Germaine Tillion

115 page 12 G TillionGERMAINE TILLION…. (1907-2008)

La longue vie de Germaine TILLION épouse tout le XX° siècle ; elle en a été un témoin très actif jusqu’à la fin de sa vie en 2008.

Elle voit le jour à Allègre en Haute-Loire dans un milieu de bourgeoisie catholique «éclairée”. Son père magistrat s’intéresse à tout, y compris à la chasse ; Germaine débute ses études à Clermont -Ferrand à l’institution Jeanne d’ARC. “Je ne mettais pas en doute l’existence de deux monstres sans visage l’allemand et la mort ” dit-elle pendant la première guerre mondiale. Phrase prémonitoire… A partir de 1922 la famille vit à Saint-Maur et contribue à la rédaction des Guides-Bleus chez Hachette, une référence aujourd’hui encore ; Après le bac en 1925 Germaine se lance dans des études variées : archéologie, Histoire, religions, et surtout ethnologie. Elle suit alors les cours de M. MAUSS fondateur de l’Institut d’Ethnologie et professeur au Collège de France ; elle est donc amenée à voyager tout d’abord en Prusse orientale de décembre 32 à février 33 , période des débuts du nazisme au pouvoir ; ensuite en 1935 avec une bourse de “l’International Society of African Languages and Culture” elle part en mission jusqu’en 36 dans les Aurès en pays berbère après avoir appris la langue ; elle approfondit ses rapports avec les autochtones d’autant qu’elle adopte leur mode de vie en rejetant tout ce qui est européen et qu’elle recueille toutes les vieilles légendes ; peu sensible au début aux phénomènes de racisme elle réinterprète en côtoyant des intellectuels algériens de petits faits qui lui paraissaient anodins . Après un retour en métropole elle obtient en 39 une nouvelle bourse du “jeune” CNRS pour un nouveau séjour dans les Aurès. Pendant cet “intermède» européen elle fait un court séjour en Bavière ; d’autre part au “Musée de l’Homme” elle se lie avec l’ethnologue Jacques SOUSTELLE. Dès cette époque elle pressent ce que sera l’évolution de l’Algérie. Rentrée en métropole en pleine débâcle fin mai 40, dès le 17 juin jour de la demande d’armistice par PETAIN elle entre en Résistance. Elle se met en contact avec le Musée de l’Homme (1) dans le but d’aider les prisonniers de guerre notamment les africains ; il va de soi que “l’Union nationale des Combattants coloniaux” cache d’autres activités ; à la fin de 1940 elle donne ses papiers à une famille juive qui échappe ainsi à la déportation ; mais en 41 et 42 le réseau est démantelé et ses chefs sont exécutés pour espionnage ; elle se met alors en relation avec “Combat Zone Nord». Mais l’infiltration du réseau entraine son arrestation le 13/08/42. Incarcérée à la Santé puis à Fresnes où elle apprend l’arrestation de sa mère elle est déportée sans autre forme de procès à Ravensbrück dans la catégorie “N N” (nuit et brouillard) l’une des pires catégories de déportés. Mais elle manie au plus haut point l’humour et l’ironie tout en prenant le maximum de notes pour instruire les générations futures ; et elle communique avec les divers baraquements du camp malgré les interdictions pour apprendre aux nouvelles arrivantes comment survivre. C’est ainsi qu’elle rencontre à nouveau Geneviève DE GAULLE ANTONIOZ ; elles resteront liées leur vie durant !

Rentrée en France au lendemain de la guerre Germaine TILLION dans un premier temps participe “au devoir de mémoire” tout en réintégrant le CNRS. Mais elle n’avait pas un caractère à se complaire dans l’évocation et le jugement du passé ; le 31 octobre 1954 se déroule à Alger “La Toussaint Sanglante”. C’est les débuts des “événements” d’Algérie ; dès fin novembre 54 le ministre de l’intérieur du gouvernement MENDES-FRANCE François MITTERAND l’envoie en mission d’observation dans le département de Constantine dans les Aurès qu’elle connaît bien .Et sur place c’est la mauvaises surprise : la population a augmenté considérablement mais les ressources agricoles n’ont pas changé depuis la fin des années trente ; “vous nous avez laissés au milieu du gué” lui disent les berbères. Entrée au cabinet du gouverneur général J.SOUSTELLE en février 55 elle élabore le projet des centres sociaux pour l’intégration des paysans à la vie citadine. Mais SOUSTELLE est remplacé par LACOSTE encore plus conservateur ; les centres sociaux tombent plus ou moins en désuétude plusieurs fois inquiétés pour collaboration avec le FLN ! Rentrée à Paris elle entre en rapport (?) avec Albert CAMUS et consomme la rupture avec J. SOUSTELLE. En juin 57 elle est à Alger pour le CICRC (2) avec le socialiste David ROUSSET ; sur place la torture est générale. Germaine TILLION en profite pour rencontrer Yacef SAADI et Ali la POINTE dans l’espoir d’obtenir l’arrêt des attentats aveugles ; en échange les français suspendraient les exécutions capitales ; lors d’un aller retour à Paris elle rencontre le socialiste André BOULLOCHE qui l’incite à maintenir le contact – ce qui est fait dès le 9 août. Après l’arrestation en septembre de Yacef SAADI qui a respecté la parole donnée Germaine TILLION prend sa défense – il sera gracié par DE GAULLE en 59 -. Elle sera en butte aux inimitiés des militaires et d’une partie de la gauche (?!). Et en 60 elle entre dans le groupe Vérité-Liberté issu du comité Maurice AUDIN. En plus de ses activités “algériennes” dès 59 elle fait parte du cabinet d’André BOULLOCHE ministre de l’éducation du premier gouvernement DEBRE ; elle prend en charge la promotion de l’instruction dans les prisons ; elle s’engage aussi dans la cause de l’émancipation des femmes dans le bassin méditerranéen. Même au moment de la retraite elle poursuit ses activités : en 1996 elle rejoint le comité de défense des sans-papiers ; à partir de l’an 2000 elle rédige enfin sa “thèse” sur les Aurès grâce à ses souvenirs, la plupart des documents ayant disparu pendant la guerre. Elle a bien mérité en 96 la dignité de grand-croix de la légion d’honneur remise par Geneviève DE GAULLE ANTONIOZ. Et sa “panthéonisation” a couronné post mortem une vie exemplaire.

JP SHIEP

1) G.DE GAULLE-ANTHONIOZ et P.BROSSOLETTE font partie du même groupe

2) commission internationale contre le régime concentrationnaire