Hypatie d’Alexandrie était une mathématicienne, astronome et philosophe grecque dont la naissance est établie en 370 (soit 10 ans avant que l’Empereur Théodose 1er proclame le christianisme comme religion officielle de l’Empire romain).
Son père, Théon d’Alexandrie, serait le dernier directeur du Musée d’Alexandrie. Il l’initie à l’arithmétique et à la géométrie. Elle étudie ensuite la philosophie à Athènes, où elle suit les enseignements d’Asclépigénie, une philosophe néo-platonicienne (et oui, des femmes enseignaient la philosophie en ce temps là, mais on s’est habilement ingénié à faire disparaître leurs traces de l’histoire officielle !)
Devenue à son tour philosophe, elle dirige à Alexandrie, l’école néoplatonicienne, où elle enseigne notamment Platon et Aristote.
L’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie (probablement commis par des chrétiens pour effacer les traces des écrits païens !) a réduit en cendres les écrits d’Hypatie (dont on ne connaît que les titres !)
Dans les lettres que Synésios de Cyrène, un de ses anciens élèves (qui deviendra évêque), lui adresse on en sait un peu plus sur elle. Il célèbre sa grâce, sa beauté et son intelligence, car il lui demande de l’aider à réaliser un hydromètre, un astrolabe, des cartes géographiques…
En conclusion d’une de ses lettres (classée « Lettre 24), Synésios écrit : « (…) Quand bien même nul souvenir ne resterait aux morts dans les enfers, moi je m’y souviendrais de ma chère Hypatie ».
L’historien Socrate le Scolastique rapporte, vers 440, dans son « Histoire ecclésiastique » : « (…) Il y avait dans Alexandrie une femme nommée Hypatie, fille du Philosophe Théon, qui avait fait un si grand progrès dans les sciences qu’elle surpassait tous les Philosophes de son temps (…) un nombre presque infini de personnes accouraient en foule pour l’écouter. La réputation que sa capacité lui avait acquise, lui donnait la liberté de paraître souvent devant les Juges, ce qu’elle faisait toujours, sans perdre la pudeur, ni la modestie, qui lui attiraient le respect de tout le monde (…) »
Hélas, cette intelligence conduit inévitablement à des jalousies. Notamment celle du pouvoir religieux en train de s’organiser dans le bassin méditerranéen : le christianisme.
Elle soutient Oreste, le préfet impérial d’Alexandrie (dernier préfet païen d’Alexandrie) contre les tentatives d’intrusions politiques par le pouvoir ecclésiastique du Patriarche Cyrille d’Alexandrie qui entraînent des conflits sanglants entre communautés religieuses dans la cité. Ses prises de positions, comme son attrait pour les sciences lui valent la haine des chrétiens d’Alexandrie, qui ne supportent pas les enseignements philosophiques qu’elle délivre.
Des moines fanatiques décident alors de l’empêcher de leur nuire (est-ce sur l’ordre du patriarche Cyrille ?). Un jour de mars 415, ils l’enlèvent, la conduisent dans une église, la dépouillent et la tuent à coup de pot en terre, de pierre et lézardèrent son corps à l’aide de fragments de poterie ou de coquillages. Ils la démembrent et mettent le feu à son cadavre.
Selon Elena Gajeri*, Hypatie devient malgré elle une icône. Une martyre païenne massacrée par les chrétiens ; une héroïne pour les adeptes de l’arianisme* massacrée par les chrétiens alignés sur le Concile de Nicée* ; une héroïne pour les chrétiens sages de Constantinople car massacrée par les chrétiens fous d’Alexandrie ; héroïne des hellénistes romantiques qui rejettent l’influence romaine ; héroïne des anticléricaux qui voient en elle une victime du pouvoir religieux ; héroïne des positivistes pour qui elle est la victime de l’obscurantisme religieux face aux sciences et héroïne proto-féministe face à la misogynie …
Face à l’absence d’éléments historiques, nous fabriquons l’Hypatie qui sert nos causes !
Patrice K
* Elena Gajeri est l’auteure d’un livre « Hypatie un mythe littéraire ». À ma connaissance, cet ouvrage n’a pas été traduit en français.
* Arianisme : doctrine issue du prêtre alexandrin Arius. Considère que Jésus Christ est humain est n’est pas de la même substance que dieu le créateur. L’arianisme est considéré comme hérétique et excommunié lors du Concile de Nicée de 325.
* Le Concile de Nicée (dans l’actuelle Turquie) : convoqué par l’Empereur Constantin 1er en 325. Des évêques chrétiens de l’Empire romain sont réunis pour régler le différent dogmatique entre le prêtre Arius et l’évêque Alexandre, afin de rétablir une unité religieuse au sein du christianisme. Au terme de ce concile, l’arianisme sera excommunié.