Un autre monde existe : Marinaleda

 Après un premier séjour de 3 semaines à Marinaleda, en janvier 2011, nos camarades Brigitte et Francis témoignent pour Confluences 81

 IL ÉTAIT UNE FOIS

UnknownMarinaleda : ville d’Andalousie de 2700 habitants en Espagne et Sarkoville sur Tarn ville de 2300 habitants en France.

Acte 1

A Marinaleda : 

Pas de gendarmes, pas de police municipale.

Un maire (Juan Manuel Sanchez Gordillo) élu, réélu depuis 32 ans avec entre 65 et 78% des voix exprimées et des conseillers qui ne prennent aucune rémunération.

Un maire qui ne fait rien sans l’accord et l’appui de la population, un engagement signé entre les deux parties les soude.

Une démocratie active et participative qui implique les citoyens deux à trois fois par mois.

Des prises de positions appliquées si 60% des citoyens les approuvent.

Des subventions qui servent l’intérêt général des citoyens.

Une vaste coopérative ouvrière (conserverie et exploitation agricole) où les salaires sont égaux entre hommes et femmes (1200€) pour 6 heures par jour et 6 jours par semaine (aménageable suivant les besoins et nécessités), les bénéfices servent à la communauté.

Pas de demandeur d’emploi.

La construction d’une maison de 90 m2 avec terrain et potager et l’urbanisme sont pris en charge par la commune, la construction proprement dite est faite en commun, les matériaux sont garantis par la collectivité contre 15 € par mois à vie.

Les taxes d’habitation sont prises en charge à 50% par la mairie.

L’eau potable est distribuée à tous par une régie de commune : le coût est de 5 € par mois sans augmentation depuis 1979.

La crèche coûte pour les parents 12€ par mois repas compris.

Une télévision de village associative où chacun peut s’exprimer.

Des services sportifs totalement gratuits, sauf la piscine 3€ par an.

Un restaurant dit “syndicat” où l’on déguste des plats pour un euro pris en charge par la mairie.

Des murs permettant aux jeunes d’exprimer leurs états d’âme ou d’afficher leurs talents.

La semaine sainte est consacrée à la fête de la culture et de la paix.

Des projets ? Un petit hôtel pour vous accueillir, une maison de retraite mé­dicalisée accessible financièrement à tous.

Et Sarkoville sur Tarn me direz vous ?  

Une brigade entière de gendarmes, un maire élu par défection d’électeurs, des subventions distribuées dans une omerta inaccessible au public. Des dé­cisions prises sans concertation. Pas de piscine, pas de resto du coeur, pas de radio locale, pas même de panneau d’affichage, un coût de l’eau colossal quand elle est distribuée, des taxes d’habitation démesurées, une crèche à des coûts si importants que l’on se demande s’il faut continuer à travailler, un taux de chômage « que » de 9% soi disant, et cerise sur le gâteau on impose les moyennes surfaces comme la pana­cée du développement d’une ville. Enfin, pour finir, dans un pays dit laïque, imposer une charte intercommunale qui fait appel aux valeurs chrétiennes…

Acte 2

Pourquoi une telle différence entre Marinaleda et Sarkoville sur Tarn ?

Comme le dit Loli, fille d’immigré Espagnol antérieurement installé à Lille, revenue à l’âge de quinze ans à Marinaleda : « je suis venue et je n’ai jamais pu repartir ».

En 1979, quatre ans après la mort de Franco et la fin de la dictature, la ville et les habitants sont dans une misère noire. Suivre la mode du capitalisme ne les tentent guère, la mémoire de l’anarchisme sans doute, s’ouvrir à une autre économie, une autre voie, trouver une alternative.

Juan Manuel a trente ans, instituteur, membre du syndicat des ouvriers paysans, voix forte, obstiné, se présente aux élections avec un projet qu’il s’engage à réaliser si les électeurs sont avec lui.

Débute un long chemin, expropriation d’un terrain de 1200 hectares et d’une hacienda appartenant à un duc qui ne l’utilise pas. Combat à Séville, manifs, tribunaux (les femmes seront la fierté des habitants, combatives plus que quiconque) : enfin les gens du village vont pouvoir exploiter cette terre, se nourrir et pouvoir en vivre.

Création d’une coopérative, fin de situation de chômage, partage des richesses.

Partage et vraie démocratie vont être les maîtres mots. Je ne suis rien seul, nous sommes invincibles ensemble. Toutes les idées, propositions sont discutées et réalisées si elles sont partagées par la majorité (à 60%).

Depuis 32 ans ils combattent. Le parti socialiste, le parti populaire voient d’un mauvais oeil ces révolutionnaires, surtout que 5 ou 6 villages suivent l’exem­ple.

Malgré une tentative d’assassinat de Juan Manuel, le mouvement est toujours en marche. La maladie est contagieuse, Juan Manuel est même élu député.

Il faut voir l’ambiance, la fête déjà bien vivante en Espagne est ici une institution, le «syndicat» est rempli de voix tonitruantes, « ensemble on peut tout », « el pueblo unido  jamàs… », « arrêtons notre égoïsme », « aimer c’est partager ».

Un autre monde est possible ? Non un autre monde existe, et pour mieux le connaître, le comprendre, nous y retournons pendant la fête de la culture et de la Paix.

Comptez sur nous, pour vous faire signe dès notre retour, pour un acte 3.

Francis et Brigitte
Paru dans le n°90 de Confluences 81

EN SAVOIR PLUS

Sur votre moteur de recherche tapez : marinaleda ; juan manuel sanchez gordillo.

Site de la mairie : www.marinaleda.com