Sivens : le débat reste ouvert

Blog BV 2 tourConfluences 81 a ressenti la nécessité de publier les cinq réactions ci-dessous. Le débat reste ouvert… Sans doute ces textes vont-ils en appeler d’autres…

Sivens : quelques déclarations à débattre ?

Que faire d’une victoire quand un homme est mort, un lieu naturel détruit et tant d’énergies perdues ?

La délocalisation du jugement et les conclusions opposées à celles données par la justice Tarnaise prouve la connivence entre barons politiques locaux, système judiciaire départemental, police et entrepreneurs introduits.

Carcenac et ses sbires seront-ils démissionnés et jugés ?

Le préfet Gentilhomme sera-t-il révoqué ?

Les policiers coupables de violences inutiles seront-ils mis à pied ?

Les cagoulés de la FDSEA seront-ils démasqués ?

Quand je me baignais, enfant, dans l’eau du Tescou, je ne pensais pas lui trouver un jour, un goût amer.

Bruno Anglade

Agriculteur

 

Déclaration de Roland Foissac

Ancien Vice-Président du Conseil général du Tarn

 

Comme en témoignent les documents publiés dans mon livre *, j’avais considéré que les arrêtés de la préfète Josiane Chevalier en octobre 2013 constituaient « un passage en force » au mépris des règles de droit.

Avec deux de mes collègues conseillers généraux, nous avions fait part de notre réprobation au président devant cette « fuite en avant : dérogation à la loi sur les espèces protégées, autorisation du défrichement » (voir déclaration de l’ADECR du 15 /11/2013) et nous sommes régulièrement intervenus pour appeler à la raison, au dialogue et à la concertation, au respect de la Charte de la participation.

On sait que nous n’avons pas été entendus et chacun connaît à quels degrés de violence, contre la nature et contre les personnes, cet entêtement à donné lieu, jusqu’au drame irréparable de la mort de Rémi Fraisse.

Il est désormais établi que ce projet de barrage n’était pas d’intérêt général (DIG abrogée le 24/12/2015), qu’il n’était pas d’utilité publique, que l’autorisation de défrichement était illégale tout comme la destruction de la zone humide (Tribunal administratif, le 1/07/2016).

C’est une cruelle leçon infligée aux autorités qui, contre toute évidence, se sont drapées derrière une prétendue « légalité », un prétendu « état de droit » et fait usage de la force dans des proportions inouïes pour réduire les opposants.

Il serait désolant que certains persévèrent dans le déni.

La politique a plus que jamais besoin de la vérité.

Albi, le 1er juillet 2016

*SIVENS, pour comprendre

-Ed. Un Autre RegArt.

 

Déclaration Conf’Paysanne 81 (Alain Hébrard)

arroser les chrysanthèmesSIVENS, une VICTOIRE, mais …

Le tribunal administratif de Toulouse a rendu un jugement dont on ne peut que se réjouir : annulation de la déclaration d’utilité publique du barrage, reconnaissance de l’énorme disproportion entre les sommes et les dégâts engagés, grande insuffisance des (soi-disant) « mesures de compensation écologiques » prévues.

Cela signifie que (sauf appel), les Conseils départementaux devront tout reprendre à zéro s’ils s’obstinent à vouloir faire un nouvel ouvrage, et qu’ils devront le faire en toute transparence contrairement à la première mouture. On peut espérer qu’ils renonceront !

Pour la Conf, il reste deux aspects inacceptables non résolus à cette date : que cessent les exactions et menaces, y compris de mort, envers la famille Lacoste et que l’on rende, sous forme d’occupation précaire en attendant un éventuel barrage, les terres à ceux qui les exploitaient. A cette condition la Conf acceptera de participer à ce qui pourrait être un vrai « projet de territoire » voulu par la ministre de l’Environnement.

Famille Lacoste :

(Voir encadré Benoît Ducasse). 15 jours après avoir mis en demeure le préfet de manifester son autorité sur la gendarmerie pour enquêter et rappeler à l’ordre les plus furieux, bien connus de tous, des pro barrages, toujours pas de réponse. On ne saurait mieux faire pour pousser les citoyens à s’organiser pour riposter !

Projet de territoire :

Comme son nom l’indique, il s’agit d’établir un diagnostic et de mettre en œuvre des mesures susceptibles de favoriser un développement harmonieux des activités agricoles et connexes de TOUS les agriculteurs de la zone, et non comme le voudrait la Fnsea-JA de s’accrocher à la seule irrigation d’une vingtaine « d’exploitants » qui ne sont pas les moins bien lotis : leurs terres sont dans les alluvions de la vallée du Tescou !

Alain HEBRARD pour la Confédération Paysanne 81

 

Point de vue de Jean Claude EGIDIO

112 page 4 tester le changement

 

Le jugement que le TA de Toulouse vient de rendre, suite à l’audience du 24 juin 2016, est extraordinaire au moins pour 2 raisons.

Rappelons en les termes : la déclaration d’utilité publique (DUP) est annulée.

La déclaration autorisant la dérogation à la loi sur des espèces animales protégées est annulée.

La déclaration autorisant le déboisement est annulée.

Mais, concernant la demande d’annulation de la déclaration d’intérêt général (DIG), le juge a prononcé un non-lieu.

Ce jugement est extraordinaire en cela qu’il donne tort à la préfète et au préfet qui ont signé les autorisations, tort aux 43 conseillers généraux qui se sont alignés sur la position de Thierry Carcenac leur président au département, tort à la CACG, à la fois experte en analyse des besoins en eau et fabricante de barrage, tort aux quelques producteurs de maïs qui escomptaient profiter à moindre frais de l’investissement public.

Le corollaire de tout ceci étant que ce jugement donne raison aux opposants, aussi bien à ceux qui ont d’abord instruit la contre-expertise, qu’à ceux qui ont occupé le site pour retarder les machines et donner le temps à la justice de se prononcer.

C’est en quelque sorte un début de réhabilitation des occupants, qui furent parfois tenus pour délinquants au point d’être condamnés en justice. C’est aussi un encouragement pour d’autres luttes, en cours ou à venir.

Mais le jugement est extraordinaire aussi en cela que le juge a refusé de statuer sur l’autre demande d’annulation, celle qui a trait à la DIG (déclaration d’intérêt général).

Précisons ici que si la DUP se rapporte au projet, son financement, son utilité, et les opérations immobilières qu’il présuppose, la DIG se rapporte plus précisément à sa mise en œuvre concrète.

Ainsi donc, le projet de barrage est jugé incohérent et par conséquent annulé, alors que le chantier qui le met en œuvre  échappe au jugement, et n’est pas considéré comme illégal. Si bien que nous nous trouvons dans une situation quasi schizophrénique.

C’est ici qu’il convient de modérer son sentiment de triomphe : le non-lieu sur la DIG met hors d’examen de la justice les exactions, les destructions, toutes les violences d’Etat qui ont accompagné les travaux. Les responsabilités ne seront pas établies, les dommages ne seront pas chiffrés, ni les réparations effectuées.

L’accord signé entre l’Etat et le département en décembre 2015 a soldé le conflit de Sivens, apuré le contentieux financier et prononcé l’abrogation de la fameuse DIG, abrogation que le Collectif Testet et FNE avaient eux-mêmes demandée dès novembre 2014.

La victoire n’est totale que pour ces deux associations, lesquelles, juste après la mort de Rémi Fraisse, ont habilement manœuvré, à l’instigation de Ségolène Royal, à la fois pour faire abandonner le projet de barrage initial et pour aménager une sortie de crise aux principaux responsables de la gabegie.

J-C Egidio

Europe Ecologie Les Verts-Groupe local Tarn

Sivens : que les responsables politiques démissionnent

Les mots sont-ils trop forts ? Exiger la démission des responsables qui ont conduit, en toute illégalité, aux drames de Sivens. Le tribunal administratif de Toulouse a jugé le 1er juillet 2016 que la construction du barrage de Sivens était illégale. Pourtant, refusant tout dialogue avec les citoyens opposés, par le passage en force et l’utilisation de la force publique au nom de « l’intérêt général » et de « l’Etat de droit », ces responsables locaux ont bâti un projet illégal. Comment ont-ils pu recueillir autant de soutien de la part de gens responsables, membres de la Fnsea, des chambres consulaires, association des maires de France, élus, ministres… ? Qu’est-ce qui ne fonctionne plus dans notre démocratie pour que la défense de la légalité ne trouve pas d’autre issue que l’occupation illégale mais légitime d’une zone à défendre (ZAD), devenue nécessaire pour que le cynisme soit contrecarré.

Qu’on ne perde pas la mémoire. Ignorant les contre-expertises des opposants au barrage, les élus départementaux, à l’exception de trois d’entre eux, ont voté pour ce barrage surdimensionné et sans utilité publique. Méprisant les avis défavorables des scientifiques, des experts nationaux et même du service de l’Etat chargé de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), la zone humide et ses 94 espèces protégées ont été massacrées pour éviter tout retour en arrière. Rejetant les accusations de répression disproportionnée portées par les députés écologistes Cécile Duflot et Noël Mamère le 20 octobre 2014, les représentants de l’Etat ont ordonné aux gendarmes de tenir à tout prix une position digne d’aucun intérêt, ce qui a conduit à la mort d’un jeune homme pacifique, Rémi Fraisse, quelques jours plus tard. Aujourd’hui, la colère est grande car toutes les alarmes ont sonné mais aucune n’a été entendue.

Mais il nous faut inexorablement nous tourner vers l’avenir et construire le projet de territoire du bassin du Tescou car c’est par la concertation que tout doit commencer. Il s’agit de mettre en place une gestion économe de l’eau, un meilleur modèle économique et agronomique de l’agriculture, mais aussi une réconciliation nécessaire entre les habitants du territoire. A une seule condition, que le responsable local de ce dramatique passage en force, Thierry Carcenac, président de conseil départemental, ne soit pas l’artisan de la construction du nouveau projet. Il est totalement décrédibilisé, il en est même devenu l’obstacle emblématique. C’est pour cela, et c’est un minimum, qu’il doit quitter ses fonctions. Ses soutiens prendront leurs responsabilités. Les élus ne sont pas propriétaires de leur mandat, le renouveau sera la condition du salut.

Stéphane Deleforge

Porte-parole eelv Tarn