Je suis Guillaume en charge de la communication chez ilek, un fournisseur d’électricité verte et locale.
J’ai pu voir que vous parliez d’énergies renouvelables et d’écologie sur votre site. Je pense que ce que propose ilek pourrait vous intéresser et vos lecteurs via un article sur votre site.
ilek propose aux consommateurs de choisir une électricité verte proche de leur logement. Des producteurs d’énergie renouvelable partout en France (Occitanie, Île-de-France, PACA, Bourgogne, Franche-Comté, etc…) peuvent ainsi proposer leur électricité aux particuliers.
Un texte envoyé par Denis B. pour préciser quelques éléments sur l’électricité verte :
Réponse longue à ta question sur Ilek
DB
Août 2017
Rappel : je ne connais Ilek que de loin. Pour te répondre, je me fonde sur ce qu’ils écrivent sur leur site et sur les informations données par un collègue d’Enercoop. Comme tu le sais, je suis militant actif d’Enercoop Midi-Pyrénées, ce qui peut biaiser mon avis de par les informations que je reçois. Je peux aussi ne pas être totalement neutre, bien que je m’efforce de te répondre sans trop de parti pris : je n’ai pas pour rêve que l’ensemble de la transition énergétique passe par Enercoop…il y a place pour d’autres initiatives.
Cela dit, je mentionne mon engagement militant par souci de transparence mais ce que j’écris ici n’engage que moi ; je ne suis mandaté pour être le porte-parole de quiconque.
Autre avertissement : les choses bougent très vite sur ce marché de l’électricité et je ne suis pas nécessairement au courant de tout ce qui se passe en temps réel, surtout en matière d’offre des divers fournisseurs.
Quelles questions se poser quand on cherche à évaluer un fournisseur d’électricité « verte », Ilek par exemple, et sa conformité à des valeurs écologiques et citoyennes ?
Si on nomme transition énergétique le fait de subvenir à nos besoins en électricité sans recours au nucléaire ni à d’autres ressources non-renouvelables (pétrole, gaz, charbon), cette transition peut être plus ou moins heureuse sur le plan écologique et plus ou moins porteuse de changement de notre système économique. On peut imaginer un monde où l’électricité, même devenue 100 % « verte », sera, comme aujourd’hui, une marchandise contrôlée par un petit nombre de multinationales et de grands investisseurs. Au lieu d’investir dans le pétrole ou le nucléaire, on aura simplement changé d’objet d’investissement. Le profit financier restera le but et l’écologie une contrainte plus ou moins bien négociée. A l’inverse, on peut imaginer un monde où la production et la distribution de cette électricité sera très décentralisée, la plus écologique possible, produite et contrôlée localement par un grand nombre de citoyens et de collectivités locales. Les énergies renouvelables offrent cette opportunité car leur production ne demande pas une concentration de capitaux aussi importante que le nucléaire ou le pétrole… mais ce n’est pas gagné !
Voici donc quelques pages de vulgarisation : bienvenue dans le monde compliqué de l’électricité « verte » !
Pas mal de fournisseurs d’électricité ont une offre d’électricité « verte », c’est à dire produite à partir de ressources renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse ). EDF, Engie, Direct Energie pour ne citer que les plus gros, en ont une, en même temps qu’ils ont une offre standard ; et puis, on trouve aussi plusieurs entreprises plus petites qui ont également une offre « verte », et souvent,elles n’ont que celle-là.
Comment s’y retrouver ? Il y a cinq dimensions principales à regarder :
- Par quel circuit vient cette électricité ?
Dissipons tout d’abord un malentendu. Quel que soit ton fournisseur, l’électricité qui va arriver chez toi aura été produite dans l’une des unités de production qui ne sont pas trop éloignées géographiquement de chez toi, quelle que soit la technologie utilisée (nucléaire, thermique, renouvelable…) et quel qu’en soit le producteur. Le mouvement d’électrons qui parcourt tes fils électriques sera le même, de toutes façons, qu’il soit provoqué par Golfech où par une centrale hydraulique des monts de Lacaune. Quand ton fournisseur te vend de l’électricité d’une certaine provenance, cela signifie simplement qu’il aura injecté dans le réseau électrique au moins autant d’électricité de la dite provenance que ce qu’il t’en aura vendu.
Cela dit, il y a plusieurs cas de figure :
– ton fournisseur produit lui-même en totalité son électricité « verte ». C’est le cas d’EDF : grâce à ses nombreux barrages et sa filiale EDF Energies Nouvelles, elle produit au moins autant d’électricité « verte » qu’elle en vend à ses clients. C’est aussi le cas d’Engie et, chez les plus « petits », de « Energie d’ici », regroupement de producteurs hydrauliques indépendants dans le Sud-Ouest.
– ton fournisseur ne produit pas, ou ne produit pas tout ce qu’il vend. Il joue donc un rôle d’intermédiaire, qui achète de l’électricité et la revend. Très souvent, les « petits » ne produisent pas eux-mêmes. Enercoop commence tout juste à investir dans des moyens de production en propre. Ilek n’est qu’intermédiaire.
Dans ce rôle d’intermédiaire, il y a deux façons très différentes de se fournir en électricité « verte ».
– le trading : attention, c’est un peu compliqué mais c’est un point-clé. Il existe un marché de gros de l’électricité qui fonctionne comme une bourse. Le jeu, pour les grands acteurs du marché (producteurs, fournisseurs, industriels) est d’acheter/revendre au bon moment, éventuellement à terme, et au meilleur prix ; c’est le travail des traders de ces entreprises. De plus, EDF est contrainte de vendre à ceux de ses concurrents qui le souhaitent une partie de sa production nucléaire à un prix assez bas (exigence de Bruxelles). Sur ce marché de gros, on achète ou on vend du MegaWatt-heure (MWh), sans se préoccuper de la façon dont il a été produit. Comme dit plus haut, un Mega-Watt ne se distingue pas techniquement d’un autre Mega-Watt.
En parallèle, il existe un autre marché, celui des certificats d’origine renouvelable. Si un producteur « vert », par exemple d’énergie solaire ou hydraulique, vend sa production sur le marché de gros, sans spécifier comment elle a été produite, il peut, à coté, sur cet autre marché, vendre un certificat d’origine renouvelable pour le nombre de MegaWatts qu’il a vendus.
Donc, pour faire de l’électricité « verte » à bas prix, il suffit d’acheter sur le marché de gros de l’électricité sans spécification d’origine, quand le prix est intéressant. Puis, on va sur le marché des certificats d’origine renouvelable pour acheter les certificats dont a besoin et les coller sur l’électricité « tout-venant » qu’on a achetée – et qui, pour les fournisseurs en France, est souvent de l’électricité d’origine nucléaire. Le coût d’un tel certificat, aujourd’hui, ne rajoute que 2 à 3 % au coût de l’électricité achetée sur le marché de gros.
La plupart des intermédiaires font cela sauf deux qui ont recours à l’autre façon de se fournir.
– les contrats directs avec des producteurs d’énergie « verte ». Ces contrats de gré à gré sont passés pour un an ou pour quelques années à un prix convenu. C’est ce que font Enercoop et Ilek. A ma connaissance, ce sont les deux seuls. Nuance : Ilek permet au client de choisir à quel producteur il veut acheter et au producteur de fixer son prix, d’où mise en concurrence des producteurs. Enercoop se contente de donner la liste de ses producteurs et propose un prix uniforme à ses clients, en mutualisant les différences éventuelles de ses coûts d’achat. Cette nuance n’est pas anodine, j’y reviendrai plus loin.
- Comment et par qui l’électricité « verte » est-elle produite ? En quoi cette production participe-t-elle vraiment d’une transition énergétique écologique ?
On sait que la production d’électricité d’origine renouvelable n’est pas nécessairement vertueuse sur le plan écologique. Je ne vais pas entrer ici dans un débat général. Si toutefois on admet la nécessité de la production d’électricité « verte », il y a, malgré tout, des façons de faire plus ou moins positives du point de vue écologique. La réglementation française est très restrictive pour ce qui concerne l’hydraulique. On ne peut plus guère le développer. Elle l’est beaucoup moins pour l’électricité produite à partir de biomasse ( ex. cultivée ou récoltée comment ? Avec quels intrants chimiques ? Avec quels transports ?) ou du solaire (ex. terrain cultivable ou pas?). Elle l’est d’avantage pour l’éolien (une des plus drastiques en Europe) mais il n’empêche que les projets éoliens peuvent être plus ou moins critiqués.
Evidemment, les fournisseurs qui s’approvisionnent sur le marché de gros avec des certificats d’origine n’ont pas de moyen de contrôler la vertu écologique de ce qu’ils achètent. Seuls ceux qui vendent ce qu’ils produisent et ceux qui s’approvisionnent en contrats directs peuvent avoir un œil là-dessus. L’ont-ils ? Quel est leur cahier des charges en la matière ? Le publient-ils ? Je n’ai pas pris le temps de regarder sur les divers sites… Je sais qu’Enercoop en a un, qui va plus loin que la réglementation.
Par ailleurs, certains fournisseurs ont des offres avec compensation carbone : Engie, Mint Energie
- Comment et par qui l’électricité est-elle produite ? En quoi cette production participe-t-elle d’une transition énergétique citoyenne ?
Pour schématiser, il y a quatre grandes catégories de producteurs d’électricité « verte » qui obéïssent à des logiques différentes. Bien sûr, il y aussi des hybrides mais n’allons pas trop loin dans le détail.
– les multinationales (EDF, Engie…) qui travaillent en général sur de gros projets et qui vendent l’énergie qu’ils produisent, soit à leurs clients, soit sur le marché de gros.
– des investisseurs d’envergure (fonds d’investissements, banques et autres gestionnaires de fonds importants). On les retrouve souvent dans des projets de taille importante (ex. grosse ferme éolienne) ; ces derniers sont initiés par des développeurs qui les revendent ensuite à ce genre d’investisseurs, une fois les perspectives de revenus stabilisées. Ce type de projet peut changer de mains plusieurs fois, au fil des arbitrages que les gestionnaires de fonds opèrent.
Dans ces deux premiers cas, on reste dans la logique dominante selon laquelle la production électrique est aux mains de quelques multinationales et/ou de grands acteurs financiers. D’autant que le système capitaliste a tendance à favoriser la concentration des acteurs sur un marché, au gré des reventes d’affaires.
– On peut ensuite avoir des investisseurs privés de moindre envergure, que l’on retrouve généralement dans des projets de taille plus modeste et qui trouvent là un moyen de faire fructifier leurs économies. Ce genre d’investisseurs reste généralement dans le projet du début à la fin. Parfois, ce sont des personnes qui se regroupent pour investir ensemble, par exemple une coopérative agricole organisant la mise en place de solaire sur toitures pour ses membres. On appelle alors parfois cela « projets citoyens » mais (voir plus bas) ils n’en ont pas forcément toutes les caractéristiques. La visée reste principalement financière mais ces acteurs permettent néanmoins une certaine décentralisation de la production électrique.
– enfin, il y a les projets citoyens au sens fort du terme : des habitants d’un territoire, parfois avec les collectivités locales, investissent dans des installations (souvent du solaire). La visée est le développement du dit territoire, les statuts sont souvent ceux d’une SCIC. La distribution de dividendes est limitée de façon à ce qu’une partie conséquente des profits permette de financer d’autres projets pour le territoire.
Donc, quand on considère un fournisseur, il importe de se demander à quels types de producteurs il achète son électricité. Là encore, ceux qui achètent sur le marché de gros avec des certificats d’origine, n’ont pas le moyen de s’en préoccuper. Quant aux deux fournisseurs qui s’approvisionnent en contrats directs, Ilek semble privilégier la troisième catégorie (les investisseurs privés sur des projets de taille moyenne ou petite). Enercoop privilégie la quatrième catégorie, les projets citoyens. Elle est la seule à avoir une politique active d’encouragement aux projets citoyens, avec des dispositifs d’accompagnement juridique et technique des porteurs de projets, des instruments de financements. Certes, elle s’approvisionne aussi, par défaut auprès de la troisième catégorie, car les projets citoyens ne suffisent pas à ses besoins à ce jour.
Si les trois domaines abordés jusqu’ici concernent la production électrique, les deux suivants ont trait au fournisseur lui-même.
- En quoi l’offre complète du fournisseur participe-t-elle à la transition énergétique ?
Dans tous les scénarios envisageant la fin de l’électricité produite à partir du nucléaire ou autres ressources non-renouvelables, il est incontournable de réduire la consommation d’électricité. Les fournisseurs d’électricité « verte » sont donc pris entre le besoin d’en vendre et, s’ils sont sensibles aux valeurs écologiques, le souci de ne pas encourager cette vente….
La façon de se positionner face à ce dilemme se traduit concrètement dans deux aspects de l’offre.
– la maîtrise de la consommation
Beaucoup de fournisseurs font quelque chose pour encourager leurs clients à la modération…même EDF, dont les intérêts sont pourtant de trouver des débouchés à ses centrales nucléaires. Reste donc à savoir si ces actions sont menées avec suffisamment de conviction et d’efficacité pour produire un vrai résultat. Les principales actions sont l’accompagnement, le conseil et l’incitation aux économies d’énergie, sous une forme ou une autre. Une étude comparative détaillée sur ce point serait trop longue ici (et je ne l’ai pas faite). Disons quand même que la palme revient à Plüm Energie qui offre à ses clients une remise pouvant aller jusqu’à15 % en cas d’économies d’énergie. Enercoop a aussi ses outils dans ce domaine mais ne se distingue pas nettement de ses concurrents sur ce point, si ce n’est qu’elle a une clientèle sans doute par nature plus sensibilisée que la moyenne à cette question. Ilek ne semble pas être mobilisée sur ce point à ce jour.
– l’encouragement à l’auto-consommation.
Il s’agit pour un particulier d’installer des panneaux solaires chez lui et de consommer l’électricité produite, en n’injectant dans le réseau que le surplus éventuel. Jusqu’à très récemment, ceux qui installaient des panneaux solaires chez eux vendaient leur production à EDF et achetaient l ‘électricité qu’ils consommaient. Des évolutions techniques et réglementaires rendent aujourd’hui plus faisable l’autoconsommation. Ilek et Enercoop Midi-Pyrénées ont chacune une offre en ce sens : accompagnement du projet, référencement de prestataires partenaires. Comme le phénomène est assez nouveau, je ne sais si d’autres ont une offre en ce sens ou s’apprêtent à en avoir. C’est fort possible.
- En quoi le fournisseur est-il dans une logique différente de celle du système économique dominant ?
Je ne parlerai pas ici de la logique des grandes entreprises qui ont à la fois une offre standard et une offre « verte ». Sur ce sujet, je n’ai pas besoin de t’entretenir. Je m’intéresse ici aux entreprises, généralement encore petites, qui ne proposent que de l’électricité « verte ».
Pour schématiser, y a trois logiques assez différentes. Certes, les gens sont complexes et parfois ambigus mais il y a des moments de vérité où la logique principale qu’ils suivent apparaît.
₋ La première logique est celle de la « start-up ». On a une idée, on trouve des capitaux et/ou on investit les siens si on en a, on développe l’entreprise et, quatre ou cinq ans après, soit l’entreprise n’existe plus, parce que cela n’a pas fonctionné, soit elle a acquis une position sur le marché qui intéresse des entreprises plus grosses qui vont la racheter, en gardant ou pas les fondateurs aux commandes. Les fondateurs et les investisseurs initiaux récupèrent ainsi leur mise multipliée par X. On le sait, le meilleur moyen de faire fortune dans le monde du capitalisme, c’est de réaliser une plus-value sur les actions d’une entreprise. Evidemment, les start-ups sont fondées sur une idée ou des produits nouveaux ; il n’est donc pas étonnant que l’électricité « verte » en ait attiré plusieurs. Une belle illustration de cette logique est Lampiris, fournisseur d’électricité « verte », qui vient déjà d’être rachetée par… Total.
– La seconde est celle que les anglo-saxons appellent « social business ». On pourrait appeler cela le capitalisme avec des valeurs sociales. Dans ce cas, les fondateurs de l’entreprise la créent non pas dans un but purement financier mais pour faire du bien dans la société tout en gagnant correctement leur vie. Les actionnaires, s’il y en a en dehors d’eux, sont dans le même esprit. Ils choisissent le véhicule d’une entreprise capitaliste classique parce qu’ils pensent que c’est le meilleur véhicule. Ce n’est pas nouveau ; le capitalisme avec des valeurs a toujours existé depuis deux siècles, de façon très minoritaire. Godin, par exemple, dans la première partie de sa carrière en est un bel exemple. Le projet de ce genre d’entrepreneurs était au départ plutôt tourné, en interne, vers le sort de ses ouvriers et de leur famille ; aujourd’hui, le « social business » se consacre surtout à des causes externes, sociales ou écologiques, mais c’est la même logique. Je ne vais pas entrer dans le débat général sur le sujet…Pour ma part, je peux admettre que, parmi les fondateurs des jeunes sociétés fournissant de l’électricité « verte », il y a des gens qui croient au bien-fondé de ce qu’ils font et à la valeur positive qu’ils apportent à la société. Jusqu’à plus ample information, je peux même accorder ce crédit au fondateur d’Ilek par exemple. Cependant, il y a des limites à ce concept de « social business ». D’une part, développer une entreprise dans ce secteur de l’électricité, même en tant qu’intermédiaire, demande des capitaux conséquents. Tôt ou tard, ces entreprises vont devoir en chercher si elles se développent; à moins de trouver des mécènes, ce qui est toujours possible mais jamais assuré, elles devront fournir à leurs actionnaires ce qu’ils demanderont pour entrer au capital, c’est à dire des dividendes ou une plus-value conséquente à la revente des actions, d’où de possibles compromis avec les valeurs initiales. D’autre part, la fidélité à ces valeurs repose sur la seule personne du ou des fondateurs ; le jour où il ou elle s’en va, où bien simplement, où il ou elle change d’avis, rien n’empêche l’entreprise de redevenir une entreprise classique.
Bref, ces deux logiques sont celles du capitalisme et elles nous ont mené là où nous sommes aujourd’hui. Les acteurs de l’électricité « verte » qui les suivent font partie de la cohorte d’entrepreneurs qui les perpétuent en réalisant leur adaptation aux conditions de notre époque.
– C’est en revanche la vertu de la troisième logique, celle de la coopérative et de l’ESS, que d’inscrire des garde-fous de manière indélébile quant à la fidélité aux valeurs. Le réseau Enercoop est le seule dans ce paysage à suivre cette logique. Ses coopératives ont un statut de SCIC, leurs sociétaires sont leurs clients (50 % environ des clients sont sociétaires), leurs fournisseurs, leurs salariés, les collectivités locales partenaires. De par leurs statuts, elles ne peuvent distribuer que des dividendes modestes (du style taux du livret A) et, en pratique, elles n’en distribuent pas ; elles ne sont pas revendables. De par leur inscription dans la mouvance de l’ESS, elles se conforment à d’autres prescriptions liées à leur gouvernance démocratique et à l’écart maximum entre le plus haut et le plus bas salaire. Bref, on sort ici, et seulement ici, du paradigme économique classique, du moins dans l’intention. On sait malheureusement que le statut coopératif ne garantit pas la fidélité aux valeurs qui le sous-tendent. Les garde-fous qu’il offre sont certes une aide essentielle mais cette fidélité n’est jamais acquise, elle doit se cultiver malgré les difficultés de la vie quotidienne du projet, à Enercoop comme ailleurs.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur un point qui me paraît hautement symbolique. J’ai souligné plus haut une différence entre Ilek et Enercoop. Ilek permet au client de choisir à quel producteur il veut acheter et au producteur de fixer son prix, d’où mise en concurrence des producteurs. Enercoop se contente de donner la liste de ses producteurs et propose un prix uniforme à ses clients, en mutualisant les différences éventuelles de coûts d’achat. Ilek, si j’ai bien compris, reste dans la position d’un organisateur de marché où ce qui se passe est la résultante des décisions individuelles d’acteurs poursuivant leur propre intérêt. Chacun pour soi et que le meilleur gagne. Enercoop est sur une vision d’un marché où ce qui se passe résulte du dialogue entre les parties prenantes cherchant ensemble des solutions équitables pour tous ; en effet, le conseil d’administration d’une SCIC réunit des représentants de chaque catégorie de sociétaires. Certes, là aussi, à Enercoop comme ailleurs, les intentions louables ne sont pas toujours faciles à concrétiser, mais, au moins, ses membres y travaillent. Les deux fournisseurs sont donc très proches sur certains points mais dans des mondes et des systèmes de pensée très différents sur d’autres.
Je t’avais prévenu, c’était une réponse longue… je l’espère pas trop longue.
Bien sûr, si l’on veut choisir un fournisseur d’électricité, il y aussi d’autres questions à se poser : tarifs, qualité de service, politique au sujet de la précarité énergétique, attitude vis à vis de Linky, politique de ressources humaines…. Mais il s’agit de questions qui concernent tous les fournisseurs et pas seulement ceux d’électricité « verte ». Le propos ici n’était que de clarifier ce qu’il y a sous cette notion d’énergie « verte », ou d’origine renouvelable.
Amitiés et à la prochaine
Denis
30.07.17