Dialogue n° 8 de Jacques et de son Maître

110 page 11 CONSENSUSDialogue n° 8 : en vacances ?!

Jacques et son maître firent leurs provisions gourmandes à Die, puis à Montélimar. Là ils s’enlisèrent dans de longues files avançant au pas, mêlant de lourds convois de marchandises et autres chariots et charrettes aux diligences, chaises à porteurs, cabriolets, cavaliers et piétons dans un inextricable entassement de caisses, cageots de fruits, baluchons, malles et sacs divers… L’ensemble était même bloqué dans la direction de la Méditerranée. Leurs chevaux renâclaient à chaque arrêt et la chaleur aidant, Le Maître s’impatientait.

Le Maître : J’imaginerais bien un grand élargissement de ces chemins : plusieurs files parallèles dans les deux sens, avec, aux villes stratégiques, des guérites pour percevoir les taxes de passage. Quand se décidera-t-on à moderniser notre pays et à favoriser la rapidité dans les échanges économiques ?

Jacques : Ah, mon bon Maître, je sens que vous allez me parler de désenclavement économique !

Le Maître : Et pourquoi pas ? Plus les échanges sont rapides et fréquents, plus l’économie est florissante, plus le bonheur de tous avance. Jacques, cela s’appelle « le progrès » !

Jacques : Ah que vous êtes naïf ! Quand nos campagnes seront détruites par « votre » développement des communications routières, il n’y aura plus assez de terre agricole pour produire les denrées nécessaires à la vie, donc plus rien à transporter ! Si l’on vous écoutait, on créerait des routes à plusieurs files un peu partout dans le pays. (Il s’esclaffa bruyamment) J’imagine même qu’il se trouvera quelque farfelu pour proposer un projet de ce type entre la ville rose et… le sud du Tarn par exemple !

Le Maître s’enferma dans un mutisme vexé. Ils entreprirent de traverser le Rhône qui, à Montélimar, présente deux bras distincts assez éloignés l’un de l’autre. Sur le second pont, Jacques tomba dans les bras de son vieux compère Gillou l’Alternatif qui remontait vers le nord-est. Passées les premières accolades, la voix leur revint.

Jacques : Mon vieux Gillou, que fais-tu loin de Grenoble ?

Gillou : Je reviens de la ferme autogérée de Cravirola, du côté de Minerve où j’ai observé des choses étonnantes. Si c’est votre chemin, faites-y une halte, vous ne serez pas déçus !

Jacques : Tous les chemins sont notre chemin ! (avec une pointe de malice) Mon Maître souhaite s’instruire : cela demande du temps et de la patience… Nous pensions nous arrêter à Grenoble, mais nous avons changé d’avis.

Gillou : Depuis les élections municipales, les choses se mettent en route doucement.

Le Maître : Il est donc trop tôt pour nous y arrêter, comme je le supposais.

Gillou : A l’évidence ! Vous concevez bien qu’il faut plus d’une centaine de jours pour bouleverser de fond en comble les habitudes. Pour l’essentiel, notre objectif de co-construction d’une démocratie avec les habitants sera mis en place à l’automne et singulièrement les Conseils Citoyens. Plutôt que d’en parler théoriquement, ce sont choses à observer sur place.

Le Maître : J’ai toujours affirmé que les populations ne sont pas prêtes à gérer une commune, petite ou grande.

Gillou : Pas prêtes ne veut pas dire « pas capables » ! Nous avons déjà organisé une formation au budget communal. Ce fut un gros succès : 150 participants ! Mais il faut aller plus loin…

Jacques : Il faut être formé et… informé ! Comment diffuser les renseignements indispensables pour qu’un maximum de personnes participe à la prise de décision démocratique ?

Gillou : Pour l’instant, nous diffusons en direct les séances du Conseil Municipal sur grand écran*… mais c’est juste un début ! A votre retour, ne manquez pas de passer par Grenoble, je vous piloterai.

Rendez-vous fut pris et, pour célébrer ce futur, deux boîtes de nougats et deux bouteilles de Clairette trépassèrent ! Nos deux voyageurs se remirent en route, la tête certes un tantinet lourde, cap à l’ouest afin de vérifier qu’à l’ouest tout est nouveau !

Candida Rouet (septembre 2014)

*Vous l’avez compris, il s’agit bien d’un anachronisme !