Aimé ou détesté N° 116

MITTERRAND AVANT LE 10 MAI 1981…

116 page 12 François_Mitterrand_1959“MITTERRAND c’est du gâchis pour longtemps” pouvait-on lire sur des murs à Aix en Provence au lendemain de mai 68 ; Treize ans plus tard il était élu assez confortablement président de la république…

Né en 1916 à Jarnac il passe sa jeunesse dans un milieu de bourgeoisie riche assez conservateur , fréquente les écoles catholiques privées avant de monter en 1934 à Paris le bac en poche pour mener de front des études de droit de science politique et de littérature ; il loge alors chez les pères maristes , fait partie des “volontaires nationaux” (Croix de feu) et entretient des relations avec certains membres de la “Cagoule”; on ne trouve pas cependant chez lui de trace d’antisémitisme ! Il s’inscrit en 37 dans “l’infanterie coloniale” où il rencontre Georges DAYAN socialiste qui deviendra l’ami de sa vie ! Soldat en 39 fait prisonnier en 40 il s’évade en décembre 41 et rejoint Vichy à la fin de l’année au commissariat au reclassement des prisonniers de guerre ; cet organisme comme bien d’autres placé au début sous la houlette de PETAIN passe assez rapidement sous l’influence de la Résistance. En juin 42 on le retrouve au château de Mont Maur “centre d’accueil pour prisonniers” au pied du Dévoluy (1) base arrière du futur maquis du Vercors, en compagnie de ROSANVALLON et de KLARSFELD. Ce sont ses amis résistants qui lui conseillent au printemps 43 d’accepter la décoration de la “francisque” pour mieux brouiller les cartes ; il rompt les amarres définitivement avec Vichy à la fin du printemps de cette même année pour rejoindre sous le pseudonyme de MORLAND   DECHARTRE et de BENOUVILLE avec lesquels il tisse un réseau très important tout d’abord au sein du Bureau central de renseignement et d’action puis dans l’Organisation résistance de l’armée (ORA) : il se spécialise surtout dans la fabrication de faux-papiers. Dès lors on le retrouve à Londres puis à Alger où il tient tête à de GAULLE ! Recherché par la Gestapo et la Milice il échappe à l’arrestation grâce à… BOUSQUET (un collabo de haut vol). Enfin en août 44 il participe à la Libération de Paris. Comme beaucoup de résistants de droite (ou même de gauche) MITTERRAND a d’abord été “maréchaliste” mais jamais collabo !

La IVème République régime des compromis (des compromissions?) se prolonge jusqu’en mai 58 ; MITTERRAND le “florentin” s’y sent particulièrement à l’aise parfois même à l’excès ; député de la Nièvre, maire de Château-Chinon il est nommé onze fois ministre jusqu’en juin 57 ! Appartenant à l’UDSR (union démocratique et socialiste de la résistance) parti centriste il est sollicité aussi bien par des présidents du conseil de droite comme J. LANIEL que de gauche comme P. MENDES-FRANCE. Il lui arrivera à plusieurs reprises de démissionner trouvant la ligne politique du président du conseil trop à droite vis à vis du problème colonial ; il s’attire ainsi l’hostilité des colons, du RPF et du MRP. Cette haine tous azimuts éclate une première fois alors qu’il est ministre de l’intérieur de MENDES-FRANCE en 54 ; on l’accuse d’avoir fait fuiter des documents secrets vers l’ambassade d’URSS ! Mais le plus grave reste à venir : le 31 octobre 54 éclate en Algérie la “Toussaint sanglante”; “l’Algérie c’est la France” déclare-t-il ! On lui a beaucoup reproché cette formule alors qu’à l’époque même le PCF était de cet avis ; G.TILLION est envoyée par ses soins en mission dans les Aurès. Enfin en 56 il devient ministre de la justice de G. MOLLET au moment où éclate la bataille d’Alger avec son cortège d’horreurs ; alors que le gouvernement perd pied il n’hésite pas à couvrir un grand nombre d’exécutions capitales ; il dira plus tard regretter de n’avoir pas démissionné ; prisonnier de son ambition (son péché mignon) il espérait devenir président du conseil (le plus haut rang de l’exécutif sous la IV°) pour infléchir la politique algérienne. C’était sans compter sur l’avènement de la V° au lendemain du putsch d’Alger (13 mai 58) ! Certains hommes politiques de “gauche” sont “déroutés” et dénoncent le “coup d’état”. MITTERRAND est particulièrement virulent tout comme MENDES-France, ce qui lui coûte son siège de député en novembre 58 ; c’est la traversée du désert d’autant qu’il n’appartient à aucune formation politique importante ; en 59 il est “victime” d’une tentative d’attentat au jardin de l’observatoire ; la rumeur affirme qu’il avait lui-même tout organisé pour se “remettre” en selle ; malgré des zones d’ombre il semble que l’extrême-droite partisane de l’Algérie française ait tout manigancé. Pourtant une fois de plus il renaît de ses cendres : à la tête de la petite “convention des institutions républicaines” il est choisi pour représenter toute la gauche aux présidentielles de 65 contre de GAULLE : au second tour la FGDS (2) totalise 45,5% des voix. Succès sans lendemain ! En mai 68 sous la pression de ses amis (qui s’empresseront de le désavouer) il propose ses bons offices après des élections en cas de vacance du pouvoir. Ambition quand tu nous tiens ! Or de GAULLE a fait un simple aller-retour à Baden-Baden ! La droite accuse MITTERRAND de coup d’état en déformant ses propos ! Une fois de plus le phénix renaît de ses cendres : en 1971 il parvient à unifier pratiquement toute la gauche non communiste sous la houlette du PS et il en devient président (il n’avait pas sa “carte” auparavant !) ; en 72 c’est la signature du programme commun avec le PC et les Radicaux de gauche ; enfin en 74 il totalise 49% des voix à la présidentielle. Ce sera pour la “prochaine” pense-t-on. Las le programme commun vole en éclats à l’automne 77 et les législatives du printemps 78 sont en demi-teinte ; et un certain M. ROCARD essaie de supplanter MITTERRAND dans la faveur publique. Mais le 10 mai 81…

Si A. DUMAS avait connu MITTERRAND il en aurait fait un beau roman à épisodes !

Jean-Pierre SHIEP

1) massif montagneux calcaire (2793 m) entre Veynes Gap et Lus la Croix-haute ; les nombreuses grottes sont de bonnes planques !

2) fédération de la gauche démocratique et sociale (le sigle a disparu très rapidement)