Compteurs Linky, relevés, médias : l’arnaque ?

Il est bien connu qu’une dépêche de l’AFP est le plus souvent reprise telle quelle par de nombreux médias qui la reproduisent automatiquement sur les sites web et souvent le lendemain dans les journaux papiers, sans parler des reportages radio et tv.C’est de cette façon que les citoyens français ont été une nouvelle fois trompés sur la question du compteur Linky, par le biais d’une dépêche AFP publiée le 15 décembre et titrée “Électricité : le relevé de compteurs payant à partir du 1er janvier pour certains clients non équipés de Linky“.On notera d’abord que la dépêche précise elle-même que ce fait a été “indiqué à l’AFP le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité Enedis” : l’AFP se fait donc petit soldat à la disposition de la communication du distributeur d’énergie et installateur des Linky.Bien sûr, habilement, la dépêche ne dit rien de formellement faux, mais la vérité est néanmoins totalement travestie : certes, la relève des compteurs sera payante à partir du premier janvier… mais seulement pour une infime minorité des 4 millions de foyers qui ont réussi à conserver leurs compteurs ordinaires (malgré les menaces et intimidations d’Enedis et de ses sous-traitants).En effet, la quasi-totalité de ces “anti-Linky” transmettront au moins une fois par an leur consommation à Enedis par Internet ou par téléphone et n’auront alors rien à payer au moins jusqu’en 2025, et probablement au-delà (*).Si elle avait pour objectif d’informer et non de tromper les citoyens, l’AFP n’aurait pas titré sur les éventuelles rares personnes qui ne transmettront pas leur consommation à Enedis (on se demande bien pourquoi elles ne le feraient pas !) mais sur les vrais enseignements de cette affaire.La première chose qu’il fallait en effet noter est que, contrairement à ce qui a été prétendu depuis le début du programme Linky en 2015, il est finalement avoué par Enedis que les compteurs ordinaires restent parfaitement légaux et peuvent être conservés sans avoir rien à payer ou au pire en échange d’une faible facturation pour quelques rares étourdis. Nous insistons d’ailleurs bien sur le fait qu’il s’agit bien d’une simple facturation, parmi toutes celles figurant dans le catalogue d’Enedis, et en aucun cas d’une “amende”.Si elle avait fait preuve du minimum d’éthique professionnelle, l’AFP aurait titré sa dépêche par quelque chose comme “Il était donc bien possible et légal de refuser les compteurs Linky“, et rendu ainsi justice aux opposants qui affirment cette vérité depuis 2015 (**).Notons aussi que, même si cette facturation de 5 euros par mois était finalement appliquée, son coût resterait bien plus faible que les augmentations de factures et d’abonnements que subissent de très nombreux habitants dès la pose du compteur Linky. Cela non plus, l’AFP s’est bien gardée d’en parler, tout comme sont évacués les nombreux et parfois graves problèmes générés par le Linky.Outre les surfacturations, on peut lister : dysfonctionnements divers, mise en danger par les ondes et les risques d’incendies (mortels), surveillance de masse rendue possible par la captation d’innombrables données, et mainmise autoritaire et arbitraire sur la consommation des habitants “Linkysés” qui peuvent se voir couper l’électricité à distance.A ce sujet, la récente affaire des cumulus (***) est parfaitement édifiante : depuis 2015, hélas relayée par trop de médias, la propagande d’Enedis affirmait que, avec les Linky, les habitants allaient pouvoir “maîtriser leur consommation” et “devenir acteurs” de cette consommation.Or, la première utilisation spécifique du Linky relève exactement du contraire : une prise en main autoritaire et arbitraire de la consommation par Enedis, autorisée par un arrêté gouvernemental. Loin d’être acteur, l’habitant “linkysé” est au contraire totalement dépossédé de son libre arbitre.Bien que dûment sollicitée par des dizaines de collectifs anti-Linky, l’AFP s’est bien gardée de faire état du fait que la majorité de la population française a été totalement trompée. Au contraire, divers médias ont stigmatisé les “sans-Linky, qui échappent effectivement aux coupures d’électricité à distance, les taxant de “mauvais citoyens” alors qu’ils sont en réalité parmi les plus attentifs à économiser l’énergie.Alors que l’industrie nucléaire française ne cesse d’étaler ses déconvenues et son incompétence, la France importe massivement de l’électricité de chez ses voisins depuis des mois. Mais ces derniers ne pourront pas nous sauver indéfiniment et il y a fort à craindre que les Linky ne soient bientôt utilisés de façon encore plus intrusive et autoritaire.Après que 10 milliards aient été gaspillés dans le programme Linky, et au lieu de lancer de ruineux chantiers de réacteurs nucléaires qui ne manqueront pas de finir en désastre comme celui de l’EPR de Flamanville, il est grand temps de financer les économies d’énergie et les énergies renouvelables…

Stéphane Lhomme
Directeur de l’Observatoire du nucléaire
Animateur de http://refus.linky.gazpar.free.fr

(*) Nous estimons que cette facturation ne sera probablement pas mise en place car, pour cela, il faudrait qu’Enedis embauche à nouveau du personnel pour effectuer les relèves de consommation. Or, licencier tous les releveurs – ce qui a hélas été fait – était au contraire un des objectifs du programme Linky dans le but de rendre Enedis encore plus rentable et d’en préparer la privatisation.

(**) Au contraire par exemple de la direction de l’UFC-QueChoisir, qui n’a cessé de mentir dans cette affaire et qui a perdu les procès intentés à l’encontre d’un des animateurs du mouvement anti-Linky. Bien que dûment informée, l’AFP n’a strictement fait aucune mention des déconvenues judiciaires de la principale association de consommateurs, qui plus est convaincue de s’être acoquinée avec les fournisseurs d’énergie et Enedis

(***) Par le biais des compteurs Linky, Enedis empêche le réchauffage de l’eau des cumulus pendant les heures creuses de la mi-journée, sans l’accord des habitants.