Dialogue n° 12

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Contrairement à l’intox instillée par les médias nationaux, Jacques et son Maître ne moisissaient pas dans un cul de basse fosse à Rodez ni n’avaient entamé une grève de la faim sur le causse du Larzac ! Pour ce que nous savons de façon avérée, ils ont traîné leurs montures, leurs guêtres et leur goût du débat de ferme en ferme dans notre région Occitane. Pour aboutir à La Fontié, à Busque dans le Tarn ! Avec quelques cals aux mains et des milliers d’idées en tête.

Jacques : Mon bon Maître, quoi que vous décidiez à l’avenir, j’ai une furieuse envie de rester ici au milieu des résidents… s’ils m’acceptent !

Le Maître : Il est vrai que ma naissance et ma condition ne me prédisposaient pas au travail de la terre. Je le concède, j’y ai pris goût. Il y a là quelque chose de concret…

Jacques (le coupant sans vergogne) : Et le meilleur de l’histoire, c’est que La Fontié appartient à tout le monde et à personne !

Le Maître : Assurément ! Les résidents ne sont propriétaires ni des hectares cultivés ni des bâtiments. Les deux jardins symbolisent bien cette curiosité : le jardin des résidents et celui des coopérateurs sont distincts et chaque groupe y fait pousser ce qu’il décide collectivement de mettre en culture. Il y a peu encore, cela m’aurait paru complètement farfelu.

Jacques : Le plus délicat au début de cette aventure a sans doute été de définir les besoins « primaires » à satisfaire prioritairement. Afin de tendre vers l’autonomie alimentaire…

Le Maître (le coupant sans vergogne) : De santé aussi ! Quel doux nom que celui de « médecine végétale populaire » que je leur ai entendu prononcer à diverses reprises. Mais je reviens au concret : cela se traduit par la culture de plantes médicinales et la cueillette de simples…

Jacques : Il ne vous a pas échappé que les connaissances et les savoirs faire des uns et des autres ont d’abord été recensés. Afin de les mutualiser, d’où la création de « l’Université de la Terre ».

Le Maître : Mais la grande question, c’est « comment échapper à la tyrannie de l’argent ? » Pour acquérir les terres et les bâtiments…

Jacques (le coupant sans vergogne) : Ce n’est quasiment plus d’actualité ! A présent la monnaie n’est ici nécessaire que pour s’acquitter des impôts et des taxes. La difficulté, c’est toujours de savoir comment créer quelque chose de différent dans le système marchand environnant…

Le Maître (le coupant sans vergogne) : Je reste convaincu qu’il est impossible de court-circuiter le marché !

Jacques : La question est évidemment politique.

Le Maître : Toute la société qui nous entoure est fondée sur la loi de l’argent…

Jacques : Il faut la remplacer par une société de solidarité !

Le Maître : Et comment y parvenir, Monsieur le Raisonneur ?

Jacques : En mutualisant. En dépassant les frontières de la ferme, en échangeant avec les voisins, des semences, des produits et des pratiques de culture. En dépassant les frontières de la cité, du pays. En se branchant sur le monde !

Le Maître : D’où le lien de La Fontié avec les communautés indigènes du Chiapas ?

Jacques : Oui, il faut changer le monde entier !

Le Maître : La terre partagée, la terre collective… La loi de l’intérêt financier remplacée par celle de la solidarité, cela fait rêver !

Jacques : Et les décisions prises par toutes et tous en assemblée générale ?

Le Maître (rêveur) : Cela fait rêver !

Jacques : Eh bien, mon Maître, fixons-nous ici.

Le Maître : Et arrêtons de parler !

Jacques : Agissons !

Le silence retombe sur La Fontié dans la douceur du printemps qui s’installe. Est-ce à dire que Confluences 81 va se trouver définitivement privé des dialogues de nos deux compères ? Fort possible en effet, car vous l’avez noté au fil de leurs dialogues parois difficiles, leurs points de vue se sont sensiblement rapprochés ces derniers temps.

Pour en savoir plus sur La Fontié, écoutez l’émission de France Culture « Terre à terre » de mai 2014 : http://www.franceculture.fr/emissions/terre-terre/la-ferme-la-fontie#