Dialogue n° 11 de Jacques et de son Maître

114 page 5 cravirola-parent448Cravirola, la garrigue

Finalement, Jacques et son Maître ayant décidé de passer l’hiver au chaud plutôt que de courir les chemins peu agréables en cette saison, restèrent plus de trois mois à Cravirola. Le printemps venu, ils enfourchèrent leurs montures. En principe en direction des Causses Aveyronnais. Evidemment, le dialogue s’installa dès que les sabots foulèrent la garrigue toute odorante des premières senteurs de la belle saison.

Jacques : Mon sentiment sur ce séjour est plus que positif : repos, nourriture saine, groupe accueillant, rien à redire !

Le Maître : Un peu trop de travaux de jardinage à notre arrivée, à mon goût !

Jacques : Les médecins se tuent à le répéter : un peu d’activité physique ne saurait nuire !114 page 5 Cravirola fromages

Le Maître : Molière n’a jamais manqué d’affirmer que ce sont des ânes : « asinus, asina, asinum… » !

Jacques : Pour ma part, j’ai ressenti un grand intérêt pour les réunions régulières autour d’un thème fondateur du projet qu’ils mettent en pratique. N’est-ce pas une belle chose que de décider ensemble des objectifs qu’ils souhaitent atteindre, de les remettre en question le cas échéant ? Ce n’est pas banal… Et j’ajouterai que leurs objectifs devraient parler à plein de gens : abandon de la propriété individuelle, non enrichissement matériel personnel…

Le Maître : Je n’arrive toujours pas à comprendre de telles motivations !

Jacques : Ce qu’ils « perdent » en enrichissement matériel est largement compensé par la qualité de la vie qu’ils mènent, non ? Et que dire de l’agriculture paysanne, de l’accueil militant, de la création d’événements « engagés », de la solidarité entre eux ?

Le Maître : Jacques, ce n’est pas mon monde…

Jacques : Le monde va changer de bases, mon bon Maître ! Leur « économie » se fonde sur l’activité agricole et sylvicole, la production de viande et de fromages. Elever des poules et des chèvres, cultiver des légumes sains dans le respect de la nature, c’est la voie nouvelle vers une économie plus humaine !

Le Maître : Jacques, Jacques, tu t’enflammes !

Jacques : Mon Maître, il faut comparer les choses entre elles : au prochain carrefour, nous achèterons dans cette grande épicerie trois yaourts (pour le prix de deux ?) bien blancs, bien propres à l’œil, mais à l’évidence bourrés de produits chimiques. Cela nous permettra de goûter la différence !

Le Maître (soupirant) : Si la vie était aussi simple…

Il se plongea brusquement dans un mutisme total que l’entrain de Jacques ne parvint pas à briser. Ils cheminèrent en silence.

Candida ROUET

Mai 2015