Maria « Pita » Mayor Fernàndez de la Camara (1560-1643)
Certains vous diront sans doute que les armes, les batailles, les guerres sont une affaire d’hommes. Des valeurs telles que la virilité, le courage, l’intrépidité sont requises pour cet art. Et ces valeurs là, et bien voyez-vous, on dit qu’elles sont « masculines ». On prendra pour preuve les faibles effectifs de femmes au sein des armées officielles, au sein des groupes de guérilla (même si les certitudes prennent du plomb dans l’aile avec les combattantes kurdes qui luttent vaillamment contre Daech !), mais on ne se posera pas la question des interdits et des obstacles qui ont longtemps empêché les femmes d’accéder à de telles fonctions. On ne vous parlera pas non plus du nombre impressionnant de femmes militaires violées au sein de l’armée française ou au sein de l’armée des USA (toutes les 3 heures, une militaire étasunienne est violée). Elles seront sans doute considérées comme victimes collatérales d’un corps de métier rude, viril, qui a ses propres règles, dont celle de l’omerta… Aucun nom d’héroïne guerrière ne leur viendra à la bouche, si ce n’est peut-être Jeanne d’Arc ! Comme tout et son contraire a déjà été écrit sur Jeanne la Lorraine, je ne m’y attarderai pas. D’autant que j’ai tendance à éviter les personnages admirés et récupérés par l’Extrême Droite Catholique !
Un peu plus d’un siècle après le procès de Rouen, à environ 1500 kilomètres plus au sud, alors que d’autres bûchers engloutissaient les victimes de l’Inquisition, une autre femme, en Espagne cette fois, faisait l’admiration d’un roi.
En 1589, lors de la défense de la cité de La Corogne contre un pillage en règle par les troupes du corsaire britannique Francis Drake et du général Norris, une galicienne, du nom de Maria Pita Mayor Fernández de la Cámara s’illustre en tuant d’une lance, le porte-drapeau anglais et en s’emparant dudit drapeau. Par cet acte, elle redonne courage à ses compatriotes. La légende dit que c’est pour venger son époux, tué quelques heures plus tôt par les anglais, qu’elle est montée à l’assaut à son tour. Quelle que soit la part de vérité, il n’en demeure pas moins que les Britanniques, surpris par la résistance des espagnols et des espagnoles reprennent la mer, amers.
Maria Pita est sacrée héroïne de la cité, le roi Philippe II d’Espagne lui octroie une rente à vie et le grade de Lieutenant. Une statue à sa gloire trône depuis en face de la mairie de La Corogne. Le caractère intransigeant, volontaire de Maria Pita a été utilisé pour symboliser les idées féministes et la lutte pour la liberté des femmes en Espagne. Mariée quatre fois, divorcée et veuve, elle est aussi un exemple d’autonomie pour les femmes du peuple.
Revenons-en aux femmes militaires. De nos jours, en France, les femmes représentent 15 % des effectifs de l’Armée*. La présence grandissante des femmes au sein de l’armée n’éloigne pas, hélas, les discriminations persistantes, le harcèlement verbal et encore moins les violences physiques.
Malgré la loi du 13 juillet 1972 qui instaurait le principe d’égalité entre les hommes et femmes au sein des armées en supprimant les distinctions statutaires entre militaires des deux sexes, il aura fallu attendre 1998 pour supprimer la notion de quotas limitant l’accès des femmes à certains postes**. L’armée espagnole n’échappe pas non plus aux violences faites à ses femmes soldates. J’en veux pour preuve l’affaire concernant la capitaine Zaida Cantero, accusant le colonel José de Lezcano-Mújica de harcèlement sexuel. Elle a réussi à le faire condamner par le Tribunal Suprême espagnol à presque trois ans de prison, après une course d’obstacles administratifs. Mais à partir de cette relative victoire judiciaire, la carrière de la Capitaine Cantero a été freinée. Le grade de Commandant semble lui être difficile d’accès.
En France, devant la pression, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a promis de prendre en considération le harcèlement des femmes engagées dans l’Armée française. Il souhaite que cette question soir explicitement mentionnée dans le Code de la Défense. Pourtant leurs plaintes sont rarement étudiées avec attention. Admettre les viols et le harcèlement au sein de l’armée française serait admettre une faille de ce système, serait admettre que ceux qui ont pour mission de « nous » défendre sont aussi dangereux que n’importe quel ennemi… Alors certain-e-s préfèrent fermer les yeux et se boucher les oreilles.
Patrice K
* Le taux de féminisation de l’Armée française place le pays au premier rang des nations européennes dans ce domaine. La France compte 20 femmes au grade de Générale (sur 531 personnes à ce grade) ** En France, les postes de sous-officiers dans les escadrons de gendarmerie mobile demeurent encore spécifiquement réservés aux hommes, tandis que les postes à bord des sous-marins de guerre devraient s’ouvrir aux femmes en 2017.
– Conseil de lecture pour approfondir sur le sujet : « La Guerre invisible. Révélations sur les violences sexuelles dans l’armée française ». Leila Miñano & Julia Pascual (2014) [Éditions Les Arènes]
– Le N° 43 du magazine Causette (mars 2014) consacre un article sur le sujet des violences sexuelles dont sont victimes les femmes militaires au sein de l’armée française.