Labruguière : de Marie Curie à Mata Hari et les femmes oubliées de l’histoire

du 8 mars au 20 mai, à Labruguière, à l’Espace Arthur Batut

Contact. Espace photographique Arthur Batut, Le Rond-Point 1 place de l’Europe 81290 LABRUGUIERE Tel : 05 63 82 10 60
Exposition préparée par Danielle Autha et Serge Nègre, inaugurée le 8 Mars

Pour nous distinguer parmi les manifestations qui marquent le centenaire de la Grande Guerre, il nous a semblé judicieux d’offrir les cimaises de l’Espace Arthur Batut aux compagnes des Poilus. Elles ont largement contribué aux efforts du pays alors même que leur travail a été en partie éclipsé. N’est-il pas vrai qu’« un homme sur deux, est une femme» ? Les rendre visibles dans le paysage masculin de la guerre permet au visiteur de découvrir une réalité parfois occultée. Sait-on que sur les 77 personnalités honorées au Panthéon il n’y a que 4 femmes, dont 2 depuis 2014. (Sophie Berthelot, Marie Curie, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle Anthonioz). Selon un slogan féministe des années 1970 «il y a encore plus inconnu que le soldat inconnu, c’est sa femme !»

Nous nous sommes fixés comme objectif de montrer des documents rares, des images emblématiques. Il importe d’afficher les clichés inconnus, conservés par les anciens Labruguièrois qui dévoilent la physionomie et l’atmosphère de la ville à cette époque. Il ne s’agit pas d’un travail conceptuel ou contemporain comme on les aime aujourd’hui, mais d’une exposition historique accompagnée de larges texte. Ce corpus hétéroclite de photographies, remède contre l’oubli, rend tout simplement hommage aux courageuses femmes de cette période.

Si à Sarajevo le 28 juin 1914 l’assassinat de François Ferdinand mettait le feu aux poudres, on oublie souvent de citer, la duchesse Sophie, son épouse, victime elle aussi de Gavrilo.

Voici que défilent sous nos yeux des personnalités célèbres : Marie Curie, Nicole Mangin, Sarah Bernardt, Rosa Luxemburg, Mata Hari mais également des inconnues et des anonymes. Originaires des divers pays belligérants elles représentent toutes les catégories sociales. Elles occupent des activités pour la plupart jusque là réservées aux hommes. Certaines photographies peuvent surprendre et paraître aujourd’hui surréalistes.

Les douces mains des «anges blancs», infirmières, médecins, radiologues ont soigné et caressé les blessés. Les beaux visages des artistes, les corps sveltes et lisses, des marraines de guerre et des prostituées ont fait rêver combien de poilus ? De la plus humble à la plus héroïque, de la plus distinguée à la plus modeste, nous ne voulions en oublier aucune, les aviatrices et les espionnes, les « munitionnettes» et les Madelons, les cantinières, les Alsaciennes et les humbles ouvrières, ou les simples paysannes. Chacune a valorisé ses talents, permettant l’émergence d’une femme nouvelle qui a dû rentrer dans le rang sitôt la guerre finie.

N’est-il pas émouvant tout au long de l’exposition, de découvrir que nos arrières grand-mères ainsi que nos grand-mères, pour qui certains, ont une immense tendresse avant d’être « vieilles » ont été jeunes elles aussi !

En plus de leur rôle de mère et d’épouse, elles ont dû remplacer les hommes dans bien des domaines, à tous les échelons. Elles ont excellé comme chef d’entreprise que ce soit dans l’industrie ou le commerce mais également dans les usines. Elles se sont révélées dans les fermes comme des agricultrices expérimentées. Toutes les administrations ont eu recours à leur savoir faire. Avions-nous imaginé leur courage, leur vaillance dans les épreuves du quotidien, la pénurie et la mort ? Elles n’ont écouté que leur cœur, attelées à un ouvrage immense et au-dessus des forces du dit sexe faible.

La guerre terminée beaucoup se sont retrouvées veuves, tandis qu’une foule de poilus marqués dans leur chair et gravement mutilés sont rentrés au foyer. Leurs compagnes se sont alors dévouées auprès d’un mari ou d’un fiancé affaibli, amputé, paralysé, défiguré. L’une d’elles nous a fait cette remarque admirable : « on m’a appelée Marie, on aurait dû m’appeler Patience ». Elle soigna pendant plus de cinquante ans la jambe en décomposition de  son époux qui au retour du front, avait refusé l’amputation proposée.

Saisissant l’opportunité de ces commémorations, les humains tireront-ils enfin des leçons du passé ? Sera-t-il possible un jour de stopper les conflits par la diplomatie et non par la guerre ? Ce mal qui déshonore le genre humain, occupe encore trop souvent les informations journalières. Les confrontations armées entraînent des conséquences si lourdes, destructions, vies brisées, corps meurtris à jamais qu’elles marquent durablement les esprits, engendrent haine et désirs de vengeance. Le cercle vicieux de l’enchaînement des violences ne s’arrêtera-t-il donc jamais ?

Que soient ici remerciés, tous ceux qui ont rendu cette exposition possible en acceptant de partager des souvenirs et des documents précieux. Des archives privées, la documentation de l’Institut Marie Curie, la BNF et les sources inépuisables d’internet ont fourni les sujets qui nous manquaient.

Nous tenions à être des ambassadeurs de la paix et de la mémoire, en mettant à l’honneur celles qui furent à la peine.

Danielle Autha Nègre