Confluences 81 n° 119 : Quatrième République

118 page 16 couverture livre“LES ASSEMBLEES CONSTITUANTES” ; LA CONSTITUTION DE 1946

Paris est libérée entre le 19 et le 25 août 1944 ; le gouvernement provisoire en poste à Alger est immédiatement transféré dans la capitale. La tâche à accomplir est immense tant sur le plan économique que dans le domaine politique : les structures économiques en 1939 étaient pour le moins vieillottes ; elles sont devenues inexistantes avec des problèmes sociaux ingérables : le rationnement alimentaire persistera jusqu’en 1949 ! La vie politique a été décapitée par quatre années d’occupation allemande et par le régime autocratique de Vichy. Une fois la liberté reconquise les élites doivent tout remettre en marche pour assurer l’avenir politique et économique du pays et aussi pour lui redonner son rang à l’extérieur : certaines nations considèrent la France avec pitié et concupiscence…

DE GAULLE symbolise plus que tout autre le dynamisme de cette période mais il n’est pas seul : il a su s’entourer d’un personnel issu de toutes les tendances de la résistance. L’assemblée consultative ( gouvernement provisoire ) et en province les commissaires de la république aux méthodes parfois contestables ont accompli un travail immense : création de l’ENA , instauration de la sécurité sociale , droit de vote pour les femmes…Toutes ces mesures sont prises alors que le pays n’est pas totalement libéré , que les combats se poursuivent sur les Vosges et les Ardennes pendant l’hiver 1944-45 et que des problèmes liés à l’épuration doivent être résolus dans la légalité . Mais pour asseoir totalement cette légalité il faut de toute urgence redonner la parole au peuple. En 1945 il est consulté à trois reprises : le 29/04 et le 13/05 pour des élections municipales ; le 23/09 et le 30/09 pour les cantonales ; le 21/10 pour des législatives. Dès la première consultation trois partis dominent sur “l’échiquier”, le PCF, la SFIO et le MRP, tous trois issus de la résistance et couvrant l’ensemble des aspirations politiques de l’époque : mettre en “partition” les aspirations du CNR (comité national de la résistance). Les partis traditionnels s’effondrent et la droite “collabo” est hors-jeu. Les cantonales de septembre donnent la même orientation tout comme les législatives à la proportionnelle du 21/10. Le référendum qui s’est tenu le même jour donne à 96% le “oui” à une assemblée constituante qui devra laisser la place à un régime définitif sept mois plus tard. Les français redoutaient autant un gouvernement autocratique que l’impuissance de la III°. Le 16 novembre à la quasi unanimité DE GAULLE est élu président du conseil. Et les trois grands partis (tripartisme) ont un certain nombre de ministres  au gouvernement. En apparence l’unité nationale est toujours vivace mais…La constituante expédie bien entendu les affaires courantes et c’est déjà pas mal mais elle doit préparer les fondements d’une nouvelle constitution. Dans cette assemblée communistes et socialistes sont nettement majoritaires ; ils voudraient, surtout les communistes, conserver les législatives à la proportionnelle intégrale ; DE GAULLE et le MRP refusent. A terme le PC obtiendrait tous les postes ; on penche plutôt avec l’appui indirect de la SFIO pour une proportionnelle départementale. De plus dans cette première mouture le président (du conseil, de la république ?) est responsable devant l’assemblée nationale  ce qui le rend très vulnérable ; à l’origine on ne prévoyait qu’une chambre ce qui rendait le PCF très dangereux. Refusant d’être l’otage des partis DE GAULLE démissionne le 20 janvier 1946, persuadé d’être rappelé rapidement. Mais même en dehors du jeu politique il poursuit sa campagne contre l’omniprésence des partis ; et le 5/5 la constituante est rejetée par référendum avec 53% de non. Dans la foulée une nouvelle constituante est élue (PC 26%  MRP 28,2%. La SFIO s’effondre…) A Bayeux le 16 juin DE GAULLE fait un “discours programme» dans lequel il esquisse  ce que sera la constitution de la V°. La nouvelle constituante se met en route et apporte certaines modifications : le sénat est rétabli, un président de la république élu par les grands électeurs pour sept ans est à la tête du pays avec des pouvoirs assez limités : il choisit le président du conseil dans la majorité de l’assemblée et il peut dissoudre cette même chambre ; mais il n’est plus responsable devant les députés ; le président du conseil joue le rôle du premier ministre sous la V°. Finalement le 13/10 la constitution est adoptée par 53% de” oui” mais avec plus d’un tiers d’abstention ! Les législatives de novembre à la proportionnelle départementale n’amènent pas de grands changements dans les équilibres politiques ; BLUM puis RAMADIER sont les premiers présidents du conseil. Enfin au début de 1947 le socialiste V.AURIOL est élu président de la République.

La constitution débute par le rappel de la déclaration des droits de l’homme : c’est tout à fait normal après ce que l’on vient de subir ; les élections cantonales et municipales se déroulent au scrutin majoritaire à deux tours ; les “sénateurs” et le président de la république sont élus par les grands électeurs. Par contre l’élection des députés se déroule à la proportionnelle départementale ce qui entraine l’absence de majorité stable, aucun parti ne pouvant atteindre la barre des 50% ! De plus le président du conseil désigné doit se présenter devant la chambre pour vérifier qu’il a bien la majorité ; et une fois le gouvernement constitué il revient avec l’ensemble de ses ministres pour la même vérification. S’il n’a pas (plus) la majorité il doit former un nouveau gouvernement ou démissionner ; dans ce cas le président de la république  choisit un nouveau premier ministre dans la “majorité” nouvelle ; et ainsi de suite… Ainsi la IVème république est complètement soumise au bon vouloir des partis. Elle se voulait aux antipodes de la III° mais…

Jean-Pierre SHIEP