Communiqué de la LDH 81à propos de la Maison d’Arrêt d’Albi :

Communiqué de la section du Tarn de la Ligue des Droits de l’Homme

Le lundi 12 août, la LDH81, représentée par deux de ses membres, devait participer à
partir de 14h à la visite de la maison d’arrêt d’Albi sur invitation de la députée de la
deuxième circonscription du Tarn, Karen ERODI, accompagnée de son directeur de cabinet et de deux journalistes de France 3 Occitanie.
Peu après 15h, le Directeur de la maison d’arrêt d’Albi invitait les journalistes à suivre
Karen Erodi et son chef de cabinet tandis qu’il signifiait le refus de visite de sa hiérarchie aux membres de la LDH, estimés “persona non grata“.


Cette visite entrait dans la procédure de requête de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP- SF), avec l’association pour la défense des droits des détenus (A3D), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), l’association des avocats pénalistes (ADAP), et le Conseil national des barreaux, auprès du juge des référés liberté du tribunal administratif de Toulouse. Cette requête visait à ce que soit ordonnée l’exécution de 20 mesures d’urgence nécessaires pour garantir des conditions de détention dignes au sein de la maison d’arrêt d’Albi à la suite du rapport de Contrôleur Général des lieux de privation de liberté (1)
.

L’ordonnance (N° 2404787) du 14 août 2024, prise par le juge des référés du Tribunal
Administratif de Toulouse, confirme la volonté de l’institution judiciaire de ne pas prendre de mesures, même élémentaires, pour améliorer la situation des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire.
Pour rappel, les maisons d’arrêt reçoivent les prévenus en détention provisoire avant
jugement, et les condamnés à une peine n’excédant pas 2 ans.
Ainsi, si la surpopulation carcérale de 167% est dénoncée, rien de semble être fait par la résoudre.
L’ordonnance prise le 14 août indique que “L’administration pénitentiaire ne dispose
d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent
exclusivement de l’autorité judiciaire. Une maison d’arrêt est ainsi tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou par l’autorité judiciaire
“. Dans les faits, la pratique des juges des libertés est de maintenir très souvent la mise en détention. Cela confirme une politique de
l’enfermement, préjudiciable à la réinsertion, et contribue grandement à la
surpopulation carcérale.
Le juge des référés, dans son ordonnance, constate sans proposer de solution, ni même de mesures d’aménagement.

En théorie, la détention en maison d’arrêt, provisoire, doit respecter la dignité et préserver des conditions de vie décentes. Le rapport de la Contrôleure générale des privations de liberté, lors de sa visite de février 2023, comme les conclusions de l’Observatoire International des prisons, ont montré que tel n’était pas la réalité. Sans les nier, le communiqué, joint à l’ordonnance du juge, indique que les mesures préconisées « “sont d’ordre structurel, qui ne peuvent être mises en œuvre à bref délai. Il en va ainsi, à titre d’exemple, des demandes concernant l’installation de sanitaires supplémentaires, d’installation de la ventilation dans les cellules, de la rénovation des locaux de douches collectives, ou encore de la modification des ouvertures extérieures des cellules”.
La réponse faite par Eric MORETTI, dans son courrier du 11 mars 2024 à la Contrôleure Générale renvoie à janvier 2026 la réinstallation de douches, alors que lors de sa visite du 12 août 2024, la députée du Tarn Karen ERODI a relevé leur “état immonde” et la prolifération de moisissures (2).

Certaines demandes sont donc rejetées au motif que les carences invoquées ne peuvent être corrigées “dans un bref délai”. Brefs délais ? Il y a vingt ans, le Syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés (SPS) de la maison d’arrêt, lors d’une visite de Philippe Folliot, alors député du Tarn, dénonçait déjà les conditions de travail du personnel pénitentiaire et l’état comme l’entretien des locaux (3).

Le même député,désormais sénateur, constatait la vétusté de la maison d’arrêt d’Albi dix ans après, en 2015 (4), à la suite de la visite du Contrôleur Général des lieux de privation de liberté du 11 au 14 février 2014, avec des conclusions similaires. Il faut attendre combien de
décennies pour que le “délai” ne soit pas “bref” ?
L’ordonnance du 14 août de la juge des référés du Tribunal Administratif de Toulouse n’est pas seulement un constat d’échec. C’est aussi la manifestation de la volonté de l’État, et en particulier de l’institution judiciaire, de « laisser pourrir », au sens propre comme au figuré, la situation des personnels comme des détenus de la maison d’arrêt d’Albi,

Après les ordonnances prises en France depuis plusieurs semaines, à Brest, à
Carcassonne, à Clermont-Ferrand, à Montpellier, à Nimes, comme au Puy-en-Velay, Albi n’est pas un cas isolé. C’est une politique « du pire », prise par un gouvernement
inexistant, puisque démissionné, qui ne peut être que le ferment de chaos et de possibles violences.
Sans nul doute, cette ordonnance fera l’objet d’un recours en appel de l’Observatoire
international des prisons (OIP) et des associations associées. Pour sa part la LDH ne peut que soutenir toute démarche de soutien aux mesures préconisées par l’OIP.

Albi le 16 août 2024.

1 Rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la Maison d’arrêt

2 Sylvain Duchampt – FR3 Tarn Occitanie le 14/08/2024.
3 La Dépêche du Midi le 16/06/2004.
4 Michel Pech – FR3 le 09/06/2015.