LOUIS GEORGES ROTHSCHILD dit GEORGES MANDEL…
Le six février 1945 Robert BRASSILLACH était exécuté au fort de Montrouge ; DE GAULLE avait refusé la demande en grâce présentée par plusieurs autorités morales dont Albert CAMUS . Comme on l’apprit plus tard , il lui en voulait d’avoir provoqué par ses articles incendiaires dans “Je suis partout” l’assassinat par la milice de Georges MANDEL le 7 juillet 1944 en forêt de Fontainebleau .
Louis Georges ROTHSCHILD était né en 1885 à Chatou ; ses parents avaient fui l’Alsace lors de l’annexion par l’Allemagne en 1871 . La famille de confession israélite vit dans une petite aisance (leur nom n’a rien à voir avec la famille des banquiers !) . Mais la judéïté marquera la mentalité de l’ homme sa vie durant , tout comme ses origines alsaciennes . Ses études au lycée Condorcet se déroulent sans histoire mais très tôt il s’engage dans l’affaire DREYFUS du côté des dreyfusards . Intéressé par le journalisme qui doit lui servir de tremplin pour une carrière politique , il entre en 1902 au “Siècle” et en 1903 , le bac en poche , à” L’Aurore” , le journal de Georges CLEMENCEAU ; ce sera le début d’un long apprentissage souvent orageux auprès de celui qui allait devenir “Le Tigre” ! Et par crainte de plomber sa carrière , à une époque où l’antisémitisme a droit de cité dans toutes les familles politiques , le jeune Louis Georges ROTHSCHILD prend le nom de jeune fille de sa mère, MANDEL . Dans ce milieu journalistique et politique volontiers gouailleur , il subit sans sourciller les moqueries de ses confrères et même du patron ; il conservera toujours cette attitude, se défendant avec une ironie souvent féroce. Et il creuse “son trou” surtout dans le domaine de la politique étrangère et coloniale avec également un goût prononcé pour un anticléricalisme véhément.
En mars 1906 CLEMENCEAU devient ministre de l’intérieur et MANDEL son sous-secrétaire d’état ; mais comme il lui faut “jouer des coudes” avec les autres conseillers, il se conduit en parfait “jeune-loup” ! Et lorsque le patron a quitté ses fonctions (on était en pleine instabilité parlementaire) MANDEL, grâce à un “parachutage”, essaie de devenir député à Castellane dans les Basses-Alpes : c’est un échec (26/04/1914) , ce qui ne l’empêche pas de travailler en sous main pour le retour de CLEMENCEAU au pouvoir. Son action devient plus efficace encore dès le début de la guerre puisqu’il n’est pas mobilisable en raison de son état de santé et que les autres conseillers du “Tigre” sont au front ; il dénonce avec force tous les défaitistes et lorsqu’en 1917 CLEMENCEAU est nommé président du conseil, MANDEL est son chef de cabinet, c’est à dire son éminence grise.
Grâce au prestige de CLEMENCEAU, MANDEL en 1919 est élu député en Gironde dans la chambre” bleu-horizon” à tendance patriotique très affirmée ; quinze jours après il devient maire de Soulac et en 1920 président du conseil général ! Malgré une telle réussite , tout n’allait pas pour le mieux : le nouveau député , autoritaire , cassant et ironique eut à subir des séances mémorables à l’assemblée nationale surtout lorsqu’il critiquait la politique trop “molle” vis à vis de l’Allemagne d’Aristide BRIAND ; ses adversaires , depuis la droite jusqu’à la gauche n’hésitaient pas à user de toutes les insultes racistes les plus ignobles ! En 1924 MANDEL perd son siège à l’arrivée du cartel des gauches : le patriotisme de la chambre bleu-horizon avait vécu , ce qui amènera MANDEL à prendre du recul par rapport à son comportement politique et humain . Il est à nouveau député de Gironde en 1928 et il le restera jusqu’en 1940 ; On commence à se rendre compte de la valeur de l’homme : en novembre1934 il est nommé ministre des postes télégraphes et téléphones : son action est brutale vis à vis du personnel mais la réorganisation est efficace ; on lui doit aussi la multiplication des relais hertziens de radio et même en 1935 la première émission de télévision ; mais de toute évidence il aurait préféré le ministère des affaires étrangères , ce qui lui aurait permis de se faire davantage entendre lors de la remilitarisation de l’ALLEMAGNE . Il conserve son siège lors du ras de marée de la gauche en 1936 ce qui montre son ancrage ; Et dès 1938 , le 12 avril , il est à la tête du ministère des colonies ; il désire instituer une grande armée coloniale , persuadé qu’il est qu’un nouveau conflit se gagnerait à l’extérieur de la métropole . Très tôt ses inquiétudes paraissent justifiées après les accords de Munich le 30 septembre 1938 : il proclame tout haut ce que DALADIER pense en lui-même . Il en vient même à proposer sa démission ce qui lui est refusé . Au début de la guerre il obtient le ministère de l’intérieur qu’il ne conservera que peu de temps ; il s’attaque alors violemment aux ligues fascistes qui se développent et qui prônent le “pacifisme”.
L’année 1940 fut fertile en événements pour l’ensemble de la France et par là-même pour MANDEL : dès le mois de mai l’Allemagne lance la guerre éclair ; le gouvernement se réfugie alors en Touraine avant de choisir Bordeaux ; le 16 juin REYNAUD se croyant mis en minorité par les “pacifistes” dont PETAIN démissionne, entrainant MANDEL dans sa chute ; PETAIN devient président du conseil ; face aux rumeurs d’armistice les anglais essaient d’inciter les Français à constituer un gouvernement en exil à Londres ; ils songent surtout à MANDEL ; mais ce dernier refuse par des allégations futiles ; il craint surtout qu’on le considère comme un fuyard. Et c’est un inconnu, DE GAULLE, qui partira. Dès le 17 juin il est arrêté sur ordre du gouvernement par suite d’une dénonciation mensongère ; il est rapidement libéré avec une lettre d’excuses de PETAIN : première alerte …. Finalement il s’embarque avec d’autres parlementaires dont J. ZAY à bord du Massilia pour le Maroc avec l’intention de poursuivre le combat depuis les colonies. L’armistice avec le Reich est signé le 22 juin et les parlementaires sont faits prisonniers à leur arrivée pour désertion ; on voudrait bien condamner MANDEL à mort mais les charges sont inexistantes. Et une fois de plus les anglais ne parviennent pas à le ramener à Londres. Dès l’automne, il est rapatrié en métropole sans être vraiment condamné et jusqu’à la libération de l’Afrique du nord par les alliés, il est “promené” de prison en prison ; il rencontre par intermittence REYNAUD, DALADIER, BLUM, prisonniers comme lui : sa foi en la victoire des alliés demeure intacte. Pendant toute cette période sa compagne et sa fille essaieront de le suivre ! En novembre 1942 les allemands qui viennent d’envahir la zone libre envoient ces prisonniers en Allemagne ; ils serviront éventuellement d’otages. Le 4 juillet 1944 MANDEL est “réexpédié” en France : Philippe HENRIOT vient d’être exécuté ; il sait fort bien ce qui l’attend, comme le précisera plus tard L. BLUM .
Comme J.ZAY , MANDEL est aujourd’hui relativement peu connu ; s’il fut un politique de grande valeur, assez inclassable sur l’échiquier politique , il n’a jamais atteint la notoriété d’un DE GAULLE ou d’un JEAN MOULIN . Il n’était pas né avec un cuillère d’argent dans la bouche ; et le personnel de la troisième république attend encore sa réhabilitation.
Jean-Pierre Shiep