.
Dans la situation actuelle de crise dans laquelle nous nous trouvons, cette union sacrée des exploité-e-s avec leurs exploiteurs (accusés injustement bien sûr) a un petit goût de cynisme qui me laisse une drôle de saveur en bouche :
– Les employé-e-s de l’entreprise Spanghero veulent travailler. Il en va de leurs salaires. Il en va de leur survie économique dans cette société (on peut les comprendre**). D’ailleurs quelques semaines plus tard l’entreprise Spanghero annonce qu’elle est en dépôt de bilan. L’État, bon prince promet d’intervenir (comme pour les métallos de Florange ?).
– Les consommateurs et consommatrices veulent plus de transparence dans l’origine de leur viande (les tomates et autres « ingrédients » composant leurs lasagnes peuvent venir du sud de l’Espagne, produit par des quasi-esclaves marocains vivant dans des conditions médiévales et empoisonnés de pesticides, ce n’est pas grave !)
– l’État français promet plus de traçabilité dans l’origine de la viande (et pour les tomates et autres « ingrédients, non ?).
Et là je repense à la tournée du film « Mouton 2.0 » organisé par le collectif « Faut pas Pucer ».
J’en viens à me demander si derrière le mot « traçabilité » des agents du gouvernement il n’y aurait pas la volonté de promouvoir, de généraliser cette « Puce RFID » (qui est sensée être l’outil de suivi, de contrôle, de surveillance idéal) ?
Ou comment, à une question politique, on tente d’apporter une prétendue solution technologique qui servira les intérêts des responsables*** du problème initial !
Je critique mais ai-je des solutions à proposer ?
J’ai des pistes : l’agriculture bio de proximité, le végétalisme, les circuits courts, les marchés de plein vent, les groupements d’achat alternatifs, la rencontre et l’échange avec les producteurs et productrices locaux… à nous d’en inventer d’autres…
Vous voulez manger de la bouffe industrielle, parce que vous n’avez pas le temps de cuisiner et passer 4 heures devant la télé****… Alors ne venez pas pleurer !
Diane Artèsis-Cènonge
Confluences n° 103
* Dits « accords de Wagram.
** Cette affaire se déroule en même temps que l’immolation fatale d’une personne en fin de droits au chômage.
*** une autre anecdote : l’Union Européenne vient d’accorder l’utilisation de farines animales, interdites depuis 2001, pour nourrir les poissons d’élevage.
**** selon Médiamétrie, chaque français-e passe + de 3h50 par jour devant une télévision ! Si ce n’est pas moi, c’est donc vous !